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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 17:33

White-Chu et al. (2009) ont récemment présenté les éléments essentiels qui devraient conduire à un changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées. De façon générale, il s’agit de passer d’une philosophie et d’une pratique qui se focalisent sur la sécurité, l’uniformité et les questions médicales à une approche dirigée vers le résident, la promotion de sa santé (psychologique et physique) et de sa qualité de vie, en accordant une importance particulière aux relations entre les résidents et le personnel soignant. Les auteurs mentionnent différentes initiatives aux Etats-Unis comme, par exemple, l’Eden Alternative (lien), qui se donne pour objectif de transformer l’habitat des personnes âgées en respectant 10 principes :

1.    Les trois fléaux que sont la solitude, le sentiment d’impuissance et l’ennui constituent l’essentiel de ce qui contribue à la souffrance des personnes âgées.

2.    Une communauté centrée sur la personne âgée s’engage à créer un habitat humain dans lequel la vie tourne autour de contacts proches et continus avec les plantes, les animaux et les enfants. Ce sont ces relations qui fournissent, tant aux jeunes qu’aux âgés, une voie vers une raison de vivre. 

3.    Une compagnie affectueuse est l’antidote à la solitude. Les personnes âgées méritent d’avoir un accès aisé à la compagnie d’autres personnes et d’animaux.

4.    Une communauté centrée sur la personne âgée offre l’opportunité de donner, autant que de recevoir des soins. C’est l’antidote au sentiment d’impuissance. 

5.    Une communauté centrée sur la personne âgée imprègne la vie quotidienne de variété et de spontanéité en créant un environnement dans lequel des interactions et des événements imprévisibles et inattendus peuvent se produire. C’est l’antidote à l’ennui.  

6.    Des activités dénuées de sens corrodent l’esprit humain. La possibilité de faire des choses auxquelles on trouve un sens est essentielle à la santé humaine

7.    Le traitement médical doit être le serviteur d’une véritable démarche globale de soins, jamais son maître.

8.    Une communauté centrée sur la personne âgée fait honneur aux aînés, en minimisant l’importance de l’autorité bureaucratique et directive, et cherche plutôt à placer le maximum de décisions aux mains des aînés et des personnes qui leur sont les plus proches.

9.    Créer une communauté centrée sur la personne âgée est un processus qui ne se termine jamais. Le développement humain ne doit jamais être séparé de la vie humaine.

10.    Un leadership sage est l’élément vital de toute lutte contre les trois fléaux. Pour cela, il ne peut pas y avoir de substitut.

Des initiatives dans ce sens ont également vu le jour dans les pays francophones, comme, par exemple, la Maison des Babayagas (lien), les Cantous (lien) ou encore la Maison Carpe Diem (lien), à laquelle la réalisatrice française Laurence Serfaty a consacré le magnifique documentaire « Alzheimer, jusqu’au bout la vie » (Altomedia, 2005).

Dans la ligne des principes sous-tendant l’Eden Alternative et d’autres projets, White-Chu et al. (2009) énumèrent, illustrent et discutent différents éléments-clé d’un changement de culture comme, par exemple :

 

* Réduire l’aspect hiérarchique du leadership, en privilégiant des équipes de travail auto-gérées.

* Proposer des soins, des interventions et des aménagements individualisés, centrés sur la personne (par ex., envisager la toilette et le bain en considérant d’abord les souhaits et les habitudes de la personne, plutôt que les exigences de la tâche, ce qui peut contribuer à réduire l’agressivité, l’agitation et l’inconfort ; Sloane et al., 2004) ; répondre aux besoins spirituels autant qu’aux besoins physiques et cognitifs.

* Faire en sorte que les personnes gardent un sentiment de contrôle et de responsabilité sur les événements quotidiens (voir notre rubrique du 9 mai 2010, « Des études anciennes mais qui gardent toute leur pertinence. L’importance du sentiment de contrôle de son existence. ») ; considérer que la prise de risque fait partie de la vie ; mettre en place des assemblées de résidents.

* Modifier le langage utilisé dans la vie quotidienne (résident pour patient, actif pour agité, etc.) : les mots sont un agent puissant de changement (voir « Le mythe de la maladie d’Alzheimer »; Whitehouse & George).

* Passer de l’interprétation essentiellement biomédicale à une interprétation qui prend en compte les buts, les aspirations, les valeurs, la signification (par ex., qualifier une personne d’« opposante » versus « ré-examiner les buts des soins en se centrant sur elle » ; l'étiqueter de « déprimée » versus « lui permettre de s’engager dans des activités qui ont un sens pour elle » ; la décrire comme « agressive » versus « développer des relations qui ont davantage de signification/changer le mode d ’intervention », etc.).

* Constituer des environnements de vie de plus petite taille, plus proches des environnements habituels et familiaux, avec une attribution constante du personnel au même environnement, un accès à la nature et aux animaux, des connexions directes à la société, des relations intergénérationnelles

* Etc.

Ce changement dans la philosophie et l’organisation de l’habitat et des soins doit être un processus continu, prenant aussi en compte les spécificités culturelles des personnes âgées auxquelles il s’adresse. Il devrait également faire l’objet de recherches empiriques visant évaluer la pertinence des modifications apportées et à identifier la nature des effets qu’elles provoquent chez les différentes personnes impliquées. Rappelons par exemple que si l’accroissement du sentiment de contrôle sur les activités quotidiennes peut avoir des effets bénéfiques sur la santé psychologique et physique, il peut aussi entraîner, chez certaines personnes âgées, plus de stress, d’inquiétudes et d’autocritique (Rodin, 1986). Il s'agit donc d'ajuster les changements aux caractéristiques spécifiques de chacun.

home_chien.jpg Rodin, J. (1986). Aging and health: Effects of sense of control. Science, 233, 1271-1275.

Sloane, P.D., Hoeffer, B., Mitchell, C.M., et al. (2004). Effect of person-centered showering and the towel bath on bathing associated aggression, agitation, and discomfort in nursing home residents with dementia. Journal of the American Geriatrics Society, 52, 1795-1804.

White-Chu, E.F., Graves, W.J., Godfrey, S.M., Bonner, A., & Sloane, Ph. (2009). Beyond the medical model: The culture change revolution in long-term care. Journal of the American Medical Directors Association, 10, 370-378.

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