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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 07:13

Il existe de très nombreuses données indiquant que l’anxiété (qu’elle soit associée à un trait de personnalité ou à un état émotionnel transitoire) conduit à une perturbation des performances dans de nombreuses tâches cognitives. De façon plus spécifique, il a aussi été montré que l’anxiété était associée à une diminution du fonctionnement cognitif chez les personnes âgées et qu’elle pouvait prédire le déclin cognitif lié à l’âge ainsi qu’un vieillissement cérébral/cognitif problématique ou une « démence » (voir Beaudreau & O’Hara, 2008).

 

Ainsi, par exemple, dans une étude prospective menée auprès de 1’160 personnes issues de la communauté et âgées de 48 à 76 ans lors de l’évaluation initiale, Gallacher et al. (2009) ont montré que l’anxiété-trait (évaluée au moyen de l’échelle trait de la STAI : State Trait Anxiety Inventory) était significativement reliée, 17 ans plus tard, à la présence d’un trouble cognitif sans « démence » et d’une « démence » (évalués selon les critères classiques).

L’association entre l’anxiété et les troubles cognitifs (avec ou sans « démence ») a été observée pour des scores d’anxiété supérieurs au centile 30.  Par ailleurs, cette association a été mise en évidence après avoir contrôlé de nombreux facteurs possiblement confondants: facteurs de risque vasculaires (pression sanguine, indice de masse corporelle, cholestérol total), consommation d’alcool, classe sociale, tabagisme, maladies vasculaires antérieures, souffrance psychologique (échelle de santé générale GHQ30, incluant la dépression), fonctionnement cognitif pré-morbide, statut ApoE. De plus, l’association s’est maintenue quand ont été retirées les personnes ayant des difficultés cognitives lors de l’évaluation initiale (ligne de base). Même si les auteurs ont contrôlé le facteur « dépression » via l’échelle GHQ30, ils reconnaissent néanmoins que des études futures devraient examiner plus avant dans quelle mesure l’association entre anxiété et troubles cognitifs est indépendante de la dépression.

 

Dans une étude prospective plus récente, Pietrzak et al. (2011) ont mis en évidence que des symptômes d’inquiétude, même légers, pouvaient prédire l’existence d’un déclin cognitif précoce chez des personnes âgées issues de la communauté. Lors de l’évaluation initiale et après une et deux années, ils ont administré à 263 personnes âgées de 50 ans et plus, sans troubles cognitifs liées à un problème neurologique ou médical, une échelle d’évaluation des inquiétudes (Penn State Worry Questionnaire), ainsi que qu’une échelle (Patient Health Questionnaire-9, PHQ-9) évaluant la présence de symptômes dépressifs durant les deux dernières semaines. Du fait de la distribution asymétrique des données, l’échantillon a été scindé, via une procédure de « median split » (division par la médiane), en deux groupes à la propension aux inquiétudes minimale versus légère, ainsi qu’en deux groupes avec dépression minimale versus légère.

Par ailleurs, les personnes ont également été soumises, durant les mêmes périodes, à une batterie de tests cognitifs (résistant aux effets de pratique liés à la répétition des tests) évaluant la vitesse psychomotrice (temps de réaction simple), l’attention visuelle (temps de réaction complexe), la mémoire épisodique visuelle (en reconnaissance), l’apprentissage d’associations images/localisations, la mémoire épisodique verbale (rappel de liste de mots, en rappel immédiat et différé ; tâche administrée uniquement lors de la visite à 2 ans) et la mémoire de travail (tâche « one-back »).

 

Les résultats montrent qu’une propension légère aux inquiétudes, évaluée lors de la ligne de base,  est associée à de moins bonnes performances et à un déclin significatif (tout au long du suivi) à la tâche d’apprentissage d’associations images/localisations : de façon plus spécifique, les personnes avec une propension légère aux inquiétudes ont une probabilité 3.8 fois plus importante de montrer un déclin dans la performance à la tâche d’association images/localisations que les personnes présentant une propension mimimale aux inquiétudes. En outre, les personnes âgées présentant une propension légère aux inquiétudes obtiennent également des performances inférieures, lors du suivi à 2 ans, dans la tâche de rappel verbal différé d’une liste de mots. De plus, l’association entre la propension aux inquiétudes et le déclin cognitif dans la tâche d’association images/localisations est indépendante de la performance cognitive lors de la ligne de base, ainsi que de la présence de symptômes dépressifs  Enfin, la performance en mémoire de travail constitue un médiateur entre les manifestations d’inquiétudes et la tâche d’apprentissage d’associations images/localisations. Ce résultat est compatible avec l’interprétation selon laquelle l’anxiété et les inquiétudes interfèrent avec la composante exécutive (« central executive ») de la mémoire de travail.

 

Cette étude présente certaines limites et notamment une variance assez réduite, tant des inquiétudes que des symptômes dépressifs, et une procédure de « median split » pouvant réduire la puissance statistique. Néanmoins, cette recherche met en évidence le rôle des inquiétudes légères dans le déclin cognitif et ajoute ainsi un facteur de plus à la multitude de facteurs impliqués dans le déclin cognitif des personnes âgées.

 

De manière plus générale, les études que nous avons présentées suggèrent la mise en place de travaux visant à mieux comprendre le rôle de l’anxiété dans le fonctionnement cognitif des personnes âgées, et ce en se fondant sur les conceptions théoriques les plus récentes qui intègrent la contribution de la motivation (tâches plus ou moins exigeantes et tâches ayant des buts plus ou moins clairs ; voir Eysenck & Derakshan, 2011). Il s’agirait également d’examiner la contribution des dimensions non cognitives (somatiques) de l’anxiété, qui ont été mises en relation avec des difficultés de stockage à court terme de l’information visuospatiale, en tout cas chez des personnes jeunes (Shackman et al., 2006).

 

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Beaudreau, S.A., & O’Hara, R. (2008). Late-life anxiety and cognitive impairment: A review. American Journal of Geriatric Psychiatry, 16, 790-803.

Eysenck, M.W., & Derakshan, N, (2011). New perspectives in attentional control theory. Personality and Individual Differences, 50, 955-960.

Gallacher, J., Bayer, A., Fish, M., Pickering, J., Pedro, S., Dunstan, F., Ebrahim, S., & Bem-Shlomo. Y. (2009). Does anxiety affect risk of dementia) Findings from the Caerphilly prospective study. Psychosomatic Medicine, 71, 659-666.

Pietrzak, R.H., Maruff, P., Woodward, M., Fredrickson, J., Fredrickson, A., Krystal, J.H., Southwick, S.M., & Darby, D. (2011), Mild worry symptoms predict decline in learning and memory in healthy older adults: A 2-year prospective cohort study. American Journal of Geriatric Psychiatry, sous presse (doi: 10.1097/JGP.0b013e3182107e24).

Shackman, A., Sarinopoulos, I., Maxwell, J.S., Pizzagalli, D.A., Lavric, A., & Davidson, R.J. (2006). Anxiety selectively disrupts visuospatial working memory. Emotion, 6, 40-61.

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