Un nouveau « métier » a émergé dans l’empire Alzheimer : Alzheimérologue ! Cette étape de plus dans le « saucissonnage » du vieillissement cérébral peut selon nous être vue comme un moyen de s’accaparer un territoire et une parcelle de pouvoir. D’autres « métiers » seront peut-être bientôt envisagés, comme « démento-temporo-frontologue », « Parkinsonologue », « PSPologue* », voire même « MCIologue » ou « pré-MCIologue »**…
Face au caractère réducteur et morcelant de l’approche biomédicale dominante, on n’a pourtant jamais eu autant besoin de personnes capables d’appréhender le vieillissement cérébral en prenant en compte les relations complexes qu’entretiennent les facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux tout au long de l’existence.
Notamment, il devrait y avoir une place importante pour des psychologues, qui au-delà des écoles et courants, peuvent contribuer à une meilleure compréhension des relations entre les difficultés cognitives, les émotions, la motivation, les relations interpersonnelles et l’identité (dans leurs aspects plus ou moins conscients) :
* Des psychologues à même d’interpréter les effets des facteurs biologiques, sociaux et événementiels sur le fonctionnement psychologique d’une personne et de formuler des propositions d’intervention adaptées aux caractéristiques spécifiques des difficultés psychologiques de chaque individu.
* Des psychologues capables de d’apporter leur contribution à la mise en place de structures d’hébergement permettant une meilleure qualité de vie et un sentiment accru d’autodétermination.
* Des psychologues aptes à interpréter les résultats d’une évaluation cognitive, en prenant en compte les limites conceptuelles et méthodologiques des outils utilisés, ainsi que les multiples facteurs pouvant influer sur une performance cognitive.
* Des psychologues formés à une exploration du fonctionnement des personnes dans les activités de la vie quotidienne.
* Des psychologues pouvant identifier les conditions permettant l’application effective et continue de mesures préventives et d’interventions à même de modifier les stéréotypes et l’« âgisme ».
* Enfin, des psychologues capables d’aider, de soutenir et d’informer les familles et les autres intervenants par rapport aux dimensions psychologiques des « défis liés à l’âge ».
Malheureusement, et particulièrement dans les pays francophones, les psychologues sont encore sous-représentés dans les organes de réflexion, ainsi que dans la recherche et l’intervention concernant le vieillissement cérébral. Ainsi, par exemple, le rapport de la commission chargée d’élaborer un plan national concernant les soi-disant « maladie d’Alzheimer et maladies apparentées », intitulé « Pour le malade et ses proches : Chercher, soigner et prendre soin » et remis au Président de la République Française en novembre 2007, n’envisage qu’une place extrêmement réduite pour les psychologues. Dans les 8 groupes de travail qui ont contribué à l’élaboration de ce rapport, une seule psychologue a été conviée, et spécifiquement dans le groupe éthique et communication. De même, aucun psychologue n’a été auditionné par les différents groupes de travail. Il est également intéressant de relever qu’aucun psychologue n’était présent dans le groupe de travail Neuropsychologie, neuro-imagerie, génétique, psychiatrie... Par ailleurs, dans le corps du rapport, il n’est fait référence aux psychologues que deux ou trois fois, et de manière vague.
Il est grand temps qu’une réflexion globale soit menée sur la place des psychologues dans le domaine du vieillissement cérébral, sur leurs relations avec les autres intervenants, ainsi que sur la formation universitaire proposée sur cette question aux étudiants en psychologie.
Note : La place des psychologues dans certaines structures mises en place en France pour les personnes âgées est également abordée dans une chronique du site Neuropsychologie.fr, accessible via ce lien
* La paralysie supra-nucléaire progressive, ou maladie de Steele-Richardson-Olszewski, atteignant les structures cérébrales corticales (essentiellement frontales) et sous-corticales.
** Mild Cognitive Impairment, intitulé trouble cognitif léger en français, voir aussi notre chronique du 5 mai 2010.
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