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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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9 novembre 2010 2 09 /11 /novembre /2010 22:30

Les structures d’hébergements à long terme des personnes âgées fonctionnent encore trop souvent selon une culture centrée sur le soin médical, la sécurité et l’uniformité, plutôt que sur la qualité de vie des personnes, leur bien-être, leur ouverture vers la société, leurs souhaits spécifiques et le soutien à leur autonomie et au sentiment de contrôle de leur existence (voir notre chronique « Les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées : la nécessité d’un changement de culture »).

 

Une des conséquences de ce mode de fonctionnement est l’hyper-médication des personnes âgées, avec tous les effets négatifs qui en découlent (voir nos chroniques « La prescription fréquente de médicaments psychotropes aux personnes ayant reçu le diagnostic de démence : une atteinte inacceptable à leurs droits » et « Une consommation élevée de médicaments dans les structures d’hébergement et de soin à long terme pour personnes âgées en Belgique »).

 

Dans cette perspective, Haw et Stubbs (2010) ont effectué une analyse des études publiées (encore peu nombreuses) qui se sont penchées sur l’administration dissimulée de médicaments aux personnes âgées, c’est-à-dire sans qu’elles en aient connaissance, sans que leur consentement soit obtenu, et ce en dissimulant les produits dans la boisson ou la nourriture.

 

Les résultats de cet examen (effectué sur 8 études publiées, dont 7 menées au Royaume-Uni, et un rapport) montrent que l’administration dissimulée de médicaments se produit dans 43 à 71 % des structures d’hébergement. Par ailleurs, au total, 1,5 à 17%  des personnes âgées ont reçu une médication de manière cachée. Il apparaît, en outre, que l’initiative de ce type de pratique est fréquemment prise de façon individuelle par le personnel infirmier, c’est-à-dire sans consulter une équipe pluridisciplinaire. Il faut relever que les soignants ne semblent pas toujours au clair sur le fait qu’un médicament ne devrait pas être fourni de façon cachée à des personnes ayant leurs capacités de discernement.

 

Comme l’indiquent Haw et Stubbs (reprenant divers textes juridiques et en lien avec les droits de l’homme), il doit y avoir une justification forte à une médication dissimulée et contrainte (certains médicaments anxiolytiques ou antipsychotiques pouvant être considérés comme des moyens d’entrave mentaux). Plus spécifiquement, il s’agit de respecter le principe d’une réponse proportionnée, en considérant que le dommage causé par le fait de ne pas administrer un médicament doit être plus important que le dommage provoqué par le fait de l’administrer de façon dissimulée (ce dommage incluant le tort que la tromperie sur la médication occasionne à la personne et tous les effets secondaires et risques associés à la médication en tant que telle).

 

La décision de donner une médication de façon dissimulée ne devrait être prise qu’après avoir consulté l’équipe pluridisciplinaire et d’autres personnes pertinentes, et ce, dans le cadre légal approprié. Une liste (« checklist ») des facteurs à prendre en compte pour préserver les intérêts de la personne âgée devrait être consultée, en commun avec les autres professionnels, afin de déterminer la meilleure façon de se comporter avec une personne qui refuse de prendre sa médication.

 

Par ailleurs, il apparaît que les membres du personnel soignant des structures d’hébergement à long terme devraient bénéficier de programmes d’information sur cette question, dans ses aspects juridiques et aussi pratiques (en incluant des analyses de cas).     

 

Notons, pour terminer, que, dans la seule étude examinée par Haw et Stubbs ayant exploré les pratiques de médication auprès de personnes âgées « démentes » vivant dans la communauté, il apparaît que 98% des proches aidants sont en faveur de l’utilisation dissimulée de médicaments pour soulager une souffrance psychologique importante et 10% rapportent dissimuler des médicaments dans la nourriture de leur proche, au moins chaque semaine.

 

De façon plus générale, des études ultérieures devraient être menées afin d’obtenir davantage de données sur cette question, dans d’autres pays, et ce, tant dans les structures d’hébergement à long terme que dans la communauté. 

 

medicaments_caches.jpg 

Haw, C., & Stubb, J. (2010). Covert administration of medication to older adults: a review of the literature et published studies. Journal of Psychiatric and Mental Health Nursing, 17, 761-768.

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