Dans deux chroniques précédentes, nous avons décrit des études suggérant d’une part que le risque de « démence » était plus fréquent chez des femmes ayant vécu un stress fréquent/constant au milieu de l’âge adulte (« Risque de « démence » et stress psychologique ») et d’autre part qu’un événement stressant et grave pouvait contribuer au déclenchement d’un déclin cognitif (« Un événement stressant et grave peut-il contribuer au déclenchement d’un déclin cognitif chez la personne âgée ? »).
Un travail récent apporte de nouveaux éléments en faveur de l’implication possible du stress dans le développement d’un vieillissement cérébral problématique (d’une « démence »). En effet, dans une étude rétrospective, Yaffe et al. (2010) ont suivi une cohorte de 181’093 anciens combattants des Etats-Unis (« veterans »), principalement des hommes âgés de 55 ans et plus (53’155 avec un état de stress post-traumatique et 127’938 sans état de stress post-traumatique). Ils ne présentaient pas de démence durant la période de ligne de base s’étendant de l’année 1997 à l’année 2000 et ils ont été évalués au moins une fois par an entre le 1er octobre 2000 et la fin 2007.
Les résultats montrent que les anciens combattants avec un état de stress post-traumatique ont un risque deux fois plus élevé de développer une « démence » que les anciens combattants sans état de stress post-traumatique, et ce après avoir contrôlé d’éventuelles différences entre les deux groupes de participants en ce qui concerne des facteurs démographiques (éducation, ethnicité, revenus) et de co-morbidité médicale/psychiatrique.
Différents mécanismes pourraient être impliqués dans cette association entre état de stress post-traumatique et « démence » : moins de réserve cognitive, réduction du volume hippocampique, altérations inflammatoires, effets des médicaments, vulnérabilité génétique commune, etc. Pitman (2010) relève qu’un facteur confondant important n’a pas été contrôlé dans l’étude de Yaffe et al., à savoir le niveau d’efficience intellectuelle pré-combat. Il existe en effet des données suggérant qu’une efficience intellectuelle plus faible constitue un facteur de risque à la fois pour la survenue d’un état de stress post-traumatique post-combat [Macklin et al., 1998]) et celle d’une « démence » (McGurn et al., 2008).
Des études ultérieures doivent donc être menées afin de clarifier la nature de cette association entre état de stress post-traumatique et risque de vieillissement problématique (de « démence »), notamment en relation avec l’efficience cognitive antérieure, et ce afin de proposer des interventions visant à réduire l’importance de ce risque.
Macklin, M.L., Metzger, L.J., Litz, B.T. et al. (1998). Lower precombat intelligence is a risk factor for posttraumatic stress disorder. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 66, 323-326.
McGurn, B., Deary, U., & Starr, J.M. (2008). Childhood cognitive ability and risk of late-onset Alzheimer and vascular disease. Neurology, 71, 1051-1056.
Pitman, R.K. (2010). Posttraumatic stress disorder and dementia. What is the origin of the association? Journal of the American Medical Association, 303, 2287-2288.
Yaffe, K., Vittinghoff, E., Lindquist, K., Barnes, D., Covinsky, K.E., Neylan, Th., Kluse, M., & Marmar, Ch. (2010). Posttraumatic stress disorder and risk of dementia among US Veterans. Archives of General Psychiatry, 67, 608-617.
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