Des éléments fondamentaux pour la qualité de vie des personnes âgées vivant dans une structure d’hébergement à long terme !
Un nombre croissant de personnes s’accordent sur la nécessité d’un changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées (voir notre chronique « Les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées : la nécessité d’un changement de culture »). Ce changement suppose notamment d’affronter les trois fléaux qui contribuent de façon importante à la souffrance des personnes âgées, à savoir la solitude, le sentiment d’impuissance et l’ennui.
En particulier, une communauté centrée sur la personne âgée devrait permettre, comme antidote à la solitude, un accès aisé et continu à la compagnie affectueuse d’autres personnes, y compris des enfants.
Elle devrait aussi, en tant qu’antidote au sentiment d’impuissance, offrir l’opportunité de donner autant que de recevoir des soins et, plus largement, de faire des choses auxquelles on trouve un sens.
Elle devrait enfin, comme antidote à l’ennui, imprégner la vie quotidienne de variété et de spontanéité en créant un environnement dans lequel des interactions et des événements imprévisibles et inattendus peuvent se produire (voir l’Eden Alternative [lien]).
L’importance du soutien social sur la qualité de vie en lien avec la santé a été explorée dans une étude réalisée en Norvège auprès de résidents de structures d’hébergement à long terme (Drageset et al., 2009). Cette étude a porté sur 227 personnes âgées de plus de 65 ans issues de 30 structures d’hébergement à long terme de Bergen, capables de mener une conversation, résidant dans l’établissement depuis au moins 6 mois et ne présentant pas de troubles cognitifs significatifs (CDR=0 ou 0.5).
Plusieurs facteurs ont été évalués durant des entretiens en face à face. Tout d’abord, le soutien social a été évalué au moyen d’un questionnaire explorant 4 dimensions :
* l’attachement (présence de relations avec des personnes auprès desquelles on acquiert un sentiment de sécurité),
* l’intégration sociale (un réseau social au sein duquel la personne âgée partage des préoccupations et des intérêts communs),
* le fait d’être assuré de sa valeur personnelle (un sentiment de compétence et d’estime de soi), et
* la possibilité de s’occuper d’autrui.
Une question évaluant le sentiment de cohérence a également été administrée : il s’agissait, pour la personne, d’évaluer dans quelle mesure elle avait le sentiment de comprendre le monde dans lequel elle vivait, de pouvoir gérer les situations auxquelles elle était confrontée et de leur donner un sens. De plus, les participants étaient soumis à un questionnaire évaluant la qualité de vie en lien avec la santé : fonctionnement physique, santé générale, santé mentale, douleurs physiques, restrictions des rôles du fait de problèmes physiques ou de problèmes émotionnels, fonctionnement social, vitalité, et changements dans l’état de santé générale dans la dernière année. Enfin, un indice de comorbidité a été établi à partir de la présence de 18 diagnostics médicaux et l’influence possible de ce facteur dans les associations observées a été contrôlée.
Les résultats montrent que le niveau d’attachement est en lien avec l’évaluation de la qualité de la santé mentale, que le niveau d’assurance concernant sa valeur (sentiment de compétence et d’estime de soi) est en lien avec l’évaluation de la vitalité et que la possibilité de s’occuper d’autrui est associée à l’évaluation du fonctionnement social, et ce après avoir pris en compte diverses variables sociodémographiques (âge, genre, statut marital, niveau scolaire), ainsi que l’indice de comorbidité.
Par ailleurs, quand l’analyse inclut le sentiment de cohérence, les liens entre possibilité de s’occuper d’autrui et fonctionnement social, ainsi que ceux entre assurance concernant sa valeur et vitalité subsistent. Aucune interaction entre les dimensions du soutien social et le sentiment de cohérence n’est observée, mais le sentiment de cohérence affecte toutes les dimensions de l’évaluation de la qualité de vie en lien avec la santé.
En résumé, au plan du soutien social, ces données confirment que la présence de relations privilégiées avec certaines personnes (auprès desquelles on se sent en sécurité) et la possibilité de s’occuper d’autres personnes constituent des éléments importants pour la qualité de vie des résidants dans des structures d’hébergement à long terme. Ces structures et les intervenants dans ces structures devraient dès lors favoriser ces dimensions du soutien social.
De même, il s’agirait de prendre en compte l’estime de soi et le sentiment de compétence des personnes âgées, de les maintenir ou les renforcer, notamment en donnant à ces personnes la possibilité d’influer sur les choix dans l’institution et d’utiliser leurs propres ressources et expertises dans les activités de la vie quotidienne, ainsi qu'en respectant leurs attitudes et valeurs dans les décisions à prendre.
En ce qui concerne l’influence du sentiment de cohérence, les auteurs reconnaissent que leur échantillon de personnes âgées était peut-être trop restreint pour mettre en évidence une interaction entre cette dimension et les facettes du soutien social.
D’autres données vont dans le sens de celles obtenues par Drageset et al. Ainsi, par exemple, le manque de soutien social et le sentiment de solitude constituent des facteurs contribuant de façon significative (avec d’autres facteurs comme les limitations fonctionnelles et les événements de vie négatifs, l’inadéquation perçue des soins, les accidents vasculaires cérébraux, la douleur, les troubles visuels) à la dépression, dont la prévalence est très élevée dans les structures d’hébergement à long terme pour personnes âgées (Jongelis et al., 2004). Par ailleurs, une étude menée auprès de personnes vivant dans la communauté a montré que la souffrance psychologique ressentie par les personnes âgées du fait de leurs limitations dans la réalisation d’activités de la vie quotidienne était significativement moins importante chez les personnes ayant la perception de pouvoir disposer du soutien d’un réseau social (Bierman & Stadland, 2010).
Une étude du type de celle menée par Drageset et al. devrait aussi être menée auprès de personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique, avec une méthodologie adaptée. Il n’y a cependant pas, a priori, de raisons fondamentales pour considérer que les associations observées par Drageset et al, ne se retrouveraient dans cette population, même si d’autres relations pourraient apparaître, notamment en lien avec le sentiment de cohérence.
Dans l’ensemble, ces résultats plaident en faveur de la mise en place d’un cadre conceptuel et de projets d’intervention visant à optimiser les interactions sociales dans les structures d’hébergement à long terme. Cette réflexion devrait également intégrer la dimension de relations intergénérationnelles. Nous reviendrons sur ces questions dans une chronique future.
Bierma, A., & Statland, D. (2010). Timing, social support, and the effects of physical limitations on psychological distress in late life. Journal of Gerontology: Social Sciences, 65B, 631-639.
Drageset, J., Eide, E.G., Nygaard, H.A., Bondevik, M., Nortved, M.N., & Natvig, G.K. (2009). The impact of social support and sense of coherence on health-related quality of life among nursing home residents. A questionnaire survey in Bergen, Norway. International Journal of Nursing Studies, 46, 66-76.
Jongenelis, K., Pot, A.M., Eisses, A.M.H., Beekman, A.T.F., Kluiter, H., & Ribbe, M.W. (2004). Prevalence and risk indicators of depression in elderly nursing home patients: the AGED study. Journal of Affective Disorders, 83, 135-142.
commenter cet article …