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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 21:21

Plusieurs études épidémiologiques et d’interventions ont mis en évidence les effets positifs d’une activité physique et d’une activité mentale stimulante sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées (voir notamment nos chroniques « Des conclusions par trop négatives concernant la prévention du déclin cognitif ! »  et « Les liens entre la fréquence des activités cognitives et la survenue ou l’évolution d’un vieillissement cognitif/cérébral problématique »). Cependant, peu d’études ont exploré l’effet d’une intervention physique ou mentale de longue durée, en adoptant une procédure randomisée contrôlée.

 

Récemment, Klusmann et al. (2010) ont entrepris une étude randomisée contrôlée visant précisément à comparer les effets d’interventions standardisées en lien avec une activité physique et avec une activité mentale complexe (apprendre à utiliser un ordinateur) sur le fonctionnement cognitif de femmes âgées de plus de 70 ans. Ces interventions ont été menées à raison de trois séances d’1h30 par semaine pendant 6 mois et ont été comparées à une condition de contrôle. 

Les participantes ne devaient pas être familières avec l’ordinateur et devaient avoir une activité physique inférieure à une heure par semaine. Elles ne devaient pas présenter de troubles visuels ou auditifs importants, ni avoir reçu un diagnostic de dépression ou de psychose, ni  manifester de problème neurologique/médical pouvant affecter leur fonctionnement cognitif ou entraver leur participation aux activités. Pour exclure ce type de problèmes, une séance d’une heure a été consacrée à retracer l’histoire médicale des participantes, à effectuer une prise de sang (dans le but d’obtenir une mesure des paramètres sanguins habituels), à réaliser un test de marche pendant 6 minutes (en évaluant le nombre de mètres parcourus) et à effectuer un électrocardiogramme au repos. Les personnes allouées au groupe « activité physique » ont en outre subi un électrocardiogramme sous stress afin de déterminer leur rythme cardiaque optimal pour l’entraînement physique.

 

Les 259 femmes sélectionnées, âgées de 70 à 93 ans, ont été aléatoirement réparties dans le groupe d’intervention « activité physique » (n=92), le groupe d’intervention « activité mentale complexe » (n=91) et dans le groupe de contrôle (n=76). Parmi ces personnes, 230 (respectivement 80, 81 et 69) ont participé à l’évaluation effectuée après 6 mois.

Dans la condition de contrôle, les personnes devaient mener leur vie habituelle.

L’intervention relative à l’activité physique visait à entraîner l’endurance, la force, la flexibilité, ainsi que l’équilibre et la coordination (les séances commençaient habituellement par 30 minutes d’entraînement à l’endurance sur un vélo d’appartement ou un tapis de course, avec contrôle des pulsations).

En ce qui concerne l’intervention consacrée à l’ordinateur, elle impliquait des tâches diverses telles que apprendre à utiliser l’ordinateur et ses programmes, écrire, jouer, calculer, surfer sur Internet, envoyer des courriels, dessiner, produire des images et créer des vidéos. Les interventions étaient menées par groupe d’une douzaine de personnes. Pour les deux interventions, un manuel standardisé avait été élaboré par un médecin du sport et par un spécialiste de l’apprentissage de l’ordinateur à des personnes âgées. Ces manuels comportaient 75 séances d’intervention de 90 minutes chacune.

Avant d’être informées de leur attribution à l’un des trois groupes, les personnes étaient soumises à un examen neuropsychologique, administré par un psychologue non averti de leur groupe d’appartenance. Le statut cognitif global (CERAD : MMSE, dénomination, dessin de figures, fluence verbale, rappel de mots), le niveau scolaire et l’intelligence fluide (« LPS 50+ ») ont été déterminés. De plus, les tests suivants ont été administrés: le rappel immédiat et différé de récit du « Rivermead Behavioural Memory Test » (RBMT), un test de mémoire épisodique selon une procédure de rappel libre et rappel indicé (immédiat et différé) d’une liste de mots, le « Trail Making test » et le test de Stroop. Ces tests, plus le test de fluence verbale, ont été réadministrés après 6 mois, en utilisant des formes parallèles. Les trois groupes de participantes ne différaient pas significativement, lors de l’évaluation initiale, en âge, caractéristiques démographiques, fonctionnement cognitif global et performance aux différents tests cognitifs.

 

Une analyse de covariance a été réalisée sur la différence de performance aux différents tests entre l’évaluation initiale et l’évaluation après 6 mois, en prenant comme covariable les performances obtenues aux tests lors de l’évaluation initiale, le niveau de scolarité et le niveau d’intelligence fluide. Afin d’évaluer le changement après 6 mois, pour chacun des groupes, des t-tests dépendants ont été calculés sur les scores pré- et post-intervention. Une procédure de Bonferroni a été appliquée pour prendre en compte le problème des comparaisons multiples.

 

Les résultats montrent tout d’abord que les deux groupes d’intervention (activité physique et activité mentale) présentent un changement plus important de performance en rappel immédiat et différé du récit du RBMT, ainsi qu’en rappel libre différé d’une liste de mots. En outre, le groupe « activité physique » présente un changement plus important au test de marche de 6 minutes que les deux autres groupes (activité mentale et groupe de contrôle). La taille de ces effets est petite. En ce qui concerne les changements de performance entre l’évaluation pré- et post-intervention au sein de chaque groupe, on constate une augmentation en rappel immédiat et différé d’un récit (avec une taille d’effet importante) dans les deux groupes d’intervention, alors qu’aucun changement n’est observé dans le groupe de contrôle. Un gain est également observé dans le rappel différé d’une liste de mots et dans le Trail Making test (B-A) pour les deux groupes d’intervention par rapport au groupe de contrôle, mais ce gain est lié au fait que la performance du groupe de contrôle a montré un déclin significatif (taille d’effet modérée à importante), alors que les deux autres groupes ont stabilisé leur performance. La diminution de performance observée dans le groupe de contrôle correspondrait à un déclin naturel lié à l’âge. Aucun changement significatif n’est par contre observé dans les trois groupes en fluence verbale et rappel immédiat d’une liste de mots. Enfin, une amélioration est relevée dans les trois groupes au test de Stroop, traduisant très vraisemblablement un effet d’apprentissage test/retest (la nature même de cette tâche empêchant d’élaborer une version parallèle adéquate).


Cette étude est ainsi la première à montrer, au moyen d’un essai randomisé contrôlé de grande envergure, que l’engagement dans des activités physiques et mentales nouvelles améliore le fonctionnement cognitif ou diffère le déclin cognitif de personnes âgées (ne présentant pas de vieillissement cognitif/cérébral problématique).

 

Les résultats ne montrent pas de différences dans les effets bénéfiques entre l’intervention « activité physique » et l’intervention « activité mentale ». Des recherches futures devraient cependant examiner dans quelle mesure ces deux types d’intervention pourraient avoir des effets additifs ou interactifs.  Les auteurs indiquent qu’ils ne peuvent pas complètement réfuter une interprétation postulant que les effets bénéfiques seraient liés, dans les deux types d’intervention, aux contacts sociaux que les participantes ont établi durant les entraînements : ils relèvent néanmoins que, dans d’autres études, la comparaison entre un groupe de contrôle avec contacts sociaux et un groupe de contrôle passif n’a pas mis en évidence de différence quant à l’amélioration cognitive (Wadley et al., 2006 ; Willis et al., 1983).

 

Il est important de noter que l’amélioration des performances se marque particulièrement dans le rappel de récits, une tâche proche des activités mnésiques de la vie quotidienne. Dans cette perspective, on pourrait faite l’hypothèse que ce bénéfice résulte d’une amélioration de la flexibilité cognitive et d’une utilisation accrue de stratégies compensatoires, induites par la confrontation aux nouveaux défis auxquels les personnes âgées ont été confrontées dans la réalisation des activités physiques et mentales non familières et à facettes multiples. Cette hypothèse devrait faire l’objet d’études futures, à la fois en évaluant les effets des interventions au moyen de situations simulant des activités de la vie quotidienne (impliquant notamment du « multitasking » et de la flexibilité) et en explorant plus directement les bénéfices des interventions sur le fonctionnement quotidien des personnes (par ex., au moyen d’un journal de bord ou « diary »).

 

Des recherches futures devraient également explorer de façon plus directe les effets de ce type d’intervention sur le développement d’un vieillissement cérébral/cognitif problématique.

 

Plus généralement, l’intérêt de ce travail est d’avoir montré l’efficacité d’interventions qui ont une réelle pertinence pour les personnes âgées et qui peuvent aisément être implémentées dans la communauté de vie des personnes, contrairement à des programmes d’entraînement cognitif plus spécifiques.

 

mental-and-physical.jpg©123rf  

Klusmann, V.,  Evers, A., Schwarzer, R., Schlattmann, P., Reischies, F.M., Heuser, I., & Dimeo, F.C. (2010). Complex mental and physical activity in older women and cognitive performance: A 6-month randomized controlled activity. Journal of Gerontology A: Medical Sciences, 65, 680-688.

Wadley, V.G., Benz, R.L., Ball, K.K., Roenker, D.L., Edwards, J.D., & Vance, D.E. (2006). Development and evaluation of home-based speed-of-processing training for older adults. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 87, 757-763.

Willis, S.L., Cornelius, S.W., Blow, F.C., & Baltes, P.B. (2003). Training research in aging: attentional processes. Journal of Educational Psychology, 75, 257-270.

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