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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 23:48

Le fait d’avoir des buts dans la vie et de donner une signification à son existence semble être associé à un risque moindre de développer une « démence » (Boyle et al., 2010 ; voir notre chronique « Des buts dans la vie et une existence qui a un sens réduisent le risque de vieillissement problématique »). Il apparaît donc important de favoriser l’engagement actif des personnes âgées dans des activités (éducatives, sociales, familiales, environnementales, etc.) ayant une signification personnelle. 

Dans leur livre « Le mythe de la maladie d’Alzheimer », Peter Whitehouse et Daniel George insistent beaucoup sur l’importance d’un engagement des personnes âgées au sein de la communauté, de préférence à visée altruiste et en particulier au bénéfice des jeunes générations. Il s’agit d’une invitation à concevoir le vieillissement comme un processus dynamique de transformation, une nouvelle phase de l’existence durant laquelle les acquis de toute une vie peuvent être mis à profit pour soi et pour la communauté (voir notre chronique « L'engagement à tout âge ou la révolution des grands-mères »).

 

L’initiative de Cathy et Peter Whitehouse consistant à impliquer les personnes âgées, y compris celles présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence »), dans le suivi scolaire des enfants au sein de l’Ecole Intergénérationnelle qu’ils ont fondée, constitue une illustration particulièrement intéressante et novatrice de ce type de démarche ( voir également Whitehouse, George, & Whitehouse, 2010). 

George et Whitehouse (2010 ; voir aussi George, 2009) ont montré, dans une étude pilote, les effets bénéfiques pour les personnes âgées avec troubles cognitifs d'un programme de bénévolat dans cette école intergénérationnelle. Plus spécifiquement, ils ont mis en évidence, via des analyses quantitatives et qualitatives, que l’implication de personnes âgées (dont certaines avaient reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer ») dans une activité bénévole auprès d’enfants et d’adolescents de 5 à 14 ans (soutien à la lecture et à l’écriture, chant, sessions de réminiscence de l’histoire de vie) conduisait à une amélioration de la qualité de vie des participants en comparaison à un groupe de contrôle qui avait participé à un atelier portant sur des thèmes divers (bien-être, créativité, spiritualité, etc.). Cette amélioration de la qualité de vie apparaissait, via une analyse qualitative, comme émergeant d’une stimulation cognitive et d’une amélioration de l’humeur, du sentiment d’avoir un but dans la vie et d’être utile et du développement de relations riches et durables avec les élèves. L’analyse quantitative a confirmé les données de l’analyse qualitative et a aussi montré une réduction significative du stress dans le groupe d’engagement intergénérationnel. Il s’agit cependant des résultats d’une étude pilote, obtenus sur des groupes restreints de participants (respectivement 8 et 7 pour les groupes d’engagement intergénérationnel et de contrôle). Néanmoins, ces résultats sont très encourageants et en appellent à de nouvelles études.

 

Par ailleurs, quelques recherches se sont intéressées aux effets du bénévolat sur le fonctionnement cognitif et plus largement sur la santé des personnes âgées ne présentant pas de vieillissement cérébral/cognitif problématique (de « démence ») et issues de la communauté. Ainsi, dans une étude randomisée, Carlson et al. (2008) ont examiné les effets de l’engagement de personnes âgées dans un programme de bénévolat (« Experience Corps Program ») destiné à aider les enfants de l’école élémentaire dans les activités de lecture, à installer et gérer une bibliothèque scolaire et à apprendre aux enfants des stratégies de résolution de conflit (à l’intérieur et à l’extérieur de l’école). Les participants du groupe de bénévoles (70 participants) ont préalablement reçu un entraînement spécifique et ont ensuite appliqué le programme durant une année scolaire, à raison de 15 heures par semaine. Les 58 participants du groupe de comparaison étaient attribués à une liste d’attente. Une comparaison de l’évaluation pré-programme avec les évaluations de suivi après 4, 6 et 8 mois de participation au programme a montré une amélioration tendancielle dans le fonctionnement de la mémoire (rappel de mots) et des fonctions exécutives (Trailmaking) pour le groupe de bénévoles (après avoir pris en compte la durée de participation au programme). Par ailleurs, cette amélioration s’est avérée plus importante et significative pour les bénévoles qui présentaient des difficultés exécutives lors de l’évaluation initiale. Ces résultats sont eux-aussi prometteurs et suggèrent la mise en place d’étude à plus grande échelle, ainsi que de recherches visant à mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les effets de ce type de volontariat.

 

Notons par ailleurs qu’une autre étude pilote menée par Carlsson et al (2010) a confirmé la présence d’une amélioration des fonctions exécutives suite à la participation, pendant 6 mois, au programme de bénévolat « Experience Corps » chez des personnes âgées avec un bas niveau de scolarité et présentant un fonctionnement cognitif faible. Cette recherche a en outre mis en évidence chez les bénévoles un accroissement d’activité cérébrale dans les régions préfrontales gauches ainsi que dans le cortex cingulaire antérieur. Enfin, une étude entreprise par Barron et al. (2009) a montré que la participation au programme « Experience Corps » (15 heures/semaine pendant 4 à 8 mois) conduisait à des effets bénéfiques sur la santé et le statut fonctionnel des personnes âgées (évalués via des questionnaires, ainsi que des tâches de marche et de force de préhension). Ces effets bénéfiques étaient comparables, voire même plus importants, chez les personnes ayant initialement  rapporté un état de santé passable, par rapport à celles ayant décrit au départ un bon ou très bon état de santé. Relevons en outre que la majorité des bénévoles ont réduit leur temps passé devant la télévision. 

 

Plus récemment, dans une étude longitudinale menée auprès de 6’928 adultes, Pillemer et al. (2010) ont examiné si le bénévolat environnemental (en lien avec la pollution, la protection des milieux naturels, etc,) pratiqué durant la cinquantaine avait des effets bénéfiques sur l’activité physique, ainsi que sur la santé physique et mentale 20 ans après. Ils ont également exploré si les effets bénéfiques étaient plus importants pour le bénévolat environnemental que pour d’autres types de bénévolat (en lien avec les enfants, les droits civiques, la religion, l’aide aux personnes défavorisées, etc.). Il faut relever que la majorité des bénévoles environnementaux (81%) pratiquaient aussi un autre type de bénévolat. Plusieurs facteurs possiblement confondants ont été contrôlés : isolement social, maladies chroniques, déficits fonctionnels, âge, genre, niveau scolaire et statut marital. Les résultats montrent un effet positif du bénévolat environnemental et des autres types de bénévolat sur l’activité physique subséquente. De plus, un effet positif sur la dépression et sur l’auto-évaluation de la santé a été observé uniquement pour le bénévolat environnemental.

Cette recherche comporte certaines limites (reconnues par les auteurs) : absence de contrôle de l’évolution du bénévolat dans le temps et de l’engagement plus tardif de ce bénévolat, évaluations peu détaillées de l’activité de bénévolat, impossibilité d’établir des relations causales (design non expérimental), pas d’analyse de l’effet spécifique du bénévolat environnemental (du fait du faible pourcentage de personnes ne pratiquant que cette activité), évaluation trop globale de la santé physique et psychologique (et non prise en compte de dimensions psychologiques spécifiques en lien par exemple avec le sentiment d’utilité, d’identité, de continuité personnelle, etc.). Plus généralement, les mécanismes impliqués dans les effets bénéfiques observés restent à explorer, comme doivent être étudiés les effets bénéfiques possibles sur d’autres dimensions que celles explorées dans ce travail.          

 

En conclusion, on dispose actuellement de données, limitées mais encourageantes, suggérant les effets bénéfiques du bénévolat sur le fonctionnement cognitif, la qualité de vie et l’évaluation de la santé de personnes âgées présentant des degrés divers de problèmes cognitifs et de santé. Ces résultats plaident pour la mise en place d’études visant d’une part à confirmer les effets mis en évidence, à étendre l’exploration de ces effets à d’autres dimensions du fonctionnement des personnes âgées et d’autre part à identifier les facteurs médiateurs et modulateurs de ces effets.

Il s’agit en outre d’envisager l’engagement des personnes âgées dans un travail bénévole, et les bénéfices qu’elles peuvent en tirer, dans un cadre plus large, qui prend en compte le contexte socioéconomique et culturel dans lequel la personne âgée vit sa retraite : son revenu, son état de santé, son milieu de vie, son insertion sociale et culturelle, mais aussi les spécificités masculines et féminines de ce bénévolat (avec les facteurs d’inégalité que cela comporte), ses implications par rapport au travail salarié des plus jeunes, etc.Dans cette perspective, une étude française (Cambois, Laborde & Robine, 2008) a montré que, à 35 ans, les cadres ont une espérance de vie de 6 années de plus que les ouvriers. En outre, les ouvriers passent à la fois moins de temps sans incapacité que les cadres et vivent plus longtemps qu’eux avec des incapacités et des handicaps, ce qui peut bien sûr influer sur les possibilités et la motivation d’engagement des personnes.

 

Il apparaît ainsi que soutenir une autre manière d’aborder le vieillissement, c’est aussi lutter contre les inégalités sociales et s’engager pour un autre type de société ! (voir notre chronique « Optimiser le vieillissement cérébral/cognitif… c’est aussi s’engager pour réduire les inégalités sociales »).

 

tis2Classe verte à l'Ecole Intergénérationnelle © P. Whitehouse


Barron, J.S., Tan, E.J., Song, M., McGill, S., & Fried, L.P. (2009). Potential for intensive volunteering to promote the health of older adults in fair health. Journal of Urban Health, 86, 641-653.  

Boyle, P.A., Buchman, S.B.,, Barnes, LL, & Bennett, D.A. (2010 a). Effect of a purpose in life on rik of incident Alzheimer disease and mild cognitive impairment in community-dwelling older persons. Archives of General Psychiatry, 67, 304-310.

Cambois, E., Laborde, C., & Robine, J.-M. (2008). La « double peine » des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte. Population & Sociétés, 441, 1-4.

Carlsson, M.C., Saczynski, J.S., Rebok, G.W., Seeman, T., Glass, Th. A., McGill, S. et al. (2008). Exploring the effects of an “Everyday” activity program on executive function and memory: Experience Corps. The Gerontologist, 48, 793-601.

Carlsson, M.C., Erikson, K.I., Kramer, A.F., Voss, M.W., Bolea, N., Mielke, M., et al. (2009). Evidence for neurocognitive plasticity in at-risk older adults: The Experience Corps Program. Journal of Gerontology A: Medical Sciences, 12, 1275-1282.

George, D. (2009). Can intergenerational volunteering enhance quality of life for persons with mild to moderate dementia? A mixed methods study. Thèse de doctorat en Anthropologie Médicale, Université d’Oxford, non publiée.

George, D., & Whitehouse, P.J. (2010). Intergenerational volunteering and quality of life for persons with mild-to-moderate dementia: results from a 5-month intervention study in the United States. Journal of the American Geriatrics Society, 58, 796-797.

Pillemer, K., Fuller-Rowell, Th. E., Reid, M.C., & Wells, N.M. (2010). Environmental volunteering and health outcomes over a 20-year period. The Gerontologist, à paraître. 

Whitehouse, P.J., George, D. R., & Whitehouse, C.C. (2010). Gaining wisdom through multiage learning. The story of The Intergenerational School. In C.A. Depp & D.V. Jeste (Eds.), Successful cognitive and emotional aging. Washington D.C.: American Psychiatric Publishing, Inc. (chap. 20).

 

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