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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 23:11

Dans une étude menée en population générale auprès de 1221 couples mariés (âgés de 65 ans et plus), Norton et al. (2010) ont récemment montré que les conjoints de personnes présentant une « démence » (255 personnes avaient reçu ce diagnostic) montraient un risque 6 fois plus important de « démence » que les conjoints de personnes sans « démence ». Ce résultat se maintenait après avoir contrôlé l’influence de l’âge, du niveau d’éducation, du statut socioéconomique et du génotype ApoE. La durée du mariage ne modifiait pas l’association observée. Par ailleurs, les époux présentaient un risque plus élevé que les épouses, mais, comme l’indiquent les auteurs, ce résultat doit être confirmé sur un échantillon plus important. Il faut relever que le facteur examiné dans cette étude est uniquement le fait d’être le conjoint d’une personne présentant une « démence ». En effet, aucune information n’a été recueillie sur l’activité de soin prodiguée par le conjoint. Néanmoins, dans la plupart des cas, le conjoint remplissait vraisemblablement un rôle majeur dans l’aide et le soin à la personne « démente ».

 

Dans un éditorial consacré à l’étude de Norton et al., Vitaliano (2010) a identifié une série de facteurs psychosociaux, comportementaux et physiologiques qui pourraient rendre compte, de façon non exclusive, de ce risque accru de « démence » chez les conjoints de personnes présentant une « démence ».

 

Il indique tout d’abord que les résultats obtenus par Norton et al. doivent être mis en perspective avec les innombrables données montrant que les proches aidants, en général, ont davantage de problèmes physiques et psychologiques (y compris des difficultés cognitives) que les proches non aidants (Vitaliano, Zhang, & Scanlan, 2003 ; Pinquart, & Sorensen, 2003).

 

En particulier, Vitaliano et al. (2007) ont montré que le déclin cognitif plus important en vocabulaire (sur une période de 2 ans) observé chez les proches aidants par rapport aux proches non aidants était sous-tendu par un score composite plus élevé d’obésité, de taux d’insuline à jeun et de glycémie à jeun. Par ailleurs, un déclin plus important (de 4 fois et demie) dans la vitesse de traitement chez les proches aidants était sous-tendu par une humeur dépressive plus élevée. Enfin, le fonctionnement physique (auto-évalué) déclinait 85% plus vite chez les proches aidants que chez les non aidants et ce déclin était sous-tendu par différents facteurs, en particulier la vitesse de traitement,  la détresse psychologique et la protéine C-réactive (marqueur biologique de réactions inflammatoires) à l’entrée dans l’étude ainsi que l’accroissement de la protéine C-réactive de l’entrée dans l’étude à 2 ans plus tard.

 

Plus généralement, de nombreux facteurs, dont il a été montré qu’ils étaient associés à un risque accru de « démence », pourraient être impliqués dans l’association observée par Norton et al. (2010) : dépression, stress (et accroissement concomitant des hormones de stress), hyperinsulinémie, problèmes de sommeil, apport calorique accru (en particulier consommation accrue d’aliments gras), moins d’activité physique, moins d’activités cognitives (stimulantes), moins de relations sociales, etc.

 

Outre les facteurs constituant une réaction à la situation difficile et/ou stressante associée au fait d’être le conjoint d’une personne « démente », il est un autre élément, mentionné par Norton et al., qui mérite d’être exploré plus avant : c’est l’homogamie ou la tendance à choisir un conjoint qui partage des caractéristiques physiques, psychologiques, sociales, etc. (dont certaines pourraient être associées à un risque accru de « démence »).    

 

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de se focaliser sur le caractère perturbant des résultats obtenus par Norton et al. Il s’agit plutôt de poursuivre des recherches visant à les confirmer et à en comprendre la nature.

 

Il s’agit en outre d’en tirer des arguments supplémentaires pour adopter une conception moins stigmatisante et pathologisante du vieillissement cérébral (voir notre chronique «La stigmatisation touche non seulement la personne qui a reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer » mais aussi ses proches ») et également pour mettre en place des structures et des services, intégrés dans le communauté locale, à même de fournir des aides et des soutiens (sociaux, psychologiques, organisationnels, etc.) taillés sur mesure en fonction des besoins et caractéristiques spécifiques des proches aidants. Il s’agit enfin d’intensifier, au sein de la population générale, les mesures de prévention (à différents niveaux) susceptibles d’atténuer ou de différer les aspects problématique du vieillissement cérébral (voir Larson, 2010).  

 

couple.jpg

 

Larson, E.B. (2010). Prospects for delaying the rising tide of worldwide, late-life dementias. International Psychogeriatrics, à paraître.

Norton, M.C., Smith, K.R., Ostbye, T., Tschanz, J.T., Corocran, Ch., et al. (2010). Greater risk of dementia when spouse has dementia ? The Cache Counter Study. Journal of the American Geriatrics Society, 58, 895-900.

Pinquart, M., & Sorensen, S. (2003). Differences between caregivers and noncaregivers in psychological health and physical health: A meta-analysis. Psychology and Aging, 18, 250-267.

Vitaliano, P.P. (2010). An ironic tragedy: Are spouses of persons with dementia at higher risk for dementia than spouses of persons without dementia ? Journal of the American Geriatrics Society, 58, 976-978.

Vitaliano, P.P., Zhang, J., & Scanlan, J.M. (2003). Is caregiving hazardous to one’s physical health? A meta-analysis. Psychological Bulletin, 129, 946-972.

Vitaliano, P.P., Etcheverria, D., Shelkey, M. et al. (2007). A cognitive psychophysiological model to predict functional decline in chronically stressed older adults. Journal of Clinical Psychology in Medical Settings, 14, 177-190.

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commentaires

A
Je decouvre cet article alors que je cherchzis une etude sur le risque pour l'aidant de developper un cancer. La conclusion rejoint celle pour le cancer. L'aidant a un mode de vie qui le rende fragile face à de nombreuses maladies. Stress, alimentation sur le pouce, trouble du sommeil... et peu de temps pour effectuer ses bilans de santé (hypertension, diabete) et ses examens preventifs (mammographie).<br /> Il va vraiment falloir trouver une solution pour les aidants.
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M
Je partage totalement votre constat et, sans doute, votre vécu... la qualité de la relation peut être un solide soutien, ainsi que toute petite aide de l'extérieur qu'il faut savoir accueillir. Cordiales salutations.
M
<br /> <br /> Hello Martial et Anne-Claude! Merci d'écrire sur ce sujet intéressant. J'ai écrit à ce sujet sur The Tangled Neuron dans 2006 (http://bit.ly/bY6T9M).  Il semble que nous n'avons pas fait<br /> beaucoup de progrès depuis lors dans la compréhension de ce que les proche aidants ont besoin.<br /> <br /> <br /> <br />
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