La plupart des modèles actuels de prédiction du risque de « démence » ne permettent pas de distinguer efficacement (avec une haute sensibilité ET une haute spécificité) les personnes à risque de développer une démence des personnes qui ne le sont pas.
C’est la conclusion sans équivoque à laquelle ont abouti récemment Stephan et al. (2010) dans un article publié dans la revue Nature Reviews. Neurology, après un examen des résultats de 25 études sélectionnées selon des critères stricts.
Cette conclusion vaut :
* tant pour les études qui se sont focalisées sur le concept de « Mild Cognitive Impairment, MCI » (Trouble cognitif léger), dans ses différentes définitions (voir notre chronique « Pour en finir avec le diagnostic catégoriel de MCI »)
* que pour les études menées sur la population âgée dans son ensemble et qui ont utilisé des modèles de prédiction fondés sur un examen neuropsychologique (avec différentes combinaisons de tests cognitifs ou de scores factoriels) ou des données démographiques (âge, genre, éducation), des données concernant le style de vie (par ex., l’activité physique) et des données relatives à la santé autour de la cinquantaine (par ex., la pression systolique).
Les prédictions les plus élevées sont celles issues de modèles qui ont incorporé diverses sources d’information relatives à de multiples facteurs de risque (les performances cognitives, les facteurs en lien avec la santé et le style de vie, les données de neuroimagerie et de génétique, l’évaluation subjective par les proches).
Les constats de Stephan et al. confortent l’idée selon laquelle les aspects problématiques du vieillissement cérébral sont déterminés par de multiples facteurs (biologiques, psychologiques, sociaux environnementaux), associés selon des combinaisons variées.
Il faut enfin noter qu’aucune étude examinée par Stephan et al. n’a fourni d’information concernant la prédiction de la vitesse de progression de la « démence » chez les individus à risque (voir notre chronique « L’hétérogénéité de la soi-disant maladie d’Alzheimer : de nouvelles preuves ») et de la probabilité de transition inverse (passer d’état « à risque » à catégorie « non à risque »). On peut aisément supposer que la prise en compte de ces deux dimensions rendrait encore plus faible l’efficacité prédictive des modèles testés…
La Dre Blossom Stephan, chercheuse au centre de recherche interdisciplinaire de l'Université de Cambridge, Cambridge Neuroscience.
Stephan, B.C.M., Kurth, T., Matthews, F.E., Brayne, C., & Dufouil, C. (2010). Dementia risk prediction in the population: are screening models accurate? Nature Reviews. Neurology, sous presse.
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