Dans une chronique précédente (« TimeSlips : le pouvoir de l’expression créative et des récits »), nous avons décrit la méthode TimeSlips, dans laquelle des bénévoles, jeunes et âgés, animent des séances hebdomadaires de production d’histoires, en fournissant ainsi aux personnes âgées avec troubles cognitifs l’opportunité de laisser libre cours à leur instinct narratif et créatif et de s’insérer dans une communauté multigénérationnelle (voir aussi notre chronique « Une illustration amusante et animée d’un récit issu de la méthode TimeSlips »).
Nous rapportions également les résultats encourageants d’une première étude ayant exploré les effets bénéfiques de cette méthode chez des personnes âgées avec troubles cognitifs (« démence ») et vivant en institution (Fritsch et al., 2009). Les résultats de cette recherche montraient que, suite au programme, les personnes âgées étaient significativement plus engagées dans des interactions sociales et étaient également plus attentives. En outre, on constatait des interactions plus fréquentes entre les résidents et les membres du personnel. Les membres du personnel avaient aussi une vision plus positive des résidents et les dévaluaient moins souvent. Un résultat quelque peu inattendu était que les personnes âgées ayant été soumises au programme TimeSlips présentaient plus d’émotions négatives (tristesse, peur, anxiété) et de « problèmes » comportementaux (agressivité, comportement répétitif, etc.) que les personnes de contrôle, même si l’ampleur de cette différence était relativement petite. Les auteurs interprétaient ces données en suggérant que la méthode TimeSlips encourageait plus d’engagement social, ce qui pouvait induire une palette plus vaste d’émotions et de comportements plus vaste.
Dans une étude plus récente, Philipps et al. (2010) ont comparé deux groupes de personnes ayant reçu le diagnostic de « démence » et vivant dans des structures d’hébergement à long terne, l’un (28 personnes ; âge moyen, 83.55 ; MMSE moyen : 13.67) ayant été soumis au programme TimeSlips et l’autre (28 personnes ; âge moyen, 81.73 ; MMSE moyen : 15.50) n’ayant été soumis à aucune intervention spécifique, autre que les soins habituels. Le programme TimeSlips a été administré à raison de 2 fois par semaine pendant 6 semaines, à des groupes de 6 à 12 personnes.
Les dimensions suivantes ont été évaluées à 6 semaines (immédiatement après le programme), 7 et 10 semaines : dépression, troubles du comportement, habiletés fonctionnelles de communication (communication sociale et en lien avec les besoins de base), qualité de vie, expression d’émotions négatives (colère, anxiété/peur et tristesse) et positives (plaisir et vigilance).
Les analyses ont montré que l’administration du programme TimeSlips pendant 6 semaines a conduit à un accroissement significatif des expressions de plaisir durant la période d’’intervention avec un maintien à la 7ème semaine. Une amélioration des capacités de communication (sociale et des besoins de base) a également été observée, avec un maintien à la 7ème semaine. La taille de ces effets est modérée.
Il apparaît donc que les interactions positives suscitées par les activités ludiques et festives de TimeSlips ont suscité du plaisir et une plus grande spontanéité dans la communication. Il faut ajouter que le programme TimeSlips permet d’exercer le potentiel créatif et les capacités préservées des personnes, il encourage les personnes à être actives, autant de facteurs qui contribuent à un environnement psychosocial positif.
Les bénéfices tirés de TimeSlips se maintiennent un temps, mais s’estompent à la dixième semaine, ce qui indique la nécessité de proposer ce type d’intervention centrée sur l’expression créative de façon continue.
Une des limites de cette recherche est de ne pas avoir comparé le groupe TimeSlips à un groupe ayant reçu un autre type d’intervention, et ce afin de déterminer les ingrédients actifs spécifiques du programme TimeSlips.
Des études futures devraient également explorer les bénéfices d’un programme TimeSlips administré sur une plus longue période et aussi examiner quelles sont les personnes qui acceptent de participer à ce type d’intervention et qui en bénéficient le plus (personnalité antérieure, troubles cognitifs ou du comportement plus ou moins importants, etc.). L’impact de l’intervention sur d’autres dimensions du fonctionnement des personnes devrait également être abordé, comme par exemple le sentiment de continuité personnelle, l’estime de soi, etc.
Il serait également intéressant d’introduire une dimension intergénérationnelle dans l’intervention et de présenter les productions des groupes à l’extérieur, afin de favoriser les connexions avec la société. Il faut enfin noter que le programme TimeSlips a été administré par une personne extérieure ayant reçu une formation à ce type d’intervention (la première auteure de l’article) et il serait dès lors important d’examiner dans quelle mesure les membres du personnel des structures d’hébergement et/ou des bénévoles pourraient être impliqués dans l’administration et l’animation de ce programme
©http://www.timeslips.org/
Fritsch, Th., Kwak, J., Grant, S., Lang, J., Montgomery, R.R., & Basting, A.D. (2009). Impact of TimeSlips, a creative expression intervention program, on nursing home residents with dementia and their caregivers. The Gerontologist, 49, 117-127.
Philipps, L.J., Reid-Arndt, S.A., & Pak, Y. (2010). Effects of a creative expression intervention on emotions, communication, and quality of life in persons with dementia. Nursing Research, 59, 417-425.
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