De nombreuses études ont mis en évidence que le cerveau des personnes qui avaient, de leur vivant, reçu le diagnostic de « démence » (y compris celui de « maladie d’Alzheimer ») présentait des caractéristiques neuropathologiques multiples (voir Fotuhi et al., 2009). Une étude plus récente menée par Matthews et al. (2009) a réexaminé cette question sur un échantillon de cerveaux suffisamment important pour réaliser « une véritable exploration neuropathologique épidémiologique ».
Cette recherche a examiné le risque de « démence » attribuable à des caractéristiques neuropathologiques spécifiques (et d’autres facteurs) au sein d’une cohorte de 456 donations consécutives de cerveaux (l’âge médian des personnes lors de leur décès était de 87 ans). Ce programme de donation de cerveaux s’inscrivait dans le contexte d’une vaste étude multicentrique longitudinale et prospective menée au Royaume-Uni. Le statut de « démence » a été établi via de multiples sources : entretiens effectués avec les personnes dans le contexte de l’étude longitudinale, notification de la « démence » sur le certificat de décès, entretiens rétrospectifs (post-décès) avec une personne proche ou un soignant et estimation statistique de « démence » sur base des résultats de l’étude longitudinale générale.
Les résultats montrent que les contributions principales au risque attribuable (RA) de « démence » au moment du décès sont l’âge (18%), un faible poids cérébral (12%), les plaques séniles (8%) et les dégénérescences neurofibrillaires (11%) dans le néocortex, la maladie des petits vaisseaux (12%), de multiples pathologies vasculaires (9%) et l’atrophie hippocampique (10%). D’autres facteurs significatifs sont l’angiopathie amyloïde cérébrale (7%) et les corps de Lewy (3%).
Il faut noter que les personnes avec « démence » ont vécu pendant une période de temps variable, durant laquelle des modifications dans les anomalies cérébrales ont pu se produire. Par ailleurs, seule une partie des participants de l’étude longitudinale ont donné leur cerveau. Il s’agit donc d’être prudent avant de généraliser les résultats de cette recherche à la population vivante et générale de personnes âgées. Relevons également, comme l’indiquent les auteurs, que la méthode de détection des corps de Lewy dans le protocole neuropathologique utilisé n’était pas optimale, ce qui explique la faible prévalence des corps de Lewy observée dans cette étude.
Néanmoins, cette étude confirme que le vieillissement cérébral/cognitif problématique (la «démence») est associé à de multiples anomalies cérébrales et que, dès lors, différents mécanismes sont très vraisemblablement impliqués.
Les effets indépendants de l’âge et du faible poids cérébral suggèrent que d’autres facteurs que ceux captés par l’exploration neuropathologique sont en jeu, tels que l’intégrité synaptique ou encore différentes variations interindividuelles déterminant la « réserve cérébrale » (différences génétiques, mais aussi acquises, comme le niveau d’éducation, le type de profession, l’engagement dans des activités cognitives stimulantes, etc.).
Ce travail ne permet cependant pas d’élucider les mécanismes en jeu, les directions causales et les possibles interactions entre anomalies. Rappelons en outre que le rôle causal de certaines anomalies observées, comme les plaques séniles, est vivement contesté par certains chercheurs : ces anomalies seraient en fait plutôt un épiphénomène et elles pourraient même avoir un effet protecteur (voir votre chronique « Un prix pour un article mettant en question le rôle de la protéine béta amyloïde dans la soi-disant maladie d’Alzheimer »).
Fotuhi, M., Hachinski, V., & Whitehouse, P. (2009). Changing perspectives regarding late-life dementia. Nature Reviews Neurology, 5, 649-658.
Matthews, F.,E., Brayne, C., Lowe, J., I. McKeith, Wharton, S.B., & Ince, P. (2009). Epidemiological pathology of dementia: Attributable-risks at death in the Medical Research Council Cognitive function and Ageing Study. PLoS Medicine, 6 (11) : e1000180. doi:10.1371/journal.pmed.1000180.
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