Une grande variété de facteurs intervenant tout au long de la vie sont associés au fonctionnement cognitif des personnes âgées. Quelques études se sont intéressées aux relations entre une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques et les difficultés cognitives durant la vieillesse (voir la chronique « Dépression et risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique » et la chronique « Etat de stress post-traumatique et risque de vieillissement cérébral problématique »). Cependant, cette question reste encore peu explorée.
Dans ce contexte, Brown (2010) a examiné les liens entre une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques et la cognition en utilisant des données issues de l’étude « Asset and Health Dynamics among the Oldest-Old » (AHEAD) réalisée aux Etats-Unis. Les données examinées ont été recueillies durant les années 1995, 1998, 2000, 2002, 2004 et 2006. Les participants ont été soumis à une évaluation cognitive après qu’ils avaient atteint l’âge de 65 ans. L’échantillon étudié incluait des adultes nés entre 1923 et 1947 et comportait 16’513 personnes ayant été soumises à au moins une évaluation cognitive valide (88,8% ont eu deux évaluations, 77% ont eu 3 évaluations, 67% ont eu 4 évaluations, 56% ont eu 5 évaluations et 11% ont eu 6 évaluations). L’âge moyen des participants était de 74,86 ans.
La mesure cognitive (variable dépendante) a été obtenue via une version modifiée du TICS, un instrument destiné à être administré par téléphone et comportant 6 tâches (avec un score maximum de 35 points) évaluant la mémoire et les fonctions exécutives. La performance cognitive moyenne était de 21,09.
L’histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques (variable indépendante) a été évaluée via deux questions : « Avez-vous consulté un médecin pour des problèmes psychiatriques, émotionnels ou nerveux » et « Suivez-vous maintenant un traitement psychiatrique ou psychologique pour ces problèmes ? ». Lors de la première évaluation, 2'129 participants ont rapporté une histoire passée de problèmes psychiatriques ou psychologiques et 340 ont rapporté être actuellement en traitement. Les réponses aux deux questions ont été utilisées pour créer trois variables : histoire ancienne de problèmes psychiatriques ou psychologiques (avec ou sans traitement actuel); traitement actuel; cas incident (les personnes qui ont répondu affirmativement à la présence de problèmes psychiatriques ou psychologiques après avoir dit non lors d’au moins une évaluation antérieure) .
Outre les facteurs de genre et d’ethnicité, une série de mesures relatives à l’enfance ont également été obtenues : niveaux de scolarité maternelle et paternelle (supérieur ou inférieur à 8 ans), statut socio-économique familial et profession habituelle du père. Ces variables ont été combinées pour constituer un indice d’enfance défavorisée, allant de 0 (pas défavorisé) à 1 (le plus défavorisé). 18% des participants ont obtenu l’indice d’enfance la plus défavorisée (parmi lesquels les Hispaniques et les Afro-Américains étaient en plus grande proportion). L’état de santé durant l’enfance était également évalué.
Enfin, les variables indépendantes suivantes ont été contrôlées : le niveau de scolarité des participants, le statut marital, le revenu du ménage, l’auto-évaluation de la santé, la vision, l’audition, la présence de problèmes de santé chroniques, le tabagisme actuel et le fait d’avoir déjà bu de l’alcool. L’analyse des données a été menée en utilisant un modèle de courbes de croissance afin de comparer les changements cognitifs dans différents groupes de participants à mesure qu’ils avançaient en âge.
Les résultats ont montré que les personnes ayant une histoire de troubles psychiatriques ou psychologiques présentaient un fonctionnement cognitif significativement plus bas et un déclin plus rapide avec l’avancée en âge, et ce après avoir contrôlé les effets du genre, de l’ethnicité, des variables sociodémographiques, ainsi que de la santé et des comportements en lien avec la santé. Les personnes ayant une enfance défavorisée montraient également une performance cognitive plus faible, mais pas de différence dans la vitesse de déclin cognitif.
Par ailleurs, les participants qui avaient une histoire combinée de problèmes psychiatriques/psychologiques et d’enfance défavorisée obtenaient une performance cognitive encore plus faible que ceux ayant uniquement une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques, mais leur vitesse de déclin cognitif n’était par contre pas davantage affectée.
Les données examinées dans cette étude n’incluaient malheureusement pas d’informations sur la nature des problèmes psychiatriques ou psychologiques spécifiques vécus par les personnes, ni sur les événements de vie auxquels ces dernières avaient été soumises.
Cette étude confirme néanmoins qu'une enfance défavorisée et une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques contribuent à façonner le fonctionnement et le déclin cognitifs des personnes âgées. Il y a là des éléments de plus à prendre en compte dans une politique de prévention des aspects problématiques du vieillissement cérébral et cognitif.
Brown, M.T. (2010). Early-life characteristics, psychiatry history, and cognition trajectories in later life. The Gerontologist, à paraître (doi:10.1093/geront/gnq049)
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