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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 23:08

Dans une chronique précédente (« Le parler "personnes âgées" est associé à la résistance aux soins dans les structures d’hébergement à long terme »), nous avons rapporté les résultats d’une étude montrant que la résistance des personnes âgées aux soins qui leur sont administrés était en partie liée à l’adoption par les soignants d’un langage condescendant et infantilisant.

Une étude (Christensson et al., 2011) publiée dans le numéro spécial de la revue Behavior Therapy consacré à l’approche comportementale dans le vieillissement cérébral/cognitif problématique (« Geriatric Behavior Therapy : The challenges of a changing environnement ») s’est intéressée à l’influence de la forme des consignes présentées par les soignants sur la réalisation effective des actions et des tâches demandées aux personnes âgées présentant une « démence ».

Les participants à cette étude étaient 11 personnes âgées de 65 ans et plus (4 hommes et 7 femmes) et ayant reçu le diagnostic de « démence » et 11 soignants certifiés (4 hommes et 7 femmes), en contact régulier avec les personnes âgées. Les interactions résident-soignant ont été analysées pendant la réalisation des activités de base de la vie quotidienne (toilette, douche, habillage, etc.), durant lesquelles de nombreuses demandes et consignes sont formulées par les soignants. Ces interactions étaient enregistrées par une caméra dissimulée (les participants étant cependant informés qu’ils étaient filmés), et ce durant au moins deux interactions et maximum trois (27 interactions ont été recueillies).

Le système de codage utilisé distinguait 9 types différents de consigne ; pour chaque type de consigne étaient distinguées des consignes alpha (réalisables, spécifiques, appropriées) et des consignes beta (la personne n’était pas en mesure de répondre à la consigne du fait que la consigne était vague, interrompue, indirecte ou soumise à interférence). Ainsi, un des types de consigne correspondait à des questions impliquant la réalisation d’une réponse motrice : une consigne codée alpha était p. ex. : « Pouvez-vous lever votre pied ? », alors qu’une consigne codée beta était, p. ex., « Pouvez-vous m’aider ? ». Un autre type de consigne correspondait à des interdictions : une consigne codée alpha était, p. ex., « Ne vous asseyez pas !», alors qu’une consigne codée beta était, p. ex., « Non ! ». Quand une consigne verbale correspondait à une consigne beta (p. ex., « prenez cela ! »), mais était accompagnée d’un geste spécifique (p. ex., indiquant l’objet à prendre), la consigne était codée alpha.

La « compliance » (la réalisation effective de l’action par la personne âgée) était définie comme un comportement approprié initié endéans les 5 secondes après la consigne et qui se terminait par la réalisation de ce qui avait été demandé. La « non compliance » (l’absence de  réalisation) était définie par l’absence d’initiation de la réponse appropriée endéans les 5 secondes après la consigne. La « compliance forcée » était définie par le fait que la réponse appropriée était réalisée par le soignant plutôt que par le résident. Si la « compliance forcée » était observée endéans 5 secondes après la consigne, elle était à la fois codée comme consigne beta et réalisation forcée 

L’accord inter-juges testé sur 25% des codages était bon (kappa : .95). En tout, 737 consignes ont été analysées : 58.5% de consignes alpha et 41.5% de consignes beta. Par ailleurs, 71% de toutes les consignes alpha conduisaient à la « compliance » contre seulement 47% de toutes les consignes beta. En outre, la majorité des réponses « non compliantes » (56%) étaient précédées d’une consigne beta alors que la majorité des réponses « compliantes » étaient précédées d’une consigne alpha (68%). Considérées globalement, ces données montrent que les consignes alpha conduisent davantage à des « réponses compliantes », alors que les consignes beta conduisent davantage à des réponses « non compliantes », et que cette association est statistiquement significative.

Si l’on se penche sur l’influence du type de consigne, il apparaît que le fait de demander à une personne âgée si elle veut bien effectuer une action (sous forme de question) est moins efficace que de lui dire directement de le faire et de le répéter si nécessaire. Même quand les consignes sous forme de question sont spécifiques (consignes alpha ; p. ex., « Pouvez vous lever votre pied ? »), elles n’aboutissent à des réponses « compliantes » que dans 50% des cas. Ainsi, globalement, les consignes qui sont formulées de façon directe, les consignes qui sont répétées exactement de la même façon et aussi les consignes qui clarifient une consigne antérieure conduisent à une « compliance » plus élevée,

De plus, les consignes de « collaboration », formulées à la troisième personne du singulier ou à la première personne du pluriel et considérées comme une manifestation du parler « personnes âgées » («  Nous devons nous habiller ») produisent autant de réponses « compliantes » que de réponses « non compliantes ». Les consignes indirectes (consignes beta où l’énoncé n’indique qu’indirectement ce qui est attendu, comme, p. ex. , « Vos lunettes sont ici », « Prenez votre temps ») conduisent aussi à un taux élevé de réponses « non compliantes ».

Enfin, il faut relever que 10 % de toutes les consignes amènent à une « compliance forcée » (22% de toutes les consignes beta) : ainsi, plutôt que de diriger verbalement une réponse comportementale, les soignants ont tendance à réaliser eux-mêmes la tâche et c’est particulièrement vrai pour certains types de consignes comme, p. ex., les consignes indirectes et les consignes de « collaboration ». Idéalement, les interactions dans les soins devraient permettre d’accroître l’autonomie des personnes âgées. Dans ce contexte, deux hypothèses peuvent être proposées pour rendre compte du taux élevé de « compliance forcée » : une communication inefficace ou des contraintes institutionnelles de temps.

Quelques limites sont à relever dans ce travail, en particulier l’absence d’évaluation de la nature et de la sévérité des problèmes cognitifs des personnes âgées, l’absence de contrôle du rôle de l’expérience des soignants et aussi l’influence possible du fait que les participants se savaient filmés. Par ailleurs, la nature causale des relations entre type de consigne et « compliance » ne pourra réellement être établie que via une étude dans laquelle le type de consigne sera manipulé (p. ex., en suscitant des consignes alpha et en examinant l’effet de cette manipulation sur la « compliance »).

Néanmoins, un des intérêts de cette étude est d’avoir conduit à l’élaboration d’un système de codage qui pourra être utilement utilisé dans des études ultérieures visant d’une part à explorer plus avant l’influence du type de consignes sur la réalisation effective des actions par les personnes âgées présentant une « démence » et d’autre part à évaluer l’efficacité d’un entraînement visant à accroître auprès des soignants la formulation de consignes plus efficaces.

Christenson, A.M., Buchanan, J.A., Houlihan, D., & Wanzek, M. (2011). Command use and compliance in staff communication with elderly residents of long-term care facilities. Behavior Therapy, 41, 47-58.   

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