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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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contact@mythe-alzheimer.org

29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 23:34

2014 a été, pour nous et pour l’approche du vieillissement que nous défendons, très riche en rencontres, événements, projets et écrits, avec en point d’orgue la publication de notre livre « Penser autrement le vieillissement ». Nous remercions vivement celles et ceux qui nous ont exprimé leurs encouragements et qui nous poussent ainsi à poursuivre et amplifier notre lutte pour une conception humaniste du vieillissement et pour une société plus juste et plus solidaire ! En ces derniers jours de janvier, nous vous adressons tous nos vœux pour que cette nouvelle année s’avère très heureuse et riche en avancées et en succès dans vos projets.

 

Pour cette première chronique de l’année, nous vous proposons, si vous ne l’avez déjà fait, d’écouter l’émission diffusée le dimanche 11 janvier 2015 sur France Inter dans son magazine de grands reportages. Cette émission aborde de manière courageuse les questions de l’efficacité des médicaments « anti-Alzheimer » et des collusions pouvant exister entre les experts – largement reconnus internationalement et consultés par les autorités politiques – et l’industrie pharmaceutique. Vous pouvez écouter ou réécouter cette émission intitulée « Alzheimer : les petits intérêts dans les grands » en allant sur ce lien.

 

Nous vous invitons en particulier à écouter attentivement un morceau d’anthologie, à savoir le passage de l’émission qui va de 20’15’’ à 23’00’’ dans lequel la journaliste -l'excellente Pascale Pascariello- s’entretient avec le Professeur Bruno Dubois, professeur de neurologie à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où il dirige aussi l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer. La journaliste l’interroge plus particulièrement sur ses conflits d’intérêts avec les entreprises pharmaceutiques.

La journaliste prend la parole (dans la retranscription de l’entretien, nous avons éliminé certaines latences, hésitations et répétitions dans le discours de B. Dubois) :

 

Comme à chacun de mes interlocuteurs, je vais vous demander la liste de vos conflits d’intérêt.

B.D. : Mes conflits d’intérêt, ils sont liés aux médicaments qu’on étudie et qu’on développe dans cette maladie, donc actuellement c’est Roche, Lilly et Affiris.

Et est-ce qu’on peut connaître l’ordre des budgets dans ces cas-là ?

B.D. : L’ordre des budgets de… vous vous renseignez pour les laboratoires, pour les médicaments, vous vous renseignez pour les études cliniques, je ne sais pas combien c’est.

Et est-ce que vous avez fait du travail de consultant aussi pour des laboratoires ?

B.D. : Non, mais c’est qu’on développe ces médicaments-là pour ces laboratoires.

Non non, je vous demandais ça parce que j’avais vu une de vos interventions en mars 2012 où vous aviez fait la liste [de vos conflits d’intérêt, ndlr], en fait, et il y avait des séances de consultant.

B.D. : Mais c’est ce que je viens de vous dire.

Non, non, il y a une différence entre faire des expérimentations et être consultant, c’est pas pareil.

 

(On entend que le professeur Dubois tourne des feuilles de papier, puis il reprend la parole)

 

B.D. : Alors… Affiris, Roche, voilà… et Eli Lilly.

Et quand on est consultant, en quoi consiste le travail d’un professeur pour un laboratoire, quand c’est un travail de consultant ?

B.D. : C’est la consultance, c’est... je sais plus… c’est, par exemple, c’est participer à un advisory board… un scientific advisory board, là où on se réunit pendant quelques heures pour… ils nous montrent le médicament et ils nous demandent un peu notre avis sur l’intérêt de ce médicament, advisory, un conseil, board, un board de conseil… scientifique.

Donc vous conseillez en termes de stratégie aussi ?

B.D. : Oui, conseil stratégique, exactement !

D’accord.

B.D. : [le début de sa phrase est inaudible à la radio] Vous me demandez de parler des labos, or, moi j’ai… enfin…

Où est le problème ?

B. D. : Mais il n’y a pas de problème… alors… c’est, c’est…

Vous voulez que je coupe.

B. D. : Vous arrêtez ?

Vous voulez que j’arrête le…?

Là c’est fini, on a fini ou pas ? Alors vous arrêtez.

Alors j’arrête. J’arrête le micro.

 

[Grésillements de l’appareil]

 

Toc, toc, toc, je rallume, je rallume.

B. D. : Ce que je veux dire c’est que si vous voulez… il faut… C’est dommage qu’on soit…, il y a tellement de choses plus importantes que de parler des médicaments qui ne servent à rien, je le sais bien qu’ils ne servent à rien, mais… mais non seulement je sais bien qu’ils ne servent à rien, mais je suis obligé de dire qu’ils servent un peu parce que sinon ça désespère les malades qui les prennent, parce que dans vos auditeurs vous avez effectivement 2 ou 3 personnes qui vont dire « Ah, Dubois… là on sent, il palpe » et puis il y en a 1 million qui écoutent le truc en disant « Putain, mais le médicament que je prends ça ne sert à rien ! », donc on est bien obligé de leur dire qu’il sert un peu c’est pas parce que je suis… voilà…

Parce que vous êtes quoi ?

B. D. : Rien.

Vous voulez que j’arrête.

[Fin de l’extrait].

 

Sans commentaires….

 

En écho à cet entretien, la journaliste mentionne :

« Nous avons demandé à plusieurs reprises le montant de ses contrats au Professeur Dubois, sans succès. Pas de trace également de déclarations d’intérêt du professeur sur le site dédié du Ministère de la Santé. Ah oui, à l’exception de quelques déjeuners de 10 à 30 euros. Bruno Dubois n’est pas le seul bien sûr à prescrire des médicaments qu’il juge pourtant lui-même inefficaces ».

Et la journaliste de présenter le cas de Françoise Forette1, ainsi que les conflits d’intérêt qui minent la Haute Autorité de Santé (HAS), organisme public français dont une des fonctions est d’évaluer l’efficacité d’un médicament, son jugement conditionnant le taux de remboursement de ce médicament.

 

Nous avions, à l’époque, consacré une chronique au conflit d’intérêt de la HAS concernant l’évaluation des médicaments « anti-Alzheimer », mis en évidence par l’association FormIndep (« Pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes ») [lien].

De façon très surprenante, en 2007, la Haute Autorité de Santé (HAS) française affirmait que, « [Malgré des effets modestes], le service médical rendu (SMR) reste important, du fait notamment de la gravité de la maladie et de la place du traitement médicamenteux dans la prise en charge des patients.» Et cependant, en mai 2011, elle retirait « spontanément » ses recommandations élaborées en 2008…

En fait, ce retrait des recommandations avait été demandé devant le Conseil d’Etat depuis 2009 par l’association FormIndep. Cette association considérait que les recommandations avaient été élaborées en dépit de la législation et des règles internes de la gestion d’intérêts de la HAS. Elle avait en effet relevé des liens étroits que bon nombre des expert(e)s chargés de l’élaboration de ces recommandations entretenaient avec les laboratoires chargés de la fabrication et de la commercialisation des produits médicamenteux qui faisaient l’objet de ces recommandations de traitement.

 

Enfin, dans ce blog, nous avons à plusieurs reprises dénoncé la prescription des médicaments « anti-Alzheimer » (Aricept [donépézil], Exelon [rivastigmine], Reminyl [galantamine] et Ebixa ou Axura [mémantine]), en raison de leur inefficacité et de leurs effets secondaires, dont certains graves, suite à une consommation à long terme (voir, p. ex., cette chronique [lien]) ...

 

1 La Pre Françoise Forette est médecin, ancienne cheffe du service de gériatrie à l'hôpital Broca, à Paris. Ella a également longtemps été membre du Comité scientifique de l'association France Alzheimer.

Médicaments « anti-Alzheimer » et conflits d’intérêt :  un expert dévoile son jeu
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