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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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17 juillet 2010 6 17 /07 /juillet /2010 23:08

L’apathie (ou réduction des comportements dirigés vers un but) est devenue un concept très utilisé dans le domaine du vieillissement cérébral/cognitif. Il apparaît cependant que l’apathie est sous-tendue par de multiples facteurs (notamment psychologiques, relationnels et environnementaux) et qu’il faut résister à l’attribuer automatiquement aux atteintes cérébrales liées à une soi-disant « maladie » (d’Alzheimer ou autre). Nous reviendrons sur cette question dans une chronique future.

 

Une étude récente (Garms-Homolovà et al., 2010) a montré l’importance qu’il y a à prendre en compte les relations réciproques entre les troubles du sommeil et les activités dans la vie quotidienne chez les personnes âgées résidant en institution. Les troubles du sommeil sont très fréquents chez les personnes âgées résidant en institution à long terme et ils sont même plus importants que ceux observés chez les personnes âgées vivant chez elles. Plusieurs causes à ce phénomène ont été postulées, telles qu’un environnement bruyant, trop de lumière pendant la nuit, une lumière inadéquate pendant la journée, le manque de stimulation ou encore une journée mal structurée. Par ailleurs, il a été montré que les troubles du sommeil peuvent affecter les activités des personnes âgées, ainsi que leur fonctionnement cognitif et physique.

 

Dans ce contexte, Garms-Homolovà et al. (2010) ont entrepris une étude visant à explorer les relations entre les troubles du sommeil et la réalisation d’activités auprès de 2’577 personnes âgées  (âge moyen de 79.99 ans) résidant dans des structures d’hébergement à long terme en Allemagne. Les résidents présentaient en moyenne 4,8 maladies ; 9.7% avaient reçu le diagnostic de maladie d’Alzheimer, 52.7% un diagnostic correspondant à une autre « démence » et 19.4% le diagnostic de dépression. 

 

Les résultats ont mis en évidence que 37.3% des personnes souffraient d’insomnie et 29.6% de sommeil agité, avec fatigue le matin. Par ailleurs, les troubles du sommeil étaient significativement associés à des problèmes de communication et à de faibles niveaux d’engagement social et d’activité auto-initiée (surtout chez les personnes avec sommeil agité et fatigue le matin), ainsi qu’à plus de conflits interpersonnels.

 

En outre, une activation par les ergothérapeutes et/ou physiothérapeutes n’était proposée que de façon irrégulière ou pas du tout aux résidents qui présentaient des troubles du sommeil, alors que les deux types d’activation étaient plus fréquemment  administrés aux résidents sans troubles du sommeil. Par contre, de hauts niveaux d’activité auto-initiée et d’engagement social étaient associés à une activation régulière par les ergothérapeutes et physiothérapeutes. A l’inverse, les personnes qui avaient les scores les plus faibles à l’échelle d’engagement social ne recevaient les deux types d’activation que très rarement, voire pas du tout. Les personnes avec troubles du sommeil étaient également celles qui demandaient le plus des changements dans les activités proposées (quantitativement et au niveau du type d’activités).

 

Chez les personnes avec troubles du sommeil (de type sommeil agité avec fatigue le matin), les conflits menaient à un plus haut niveau de dépression et à moins de traitements proposés par les physiothérapeutes. Enfin, une augmentation de la dépression et des troubles cognitifs s’accompagnait d’un accroissement des troubles du sommeil et d’une diminution dans les capacités de communication.

 

En conclusion, il apparaît que de faibles niveaux d’activité auto-initiée et d’engagement social sont partiellement le résultat de troubles du sommeil et que des niveaux bas d’activité et d’engagement social renforcent les troubles du sommeil.

 

Ces résultats montrent donc l’importance qu’il y a à promouvoir des activités auprès des personnes qui n’y participent pas et à mettre en place des interventions (non-pharmacologiques) permettant d’améliorer la qualité du sommeil. Ces interventions sont d’autant plus importantes que les troubles du sommeil constituent chez les personnes âgées un facteur de risque pour les chutes, pour diverses maladies physiques et pour les troubles cognitifs.

 

Dans cette perspective, il est particulièrement intéressant de relever ce que Flick et al. (2010) ont montré, via une étude qualitative menée auprès de 32 membres du personnel de soin, à savoir que les troubles du sommeil n’étaient pas considérés par ces derniers comme une question importante. Ils ne croyaient pas non plus que leur compétence professionnelle pouvait influer sur ces difficultés. Le sommeil excessif durant la journée et l’absence de sommeil étaient jugés comme étant de la responsabilité des résidents. Les entretiens révélaient rarement la détermination des professionnels d’offrir une occupation stimulante et intéressante aux résidents. L’inactivité était considérée comme une habitude installée depuis longtemps, voire même comme un privilège, après une vie de dur labeur. Beaucoup des professionnels interrogés acceptaient que les résidents passent une grande partie de la journée au lit et/ou hésitaient à impliquer certaines personnes âgées dans des activités en postulant qu’elles n’étaient pas enthousiastes et préféraient plutôt rester seules. Globalement, peu de professionnels disposaient de connaissances concernant l’influence de l’organisation de la journée sur la qualité du sommeil des résidents.

 

Cette étude n’est bien sûr en rien représentative, mais elle indique néanmoins l’importance qu’il y a à ce que les membres du personnel de soin disposent des connaissances nécessaires sur le sommeil, mais aussi qu’ils puissent bénéficier de programmes permettant de faciliter la communication et la participation aux activités chez les personnes passives ou réticentes, ainsi que de modifier certaines des croyances erronées qu’ils ont développées à propos des résidents.

 

Néanmoins, dans ce domaine comme dans d’autres, il importe d’analyser avec soin les caractéristiques et besoins de chaque personne âgée et de ne pas tomber dans un activisme systématique ou de proposer un niveau d’engagement social qui ne correspond pas au souhait des personnes âgées. Des moments d’inactivité et de solitude sont légitimes, et même parfois indispensables, pour réduire le stress et la tension ou pour s’accorder des moments de réflexion (à caractère nostalgique, spirituel, de reviviscence, etc.). 

 

sommeil et activite


 

Flick, U., Garms-Homolovà, V., & Röhnsch, G. (2010). ‘"When they sleep, they sleep". Daytime activities and sleep disorders in nursing homes. Journal of Health Psychology, 15, 755-764.

Garms-Homolovà, V., Flick, U., & Röhnsch, G. (2010). Sleep disorders and activities in long term care facilities: a vicious cycle? Journal of Health Psychology, 15, 744-754.

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