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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 00:04

Résumé de la chronique

Il est bien établi que les relations intergénérationnelles ont des effets bénéfiques (sur divers plans : cognitif, affectif, motivationnel, etc.) chez les personnes âgées ne présentant pas de « démence ». Les contacts intergénérationnels contribuent également à modifier les attitudes négatives que les enfants et les adolescents expriment concernant la vieillesse.                                                                                                               

Par contre, les effets d’interventions intergénérationnelles sur le fonctionnement psychologique et la qualité de vie des personnes âgées ayant reçu un diagnostic de « démence » ont été beaucoup moins étudiés. Les quelques études qui ont exploré cette question ont aussi mis en évidence des effets bénéfiques (réduction du stress, amélioration de la qualité de vie, augmentation de l’engagement constructif). Cependant, les limites méthodologiques de ces études et leur caractère préliminaire empêchent de tirer des conclusions définitives. Une exploration plus systématique, plus approfondie et plus rigoureuse des effets de programmes intergénérationnels chez les personnes âgées présentant une « démence » devrait  dès lors constituer un axe de recherche essentiel.

L’association VIVA que nous animons au sein de la ville de Lancy a mis en place différents types de programmes intergénérationnels impliquant des personnes âgées vivant à domicile ou résidant dans des structures d’hébergement à long terme, ainsi que des enfants de 4 à 12 ans. Ces programmes proposent notamment des activités artistiques, de lecture, d’amélioration de la résistance physique et de l’équilibre. Ils sont menés en lien avec les écoles de Lancy et différentes associations locales et ils font l’objet d’évaluations quantitatives et qualitatives, en collaboration avec la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève.

 

Nous avons régulièrement mis en avant l'importance des relations intergénérationnelles pour le fonctionnement psychologique, la qualité de vie, la capacité d’engagement et le sentiment d'appartenance à une communauté des personnes âgées, y compris celles présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence »).

Comme nous l’avons rapporté dans notre chronique « Les relations intergénérationnelles ont des effets bénéfiques tant pour les personnes âgées que pour les adolescents », plusieurs études ont montré que les contextes intergénérationnels augmentent les émotions positives, l’estime de soi et la satisfaction de vie et optimisent le fonctionnement cognitif (en particulier mnésique) des personnes âgées sans « démence » (voir Kessler & Staudinger, 2007 a). De plus, il a été observé que des contacts intergénérationnels impliquant personnes âgées et adolescents peuvent contribuer à l’augmentation de la complexité cognitive-affective des personnes âgées (i.e., envisager les personnes et les événements d’une manière ouverte, tolérante et complexe ; Kessler & Staudinger, 2007 b). Ces contacts peuvent d’ailleurs aussi avoir des effets bénéfiques sur le fonctionnement psychologique (prosocial et identitaire) des adolescents.

En outre, les contacts intergénérationnels impliquant personnes âgées et adolescents contribuent à la réduction des stéréotypes négatifs liés à l’âge (Fox & Giles, 1993). Dans la même perspective,  une recherche récente (Heyman et al., 2011) a mis en évidence que des enfants en âge préscolaire (âgés d’environ 4 ans) qui avaient la possibilité d’interagir avec des personnes âgées de façon spontanée (via des rencontres au sein du bâtiment que la garderie et la structure pour personnes âgées partageaient) et de façon plus organisée (via la mise en place de programmes d’activités intergénérationnelles) présentaient des attitudes plus positives envers les personnes âgées et les considéraient comme étant en meilleure santé en comparaison à des enfants vivant dans un contexte de garderie plus traditionnel.

Des résultats similaires ont été obtenus chez des enfants en âge scolaire. Ainsi, par exemple, Dunham et Casadonte (2009) ont montré que faire intervenir des personnes âgées dans des classes d’école primaire ou du début de l’école secondaire afin d’aider les enseignants conduisait à une augmentation des attitudes positives manifestées par les enfants envers la vieillesse. De plus, le changement dans les attitudes spécifiques concernant les personnes âgées intervenant dans les classes constituait le prédicteur le plus important de la demande d’aide adressée par les enfants aux personnes âgées.

Relations intergénérationnelles et personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique

Peu d’études se sont penchées sur les effets des relations intergénérationnelles chez les personnes âgées présentant une « démence ».

Les activités intergénérationnelles de type Montessori

Camp et Lee (2011) ont récemment passé en revue les résultats de 3 études qui ont mis en place des projets intergénérationnels impliquant des personnes âgées présentant une « démence » (légère à sévère : MMSE de 5 à 25) et des enfants en âge préscolaire (de 2 à 5 ans). Les personnes âgées ont été recrutées au sein d’un centre de jour ou d’une structure d’hébergement à long terme (intégrées dans un complexe de soin plus vaste) et les enfants au sein d’une garderie destinée aux enfants des membres du personnel de ce complexe. 

Ces projets se basent sur les activités de type Montessori. Ces activités sont structurées de manière à s’adapter aux capacités spécifiques des personnes âgées et des enfants. Ainsi, les résidents apprennent aux enfants à réaliser des activités de la vie quotidienne (p. ex., plier des vêtements ou les suspendre ; laver des vitres ou des lunettes ; se moucher), des activités cognitives (p. ex., classer des items en catégories : été/hiver, heureux/malheureux, vivant/non vivant), des activités motrices (p. ex., utiliser des outils tels que des clés, un tournevis, etc. ;  transférer des objets au moyen de baguettes), des activités conduisant à des expériences sensorielles (p. ex., identifier des parfums ou des sons ; distinguer ce qui est rugueux ou lisse), des activités d’apprentissage d’habiletés langagières et mathématiques (p. ex., apprendre des phonèmes ; apprendre des correspondances nombres-objets).

Ainsi, dans l’apprentissage des phonèmes, la lettre « t » est découpée dans du papier de verre et collée sur un bloc de bois. La personne âgée trace la lettre avec son index et son majeur et prononce « t » en même temps. L’enfant doit ensuite imiter les actions, ce qui lui donne une représentation visuelle de la lettre, une représentation auditive, une représentation tactile et une représentation kinesthésique. Une extension de cette activité consiste à trouver des noms d’objets commençant par la lettre « t ».

Les enfants et les personnes âgées travaillent par deux, sur différents types d’activités adaptées à leurs capacités, lors de séances durant de 20 à 30 minutes. Chaque personne âgée travaille avec plusieurs enfants et chaque enfant avec différentes personnes âgées. Les activités sont observées par un ou deux membres du personnel et d’autres membres aident les duos si nécessaire.

Quand une personne âgée a plus de problèmes, l’enfant et la personne peuvent davantage travailler en tant qu’équipe. Des personnes âgées ayant des problèmes encore plus importants observeront l’activité de l’enfant, tout en étant invitées à participer à l’activité ou à la réaliser en parallèle (p. ex., peindre des blocs de bois). 

Les résultats des 3 études menées par Camp et ses collaborateurs (avec des activités intergénérationnelles menées 2 fois par semaine, pendant 6 mois) montrent principalement que les activités intergénérationnelles de type Montessori conduisent à davantage d’engagement constructif (la personne âgée étant plus activement impliquée dans l’activité ou dans l’interaction avec le soignant) que dans une condition standard d’activités. Cependant, les niveaux plus élevés d’engagement constructif ne se maintiennent pas quand les personnes âgées reviennent aux activités habituelles.

Bien que menées sur des groupes limités de personnes âgées et avec des évaluations peu approfondies, ces études, clairement préliminaires, suggèrent que les activités de type Montessori constituent une manière intéressante d’initier des programmes intergénérationnels chez des personnes âgées ayant reçu le diagnostic de « démence ».

Les activités intergénérationnelles de réminiscence

Chung (2009) a examiné l’intérêt d’un programme de réminiscence d’une durée de 3 mois, élaboré dans une perspective intergénérationnelle et impliquant des personnes âgées ayant reçu un diagnostic de « démence » à un stade précoce (n=49) ainsi que des jeunes volontaires (n=117).

Chaque personne âgée était assignée à deux volontaires et chaque groupe a participé à 12 séances de réminiscence. Les volontaires fonctionnaient en tant que facilitateurs afin d’inciter les personnes âgées à partager et discuter des événements et expériences passés. Ils aidaient aussi les aînés à fabriquer un livre de vie personnalisé. Ces volontaires ont préalablement suivi une formation (avec jeux de rôle et démonstrations) et ils ont été soutenus et encouragés tout au long du programme par des personnes formées. Quinze thèmes de réminiscence focalisés sur des expériences positives et plaisantes vécues durant l’adolescence et l’âge adulte ont été suggérés aux volontaires en préparation du programme de réminiscence.

Les comparaisons pré- et post-intervention ont mis en évidence, chez les personnes âgées, une augmentation significative de la qualité de vie et une réduction significative des symptômes dépressifs. Par ailleurs, chez les volontaires jeunes, on a constaté une augmentation significative de leur compréhension des personnes présentant une « démence ». En outre, les volontaires ont montré des attitudes positives envers les personnes âgées. Ils ont également indiqué que le programme de réminiscence leur avait permis de réfléchir aux relations qu’ils entretenaient avec leurs proches âgés et qu’il avait contribué à améliorer leurs capacités de communication avec les personnes âgées.

Cette étude a également un caractère préliminaire, notamment en ce qu’elle n’a pas utilisé une condition de contrôle. En conséquence, les bénéfices observés devraient être confirmés dans une recherche davantage contrôlée. Chung (2009) insiste sur le fait que les volontaires (non professionnels) doivent impérativement suivre une formation adaptée et qu’ils doivent être soutenus et encouragés tout au long de l’intervention, avec un contrôle régulier du déroulement du programme et des réactions des participants.      

Les activités intergénérationnelles de bénévolat dans les écoles

Dans une étude randomisée contrôlée, George (2011) a exploré les effets bénéfiques, chez des personnes âgées présentant une « démence », d'un programme de bénévolat mené au sein de l’Ecole Intergénérationnelle créée, à Cleveland, par Peter Whitehouse et son épouse ( http://www.tisonline.org).

Deux classes ont été choisies : une classe avec des enfants de 5 à 6 ans et une classe avec des enfants de 11 à 14 ans. Par ailleurs, 15 personnes âgées ont participé à cette recherche : elles vivaient dans une résidence services (structure destinée à des personnes encore autonomes, mais pouvant bénéficier de diverses prestations), étaient âgées en moyenne de plus de 80 ans ans, avaient reçu un diagnostic de « démence » légère à modérée et ne présentaient pas de dépression ou d’anxiété sévère. Elles ont été réparties entre le groupe « intervention » (n=8) et le groupe de contrôle (n=7).

Dans le groupe « intervention », les participants alternaient entre des visites d’une durée d’une heure dans la classe des enfants de 5 à 6 ans et dans la classe des enfants plus âgés. Dans la classe des enfants plus jeunes, les personnes âgées interagissaient avec les enfants et étaient engagées dans des activités de chant, de lecture en petits groupes et d’écriture. Dans l’autre classe, elles participaient, avec des petits groupes de 2-3 étudiants, à des sessions intergénérationnelles de récits de vie. En tout, les personnes âgées du groupe « intervention » ont effectué 20 heures de bénévolat dans les classes.

Dans le groupe de contrôle, les personnes âgées se sont rencontrées 8 fois avec un animateur pour aborder la question du vieillissement réussi (pour un total d'environ 12 heures).    

Divers questionnaires (évaluant le stress via le « Beck Anxiety inventory », la dépression via le « Beck Depression Inventory » et le sentiment d’avoir un but et d’être utile via deux questionnaires à un item), ainsi que le MMSE, ont été administrés avant et après l’intervention intergénérationnelle ou la situation de contrôle. En outre, des entretiens individualisés d’une durée de 20 à 40 minutes ont été réalisés avec les participants, avant, pendant et après l’intervention intergénérationnelle. Des observations directes ont également été entreprises auprès des personnes âgées dans leur milieu de vie (dans la résidence services) et durant leurs activités de bénévolat à l’Ecole Intergénérationnelle. Enfin, des interviews structurées et non structurées ont été entreprises avec les soignants, la famille et le personnel de l’Ecole Intergénérationnelle et de la résidence services.

Les comparaisons relatives aux données des questionnaires et du MMSE ont essentiellement montré une diminution significative du stress après l’intervention intergénérationnelle, alors que le stress augmentait chez les participants du groupe de contrôle.

L’analyse thématique des données qualitatives issues des entretiens avec les participants et le personnel, ainsi que des observations, a permis de mettre en évidence que la qualité de vie des personnes âgées avait été positivement influencée par le bénévolat intergénérationnel, et ce via trois intermédiaires : les bénéfices perçus sur la santé (davantage d’énergie, une réduction du stress et de la dépression, une stimulation du fonctionnement cognitif), un sentiment d’avoir des buts et d’être utile (la joie d’apprendre aux enfants, la réminiscence, le maintien d’un rôle social) et les relations (proximité physique, des petits-enfants « par procuration », réconciliation ethnique, acceptation, réciprocité).

En dépit du nombre restreints de personnes âgées ayant participé à cette étude (respectivement 8 et 7 pour les groupes d’engagement intergénérationnel et de contrôle), les résultats sont très encourageants et en appellent à de nouvelles études. George (2011) indique en quoi ces recherches futures devraient bénéficier d’une approche combinant, de façon complémentaire, des méthodes d’évaluation quantitatives et qualitatives (avec, au plan qualitatif, une exploration des aspects non-verbaux, performatifs, de la qualité de vie et pas uniquement une analyse des productions verbales).

Les relations intergénérationnelles dans les structures d’hébergement à long terme

La possibilité pour les personnes âgées d’entretenir des relations intergénérationnelles constitue également un élément fondamental du changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme, lequel consiste à passer d’une philosophie et d’une pratique qui se focalisent sur la sécurité, l’uniformité et les questions médicales à une approche dirigée vers le résident, la promotion de sa santé (psychologique et physique) et de sa qualité de vie (« Les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées : la nécessité d’un changement de culture »).

Dans cette perspective, Black (2011) a décrit les différentes possibilités de relations intergénérationnelles qui sont offertes à des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique et vivant dans des structures d’hébergement à long terme (unités d’assistance à l’autonomie, unités de soins spécialisés et  unités spécialisées « Alzheimer ») au sein de l’espace  « Pines of Sarasota » en Floride. Ces programmes intergénérationnels impliquent des enfants de tous âges,  allant de nourrissons à des adolescents, en passant par des enfants de l’école primaire. En outre, ces programmes s’inscrivent dans le cadre plus large d’une action visant à changer de culture dans ces structures d’hébergement à long terme, en favorisant les interactions, non seulement avec les enfants et adolescents, mais aussi avec les plantes et les animaux. Il faut relever qu’une garderie (pour enfants âgés de 6 semaines à 5 ans) a ses locaux au sein de l’espace « Pines of Sarasota » et qu’une troupe féminine de scouts s’y réunit régulièrement.

Une vaste palette d’activités intergénérationnelles est offerte dans l’espace « Pines of Sarasota » :

* Le groupe « horticulture » : supervisés par un maître jardinier, les enfants et les résidents font des semis ou des plantations et interagissent au sein du jardin des papillons.

* Les résidents âgés promènent les nourrissons et les bambins, en petits groupes ou individuellement.

* Les résidents assistent à la cérémonie marquant le passage des enfants du niveau préscolaire au jardin d’enfants et à l’école primaire.

* Des enfants du collège et du lycée interagissent avec les résidents, les interviewent, créent des collages et rédigent des histoires de vie.

* Les enfants conduisent les résidents au grand air et au soleil, en particulier ceux qui ont d’importants problèmes cognitifs et/ou qui reçoivent peu de visites.

* Les adolescents d’écoles ou d’organisations voisines vernissent les ongles des résidentes et leur mettent de la crème sur les mains.

* Les enfants préparent et organisent diverses activités sportives pour les résidents (« les jeux olympiques pour seniors »).

* Les adolescents préparent tout ce qui est nécessaire et aident les résidents pour une vente aux enchères.

* Lecture aux ou avec les résidents, en petits groupes ou individuellement.

* Les enfants envoient des courriels aux résidents, quotidiennement.

* Diverses activités impliquant les résidents âgés sont organisées par les scouts : partage de souvenirs (avec les anciens scouts), « tea party », assistance au rite de passage scout, artisanat, dégustation de chocolat, bingo, exposition canine.

A ce jour, aucune évaluation formelle de ces activités intergénérationnelle proposées au sein de l’espace « Pines of Sarasota » n’a été effectuée, mais il s’agit d’un objectif qui est en voie de réalisation, en collaboration avec l’université. Cependant, comme l’indique Black (2011), de très nombreuses observations suggèrent que ces activités bénéficient amplement tant aux personnes âgées (évocations d’émotions et de souvenirs positifs, établissement de liens affectifs, rupture de l’isolement, etc.) qu’aux enfants et adolescents (plaisir dans les activités, facilité accrue dans les interactions avec les personnes âgées, changements dans les attitudes, etc.).

Il faut signaler que les enfants ne sont pas tenus de participer à ces activités intergénérationnelles. Par ailleurs, il n’y a jamais eu de problèmes ou d’inquiétudes, mentionnés par les parents ou les enfants eux-mêmes, en lien avec ces activités. Black relève également en quoi il importe de déterminer de façon précise la durée optimale des activités afin de permettre une implication maximale des personnes âgées et des enfants. Enfin, elle observe que, même si la majorité des personnes âgées attendent avec impatience les activités intergénérationnelles, certaines préfèrent ne pas y participer.  

Conclusions

Les effets bénéfiques de relations intergénérationnels chez les personnes âgées ne présentant pas de vieillissement cérébral/cognitif problématique semblent avérés. Il faut par ailleurs relever que les contacts intergénérationnels conduisent également à des changements d’attitudes envers la vieillesse et les personnes âgées de la part des enfants et adolescents

Par contre, seuls quelques travaux ont examiné l’intérêt des programmes intergénérationnels chez les personnes ayant reçu un diagnostic de « démence ». Ces recherches ont mis en évidence des effets bénéfiques de ce type d’intervention (réduction du stress, amélioration de la qualité de vie, augmentation de l’engagement constructif). Cependant, les limites méthodologiques de ces études et leur caractère souvent préliminaire empêchent de tirer des conclusions définitives sur les bénéfices que les personnes âgées avec « démence » peuvent tirer de ce type d’approche et sur la nature des mécanismes en jeu dans les changements observés.

Une exploration plus systématique, plus approfondie et plus rigoureuse des effets de programmes intergénérationnels chez les personnes âgées présentant une « démence » constitue dès lors un axe de recherche essentiel, qui devrait pouvoir bénéficier de financements adaptés.

Le développement d’activités intergénérationnelles représente un des objectifs principaux de l’association VIVA (http://www.association-viva.org). Plusieurs axes d’intervention sont actuellement mis en place, entre autres :

* un atelier de peinture intergénérationnel (« à quatre mains : des duos personne âgée/enfant, avec des enfants âgés de 6 à 12 ans), qui se tient tous les quinze jours au sein d’une structure d’hébergement à long terme (l’EMS Les Mouilles) et se clôture par un vernissage en fin d’année ;

* un groupe de lecture bimensuel impliquant des personnes âgées et des enfants âgés de 8 à 12 ans ;

* le prix Chronos de littérature : des discussions entre personnes âgées et enfants autour d’ouvrages traitant de différents aspects de la vieillesse et de la transmission entre générations ; les discussions sont menées pendant 5 semaines à raison d’une heure hebdomadaire dans 14 classes d’école primaires de la ville de Lancy et impliquent 47 personnes âgées réparties dans ces différentes classes ; ces discussions aboutiront à un vote sélectionnant l’ouvrage le plus apprécié des enfants et des aînés et à une grande fête réunissant tous les participants pour évoquer l’impact des rencontres ;

* des rencontres mensuelles entre les enfants qui fréquentent les activités parascolaires (de 16 à 18 heures) et les résidents des deux structures d’hébergement à long terme de la ville de Lancy ; les rencontres sont articulées autour des activités traditionnelles en lien avec les saisons (p. ex., discussion concernant les moyens de déplacement et les loisirs en hiver dans le passé ; activités de plantation menées par les aînés et les enfants en fonction des saisons…) ;

* programme intergénérationnel visant à accroître la résistance physique et l’équilibre, impliquant des personnes âgées et des enfants de 3-4 ans (activités en duos et en groupe) ;

L’impact de ces différentes interventions fait l’objet d’évaluations qualitatives et/ou quantitatives, menées en collaboration avec des psychologues en stage dans le contexte du MAS (Maîtrise d’Etudes Avancées) en Psychogérontologie Appliquée (Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève). Les programmes « Prix Chronos de littérature » et « Résistance et équilibre » sont évalués d’une façon particulièrement détaillée, avec une combinaison de méthodes qualitatives et quantitatives.

De façon plus générale, l’association VIVA conduit une réflexion sur les différents moyens à mettre en place pour faire de Lancy une « ville davantage intergénérationnelle », une ville qui optimise la vie des personnes de tous les âges (en particulier les enfants, les adolescents et les personnes âgées, y compris celles présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique).

Cette réflexion doit envisager des changements à plusieurs niveaux (voir van Vliet, 2011) : l’aménagement de l’environnement physique, l’accès à la nature, la régulation des déplacements (avec un environnement où l’on peut marcher en toute sécurité), l’habitat et les structures d’hébergement, les services éducatifs, d’aide et de soins, la participation aux processus décisionnels dans la commune, l’engagement civique et la responsabilisation, les possibilités d’implication communautaire, les mesures de prévention (activité physique, nutrition, stress, etc.), la précarité sociale, les relations interculturelles, ainsi que la réduction des stéréotypes (concernant tant les personnes âgées que les jeunes) et de la médicalisation des difficultés psychologiques.

Un plus haut degré de relations intergénérationnelles est à même de créer davantage d’unité entre les générations et de susciter la mise en place de structures communautaires dans lesquelles les personnes âgées, quelles que soient leurs difficultés, pourraient trouver des buts et un rôle social valorisant, plutôt que d’être confrontées à la stigmatisation, à la marginalisation et à la peur que suscite l’approche biomédicale dominante.

Dans une perspective plus globale, George, Whitehouse et Whitehouse (2011) considèrent que les relations intergénérationnelles et la mise en place d’une pratique intergénérationnelle de l’éducation, ainsi que de la promotion de la santé et du bien-être, peuvent puissamment contribuer à renforcer le sentiment de responsabilité sociale, civique et environnementale et aider les générations actuelles et futures à affronter les défis sociaux et écologiques auxquels est confronté notre monde.  

Capture-copie-1.JPG© Curaviva*, A.-M. Nicole

* Journal de l'Association des homes et associations sociales suisses, qui a consacré son 1er numéro de 2012 à l'intergénérationnel, avec un article sur VIVA

 

Black, K. (2011). Combining the young and the young at heart: Innovative, intergenerational programming throughout the continuum of long-term care. Journal of Intergenerational Relationships, 9, 458-451.

Cameron, C.J., & Lee, M.M. (2011). Montessori-based activities as a transgenerational interface for persons with dementia and preschool children. Journal of Intergenerational Relationships, 9, 366-373.

Chung, J.C.C. (2009). An intergenerational reminiscence programme for older adults with early dementia and youth volunteers: values and challenges. Scandinavian Journal of Caring Studies, 23, 259-264.

Dunham, C., & Casadonte, D. (2009). Children’s attitudes and classroom interaction in an intergenerational education program. Educational Gerontology, 35, 453-464.

 Fox, S., & Giles, H. (1993). Accomodating intergenerational contacts: A critical and theoretical model. Journal of Aging Studies, 7, 423-451.

George, D. (2011). Intergenerational volunteering and quality of life: mixed methods evaluation of a randomized control trial involving persons with mild to moderate dementia. Quality of Life Research, 20, 987-995.

George, D., Whitehouse, C., & Whitehouse, P. (2011). A model of intergenerativity: How the intergenerational school is bringing the generations together to foster collective wisdom and community health. Journal of Intergenerational Relationships, 9, 389-404.

Heyman, J.C., Gutheil, I.A., & Whire-Ryan, L. (2011). Preschool children’s attitude toward older adults: Comparison of intergenerational and traditional day care. Journal of Intergenerational Relationships, 9, 435-444.

Kessler, E.-M., & Staudinger, U.M. (2007). Plasticity in old age: Micro and macro perspectives on social contexts. In H.-W. Whal, C., Tesch-Römer, & A. Hoff (Eds.), Emergence of new person-environment dynamics in old age: A multidisciplinary exploration. Amityville, NY: Baywood Publishing.

Kessler, E.-M., & Staudinger, U.M. (2007). Intergenerational potential: Effects of social interaction between older adults and adolescents. Psychology and Aging, 22, 690-704.

van Vliet, W. (2011). Intergenerational cities: A framework for policies and programs. Journal of Intergenerational Relationships, 9, 348-365. 

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