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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 20:38

Il existe une très grande hétérogénéité dans l’évolution des personnes ayant reçu le diagnostic de « démence » ou plus spécifiquement de « maladie d’Alzheimer » (voir nos chroniques « L’hétérogénéité de la soi-disant maladie d’Alzheimer : de nouvelles preuves », « L’hétérogénéité des trajectoires cognitives chez les personnes âgées » et « L’évolution du vieillissement cérébral problématique est très variable tant aux plans cognitif et fonctionnel que psychopathologique »).

Ainsi, tout(e) clinicien(ne) d’expérience a rencontré des situations dans lesquelles un diagnostic de « démence » ou de « maladie d’Alzheimer » avait été posé chez une personne qui, lors d’une réévaluation effectuée plusieurs mois plus tard, avait évolué positivement au point de ne plus correspondre au diagnostic établi.

Dans une publication récente (une lettre à l’éditeur du « Journal of the American Geriatrics Society »), Fischer et al. (2011) ont rapporté trois cas de diagnostic réversible de « maladie d’Alzheimer » probable, diagnostics posés dans le cadre d’une vaste étude en population consacrée aux facteurs de risque de la « maladie d’Alzheimer » : la « Vienna Transdanube Aging « VITA) Study ».

Le premier cas est celui d’un homme qui est entré dans l’étude VITA à 75.4 ans, avec un score au MMSE de 28 et des scores à toutes les épreuves neuropsychologiques se situant au-dessus de la moyenne des personnes de son âge. A l’âge de 80.6 ans, un déclin significatif de sa mémoire épisodique (lors du deuxième suivi VITA) a été identifié, avec une atrophie hippocampique à l’IRM. En TEP, la personne présentait le pattern typique de « maladie d’Alzheimer probable », selon les critères révisés de Dubois et al. (2007). Cette personne fut informée du diagnostic de « maladie d’Alzheimer ». Il a néanmoins maintenu et même étendu le style de vie actif (aux plans cognitif et physique) qui était le sien précédemment : jardinage, marche quotidienne, jeu de cartes avec des amis, réalisation et montage de films afin de les présenter, activités sociales, cueillette de champignons, lecture de journaux et discussions de leur contenu avec des amis et des proches. Trente mois plus tard, à l’âge de 83 ans (3ème suivi VITA), sa mémoire s’était améliorée au point qu’un diagnostic clinique de « maladie d’Alzheimer probable » ne pouvait plus être donné. Pourtant, l’atrophie temporale interne s‘était accentuée.

Le deuxième cas est celui d’une dame entrée dans l’étude VITA à l’âge de 76.1 ans, avec un score de 29 au MMSE. A l’âge de 81.1 ans, son score au MMSE est tombé à 25 et tous les scores aux tests de mémoire épisodique ont décliné de plus de deux écarts-types. Une augmentation de l’atrophie temporale interne a également été observée à l’IRM, ainsi qu’une atrophie temporale corticale, ce qui a conduit au diagnostic de « maladie d’Alzheimer probable » selon les critères de Dubois et al. Cette dame a été irritée par ce diagnostic et elle a changé son style de vie de façon très spectaculaire. Elle a commencé à écrire un journal intime - pour finalement le publier-, a recommencé à jouer de l’accordéon, à rencontrer des amis, à prendre des photographies, à lire des livres et des journaux, à marcher quotidiennement et à effectuer du jardinage. Trente mois plus tard, à l’âge de 83.6 ans, sa mémoire s’était améliorée. Son score au MMSE était revenu à 29, mais l’atrophie temporale interne avait continué à s’accroître.

Enfin, le troisième cas est celui d’un homme ayant entamé l’étude VITA à l’âge de 76 ans, avec un score au MMSE de 28. A l’âge de 78.6 ans, un déclin significatif aux tests de mémoire épisodique a été observé, ainsi qu’une atrophie temporale interne en IRM et un pattern typique de « maladie d’Alzheimer probable » en TEP. Un diagnostic de « maladie d’Alzheimer probable » a ainsi été posé. Ce monsieur a consulté la clinique de mémoire qui lui avait été conseillée et il y a reçu un traitement de 5mg de donépézil, traitement qu’il poursuit actuellement. A l’âge de 81.1 ans, une amélioration légère à certains tests de mémoire a été attribuée au traitement pharmacologique. Néanmoins, l’atrophie temporale interne s’était accrue. A l’âge de 83.6 ans, ses scores aux tests de mémoire épisodique étaient restés stables, son score au MMSE était de 27 et aucune diminution n’était observée, sur les derniers 60 mois, aux différents tests neuropsychologiques administrés. En TEP, le pattern « typique de maladie d’Alzheimer » était cependant plus important. Pourtant, le diagnostic de « maladie d’Alzheimer » ne pouvait plus être donné du fait de l’absence de déclin cognitif, et en particulier de déclin de la mémoire épisodique, sur une durée de 5 ans. Cette personne avait aussi fortement modifié son style de vie, en particulier concernant ses activités physiques : marche quotidienne, randonnée en montagne et alpinisme une fois par semaine. Il s’était aussi mis à la photographie, avait réalisé et monté des films afin de les présenter et donnait des conférences. En outre, il avait continué de jardiner, de rencontrer des amis et des proches, ainsi que de lire des livres et des journaux.

Il faut relever qu’aucune de ces personnes n’avait de dépression au moment du diagnostic et qu’elles n’avaient jamais pris d’antidépresseurs. De plus, un examen clinique minutieux avait permis d’exclure d’autres causes de déclin cognitif réversible.

Les trois personnes présentées dans cette publication ont considérablement modifié leur style de vie à la suite de l’annonce du diagnostic. Quelques descriptions de cas ne permettent évidemment pas de prouver que ce sont ces changements dans le style de vie qui ont conduit aux améliorations dans le fonctionnement cognitif. Néanmoins, ces observations suggèrent la mise en place d’études visant d’une part à mieux objectiver les évolutions positives après l’établissement d’un diagnostic de « démence » et d’autre part à mieux comprendre les facteurs qui les déterminent.

De manière plus modeste, nous encourageons les cliniciens qui lisent ce blog à nous transmettre (sous la forme de petites vignettes) leurs observations de diagnostics réversibles et plus généralement de tableaux cliniques attestant de l’extrême hétérogénéité que recouvre le terme de « maladie d’Alzheimer » et plus généralement de « démence ».   

Par ailleurs, ces descriptions de cas, en parallèle avec les études de groupe ayant mis en évidence l’importante hétérogénéité dans l’évolution des personnes ayant reçu un diagnostic de « démence »,  montrent bien la nécessité qu’il y a à modifier profondément la manière avec laquelle on transmet à la personne les résultats des explorations (cognitives et de neuroimagerie) dont elle a fait l’objet.

Nous consacrerons une chronique à cette question en montrant qu’il est possible (et que certains le font déjà) de s’affranchir d’une approche qui annonce l’existence d’une « maladie » effrayante et implacable pour plutôt mettre l’accent sur ce qui relie la personne aux autres, se focaliser sur les capacités préservées et  les multiples moyens qui peuvent être mis en œuvre pour optimiser son vieillissement et insister sur le fait que même avec un vieillissement cérébral/cognitif problématique, la personne peut garder une vitalité, une insertion sociale, un sens à son existence et un épanouissement personnel.


reversible.jpg©24 heures; V. Cardoso

Dubois, B., Feldman, H.H., Jacova, C., DeKosky, S.T., Barberger-Gateau, P., Cummings, J., Delacourte, A., Galasko, D., Gauthier, S., Jicha, G., O’Brien, J., Pasquier, F., Robert, Ph., Rossor, M., Salloway, S., Stern, Y., Visser, P.J., & Scheltens, Ph. (2007). Research criteria for the diagnosis of Alzheimer’s disease: revising the NINCDS-ADRDA criteria. Lancet Neurology, 6, 734-746. 

Fischer, P., Jungwirth, S., Krampla, W., Leitha, Th., & Tragl, K.H. (2011). Case reports. “Reversible” Alzheimer’s disease? Journal of the American Geriatrics Society, 59, 1137-1160.    

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commentaires

M
<br /> <br /> Comme moi, ces trois personnes avaient probablement aussi besoin de troubles de mémoire et d’un diagnostic de « maladie d’Alzheimer probable » pour prendre conscience de l’existence de ces<br /> lunettes que nous mettons inconsciemment entre nous et la réalité, qui filtrent et colorent nos visions... bref, changer de style de vie.<br /> <br /> <br /> Marcel Brasey Genève<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Bonjour, <br /> <br /> <br /> en lisant votre article, je me suis dit qu'il s'agit d'une capacité de résilience de ces personnes. Elles ne se sont pas laissées envahir par ce diagnostic paralysant le psychisme et quelque part<br /> elles n'ont pas permis au stéréotype de la maladie Alzheimer s'auto-réaliser.<br /> <br /> <br /> Encore merci de faire partager vos observations et recherches ! <br /> <br /> <br /> Bonne continuation <br /> <br /> <br /> Anna Przewlocka-Alves<br /> <br /> <br /> <br />
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