Un niveau élevé de neuroticisme (un trait de personnalité caractérisé par l’expérience chronique d’émotions négatives, quel que soit le niveau objectif de menace présenté par une situation) a été associé à un fonctionnement cognitif plus faible chez les personnes âgées, un déclin cognitif plus rapide et un risque accru de vieillissement cérébral/cognitif problématique ou de « démence » (voir les références dans Wilson et al., 2011.
La nature de cette relation entre neuroticisme et fonctionnement cognitif des personnes âgées restait cependant mal comprise. Dans une étude récente, Wilson et al. (2011) ont tenté d’identifier les composantes du neuroticisme responsables de cette relation.
Dans le cadre du « Rush Memory and Aging Project », les auteurs ont administré à 785 personnes âgées (âge moyen de 80.7 ans) et sans « démence » un questionnaire d’auto-évaluation (l’échelle à 48 items de Neuroticisme issue du NEO Personality Inventory-Revised) explorant 6 composantes du neuroticisme : l’anxiété, l’hostilité/colère, la dépression, la conscience de soi (focalisation sur soi), l’impulsivité et la vulnérabilité au stress. Les personnes ont ensuite reçu une évaluation clinique détaillée annuelle pendant une durée moyenne de 3.4 ans et le cerveau de 151 d’entre elles a été autopsié après leur décès. Les mesures suivantes ont été déterminées : l’incidence d’un diagnostic clinique de « maladie d’Alzheimer », un changement dans des fonctions cognitives spécifiques (mémoire épisodique mémoire sémantique, mémoire de travail, vitesse perceptive, capacités visuospatiales) et dans le fonctionnement cognitif global (via une mesure extraite des 19 tests cognitifs utilisés) et, enfin, des mesures de plaques séniles, dégénérescences neurofibrillaires, infarctus cérébraux et corps de Lewy.
Durant le suivi, 94 personnes ont reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer ». Par ailleurs, il a été constaté que des niveaux plus élevés d’anxiété et de vulnérabilité au stress étaient associés à un risque accru de « maladie d’Alzheimer » et à un déclin plus rapide du fonctionnement cognitif global.
Plus spécifiquement, le risque cumulatif de « maladie d’Alzheimer » était accru de 84% en présence d’un score élevé d’anxiété (centile 90) par rapport à un score d’anxiété bas (centile 10) et de 79% en présence d’un score élevé de vulnérabilité au stress (centile 90) par rapport à un score bas de vulnérabilité au stress (centile 10).Aucune association avec le risque de « maladie d’Alzheimer » n’a par contre été relevée avec les 4 autres composantes du neuroticisme.
Par contre, des scores élevés dans 5 des 6 facettes du neuroticisme (anxiété, vulnérabilité au stress, hostilité/colère, dépression et impulsivité) étaient reliés à un déclin plus rapide dans trois domaines cognitifs : mémoire épisodique, mémoire de travail et vitesse perceptive.
Enfin, aucune des facettes du neuroticisme n’était associée à une mesure composite de plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires ou à la présence d’infarctus cérébraux et de corps de Lewy.
L’association entre la vulnérabilité perçue au stress et le risque de « maladie d’Alzheimer » est en accord avec les études qui ont reliés les événements de vie stressants et la réactivité au stress avec la « démence » ou le déclin cognitif.
Plus globalement, ces données suggèrent que le sentiment chronique d’être dépassé et incapable de s’adapter est associé à un affaiblissement cognitif chez les personnes âgées. La contribution de l’anxiété au déclin cognitif chez les personnes âgées a également été observée dans deux études longitudinales (voir les références dans Wilson et al., 2011).
Les soubassements neurobiologiques de l’association entre ces facettes du neuroticisme et la « démence » demeurent incertains. Cependant, comme l’indiquent les auteurs, le constat selon lequel ces facettes ne sont pas reliées aux caractéristiques neuropathologiques le plus souvent associées à la « démence » rend peu probable le fait que les scores élevés de neuroticisme soient la conséquence de la pathologie cérébrale sous-tendant la « démence » ou d’une réaction psychologique aux symptômes liés à cette pathologie. Cela suggère plutôt l’implication de mécanismes différents de ceux traditionnellement reliés à la « démence », en particulier une atteinte des circuits impliqués dans les comportements liés au stress.
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Wilson, R.S., Begeny, Ch.T., Boyle, P.A., Schneider, J.A., & Bennett, D.A. (2011). Vulnerability to stress, anxiety, and development of dementia in old age. American Journal of Geriatric Psychiatry, 19, 327-334.
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