Nous avons rapporté, dans une chronique précédente (« Etat de stress post-traumatique et risque de vieillissement cérébral problématique»), les résultats d’une étude suggérant un lien entre la présence d’un état de stress post-traumatique chez des anciens combattants des Etats-Unis et le risque de développer ultérieurement un vieillissement cérébral problématique (Yaffe et al., 2010).
Un travail récent, mené en Allemagne, a exploré la fréquence des expériences traumatiques vécues par des personnes âgées de 60 ans et plus durant leur vie ainsi que la prévalence d’un état de stress post-traumatique (Glaesmer et al., 2010). Cette recherche a examiné 814 personnes âgées de 60 ans et plus, aléatoirement sélectionnées au sein de la population allemande générale.
Il apparaît que le pourcentage de personnes âgées ayant vécu au moins un traumatisme durant leur vie s’accroît avec l’âge et que ce pourcentage atteint 64.3% chez les personnes âgées de 75 ans et plus. Par ailleurs, l’avancée en âge est associée à une fréquence accrue d’expériences traumatiques en lien avec la Seconde Guerre Mondiale (59.7% des personnes âgées de 75 ans et plus rapportent au moins un événement traumatique en lien avec la guerre). La fréquence d’expériences de violence physique et liées au fait d’être témoin d’un événement traumatique s’accroît également avec l’âge.
De plus, les expériences traumatiques en lien avec la guerre sont évaluées comme les pires expériences traumatiques vécues, bien que les événements se soient produits plusieurs dizaines d’années auparavant. Les événements menaçant la vie sont aussi rapportés parmi les expériences les plus traumatisantes
Les symptômes individuels, constituant les conséquences actuelles des événements traumatiques vécus durant la Seconde Guerre Mondiale (bombardements, déplacements, participation aux combats, captivité), sont l’évitement des pensées et des sentiments, des troubles du sommeil, des rêves perturbants et des pensées intrusives.
Enfin, la présence d’un état de stress post-traumatique (sur base de l’ensemble des critères du DSM-IV) endéans les 4 semaines précédant l’évaluation est identifiée dans 3.4% de l’échantillon. Quand on inclut les personnes montrant un état de stress post-traumatique partiel, ce pourcentage monte à 7.2%. Ces résultats sont globalement comparables avec ceux obtenus dans des études menées notamment en France et aux Pays-Bas (pays qui ont aussi été impliqués dans la Seconde Guerre Mondiale). Les auteurs relèvent que les symptômes actuels de stress post-traumatique n’ont pas nécessairement un lien direct avec les expériences de guerre, mais ces expériences pourraient accroître l’incidence de symptômes consécutifs à un traumatisme ultérieur. Dans cette perspective, Maercker et al. (2008) rapportent un taux nettement moins important d’état de stress post-traumatique chez les personnes âgées en Suisse (0.7%), lesquelles ont largement échappé aux traumatismes liés à la guerre. Ces résultats s’accordent ainsi avec l’idée selon laquelle avoir vécu un traumatisme en lien avec la Seconde Guerre Mondiale en tant qu’enfant ou jeune adulte conduit à une prévalence plus élevée d’état de stress post-traumatique chez la personne âgée.
De manière générale, ces résultats montrent en quoi il est essentiel de prendre en compte l’histoire des personnes âgées quand on essaie de comprendre les difficultés psychologiques qu’elles rencontrent, et notamment leurs difficultés cognitives. En effet, la présence d’un état de stress post-traumatique ou d’une symptomatologie post-traumatique est, de manière plus ou moins directe, associée à des difficultés affectant différentes aspects du fonctionnement cognitif (voir Ceschi & Van der Linden, 2008). Il apparaît également important d’explorer davantage, dans la ligne de l’étude de Yaffe et al. (2010), la contribution des expériences traumatiques, en particulier celles en lien avec la guerre (y compris quand elles ont été vécues durant l’enfance et au début de l’âge adulte), à la survenue d’un vieillissement problématique.
La bombardement de Londres durant la IIe Guerre mondiale
Ceschi, G. & Van der Linden, M. (2008). L’état de stress post-traumatique (ESPT): une perspective cognitive. In M. Van der Linden & G. Ceschi (Eds.), Traité de psychopathologie cognitive, tome 2 (pp. 55-107). Marseille: Solal
Glaesmer, H., Gunzelmann, Th., Braelher, E., Forstmeier, S., & Maercker, A. (2010). Traumatic experiences and post-traumatic disorder among elderly Germans: results of a representative population-based survey. International Psychogeriatrics, à paraître.
Maercker, A., Forstmeier, S., Enzler, A., Krüsi, G., Hörler, E., Maier, Ch., & Ehlert, U. (2008). Adjustment disorders, posttraumatic stress disorder, and depressive disorders in old age: Findings from a community survey. Comprehensive Psychiatry, 49, 113-120.
Yaffe, K., Vittinghof, E., Lindquist, K., Barnes, D., Covinsky, K.E., Neylan, Th., Kluse, M., & Marmar, Ch. (2010). Posttraumatic stress disorder and risk of dementia among US veterans. Archives of General Psychiatry, 67, 608-613.
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