Dans une de nos dernières chroniques (« Des conclusions par trop négatives concernant la prévention du déclin cognitif ! »), nous avons montré en quoi il existait actuellement au moins deux facteurs de risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique bien établis et pouvant donc faire l’objet de mesures de prévention, la consommation de tabac et l’activité physique. Cette chronique et la prochaine aborderont respectivement chacun d’entre eux.
Partie 1 : La consommation de tabac
Rusanen et al. (2010) ont analysé les données prospectives d’une cohorte multiethnique de 21’123 personnes qui ont participé, aux Etats-Unis, à une enquête sur les comportements en lien avec la santé (incluant la consommation de tabac), et ce entre 1978 et 1985 (les personnes avaient alors en moyenne 58 ans). La présence chez ces personnes d’un diagnostic de « démence non spécifiée », de « maladie d’Alzheimer » et de « démence vasculaire » a été identifiée de 1994 à 2008, sur base des dossiers électroniques de santé (le diagnostic de « démence non spécifiée » avait été posé par un médecin interniste et ceux de « maladie d’Alzheimer » ou de « démence vasculaire » par un neurologue et un neuropsychologue).
Un total de 5’367 personnes ont reçu un diagnostic de « démence » (incluant 1’136 cas de « maladie d’Alzheimer » et 416 cas de « démence vasculaire ») et ce durant une période moyenne de suivi de 23 ans. Les analyses ont été effectuées en contrôlant l’influence possible des facteurs suivants : l’âge, le genre, le niveau scolaire, l’appartenance ethnique, le statut marital, l’hypertension, l’hyperlipidémie, l’indice de masse corporelle, le diabète, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et la consommation d’alcool.
Les résultats montrent que le risque de démence est dose-dépendant et s’accroît donc en fonction du nombre de cigarettes fumées. En effet, par comparaison aux non fumeurs, les personnes qui fument plus de deux paquets de cigarettes par jour à la cinquantaine ont le risque le plus élevé de développer une démence 20 ans après (hazard ratio ajusté de « démence » non spécifiée: 2.14 ; 95% IC, 1,65-2.78 ; de « maladie d’Alzheimer »: 2.57 ; 95%IC, 1.63-4.03 ; de « démence vasculaire : 2.72 ; 95%IC, 1.20-6.18).
Les mécanismes par lesquels la consommation de tabac augmente le risque de « démence » doivent faire l’objet d’études futures. Il est cependant intéressant de relever que la consommation de tabac accroît le risque de « démence vasculaire », même après avoir contrôlé l’influence de possibles facteurs vasculaires confondants (y compris la présence d’un accident vasculaire cérébral), ce qui suggère que le tabac a un effet indépendant sur la « démence vasculaire », au-delà de l’accélération de maladies cérébrovasculaires. Il est par ailleurs admis que le tabac augmente le stress oxydatif et l’inflammation…
Rusanen, M., Kivipelto, M., Quesenberry, Ch. P., Zhou, J., & Whitmer, R.A. (2010). Heavy smoking in midlife and long-term risk of Alzheimer disease and vascular dementia. Archives of Internal Medicine, à paraître.
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