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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 21:22

Avec une méthodologie de recherche-action participative (RAP)

 

Une étude récente (Nomura et al., 2009), menée au Japon, a adopté une approche intéressante d’intervention, destinée à des personnes ayant reçu le diagnostic de « démence légère » et à leurs proches aidants, qui combine des programmes de revalidation cognitive, de conseil et d’information, visant à optimiser la qualité de vie des personnes, les interactions familiales et l’intégration dans la communauté.

Cette étude a adopté une méthodologie connue sous le nom de recherche-action participative (RAP).  La RAP se définit par le fait de considérer les personnes comme des acteurs plutôt que comme des sujets de recherche. Elle vise à identifier des problèmes dans la pratique, à élaborer des solutions, à examiner les processus de changement et à évaluer les résultats. Elle envisage la personne ou la communauté dans son contexte, en tenant de comprendre la signification et les implications des problèmes et de leur solution pour la communauté. Les professionnels et les personnes cherchent un terrain d’entente dans la définition du problème et l’identification de l’action qui en découlera, tout en faisant preuve de réalisme dans les attentes, en fonction du contexte.

Le projet, d’une durée de 5 ans, s’est déroulé dans une petite ville rurale de 4’800 habitants (dont 32% de personnes de plus de 65 ans). Il a, en tout, impliqué 37 personnes présentant une démence légère (MMSE ≥ à 18) et 31 proches aidants, avec des effectifs variables selon les types d’intervention.

Dans un premier temps, un entretien en groupe a été entrepris avec les proches aidants, afin d’identifier les problèmes rencontrés, et ce en se focalisant sur la vie quotidienne des personnes présentant une « démence », les difficultés perçues par les proches aidants et leurs réponses à ces difficultés, ainsi que sur l’attitude des voisins envers les personnes avec « démence ». Des informations ont également été obtenues concernant l’histoire de vie des personnes, leurs loisirs et centres d’intérêt, afin d’explorer leur potentialités. Enfin, des renseignements ont été recueillis sur le diagnostic médical, le lieu de vie, la structure familiale, etc. Sur base de l’entretien de groupe, les objectifs généraux suivants ont été identifiés comme cible principale des interventions auprès des personnes avec « démence » : regagner de la confiance en soi, améliorer les relations avec les proches (la famille) et accroître l’intégration dans la communauté.

Trois sources de données ont été utilisées afin d’examiner les changements chez les personnes avec « démence » : 1. Les expressions faciales, comportements et contenus des conversations, les impressions des professionnels impliqués dans l’intervention et l’atmosphère du groupe durant les activités ; 2. Un carnet de communication a été établi, afin de noter un résumé des activités effectuées et les commentaires des proches aidants, ce carnet accompagnant la personne lors de ses retours à domicile ; 3. Une transcription des entretiens et conseils téléphoniques mensuels, ainsi que des entretiens en face à face avec les proches aidants. Des réunions intermédiaires étaient également planifiées, regroupant les professionnels et les personnes avec « démence », et un résumé de la discussion était établi pour chaque réunion.

Le programme d’intervention auprès des personnes avec « démence » s’est déroulé en trois phases :

 * Une intervention cognitive visant à optimiser la réalisation d’activités quotidiennes et, ainsi, à accroître la confiance en soi. Cette intervention a été appliquée au travers d’une activité de cuisine, laquelle met en œuvre de nombreuses habiletés cognitives, sociales et motrices. Plusieurs stratégies ont été apprises telles que organiser l’espace de travail, minimiser les distractions, organiser l’activité de façon à n’effectuer qu’une activité à la fois, agrandir les étiquettes des bouteilles d’assaisonnement, utiliser des aides externes (par ex., faire des listes) ou des indices environnementaux (par ex., placer les ustensiles à des endroits visibles), diviser la tâche principale en sous-tâches, créer des routines pour une tâche spécifique (par ex., la pratiquer dans le même contexte), adapter son rythme à ses possibilités, etc. Des indications physiques et verbales étaient discrètement fournies, à la fois pour aider la personne, mais aussi pour préserver sa fierté. Les évaluations qualitatives ont mis en évidence des progrès dans la réalisation des activités de cuisine. Plus généralement, les personnes étaient fières de participer à ce groupe d’intervention et ont accepté (ainsi que leurs proches) que des visiteurs viennent assister aux sessions : ils leur ont même concocté des menus spéciaux et ont préparé un discours en leur honneur. Il faut relever que l’intervention cognitive focalisée sur la mémoire (par ailleurs peu élaborée et peu orientée vers des buts concrets) n’a pas suscité l’intérêt des personnes avec « démence ».       

*Une intervention de groupe visant à améliorer les relations familiales et à encourager les relations amicales. Outre le carnet de communication visant à susciter des interactions avec les proches, d’autres stratégies ont été utilisées afin d’accroître les conversations : impliquer les personnes avec « démence » dans des activités familiales de cuisine adaptées à leurs connaissances, réaliser des activités impliquant des membres de la famille et pouvant susciter des échanges (par ex., faire du cerf-volant), pratiquer et améliorer les activités de la vie quotidienne comme faire des courses ou manger au restaurant, visiter des temples ou des tombes et en parler. A nouveau, les évaluations qualitatives ont mis en évidence des progrès dans les conversations au sein de la famille et une augmentation des interactions verbales, des échanges et des aides mutuelles dans les situations de groupe réunissant les personnes présentant une « démence ».

* Une intervention visant à accroître l’implication dans la communauté. Des activités donnant l’occasion aux personnes de manifester leurs habiletés au sein de la communauté, de s’exprimer en public ou encore de manipuler l’argent ont été planifiées, comme confectionner une liqueur ou vendre des produits qu’elles avaient confectionnés. Il est intéressant de relever que, à la fin du programme, deux personnes avec « démence » sont devenues les porte-parole des participants et sont intervenues pour demander des aides financières auprès des autorités locales et aussi la mise en place de programmes similaires dans chaque communauté. 

En ce qui concerne les proches aidants, des programmes d’information leur ont été administrés, visant à augmenter leurs connaissances sur la « démence », à mieux comprendre les comportements des personnes avec « démence », à les aider à exploiter au mieux les ressources sociales et à créer un réseau social de proches aidants. De plus, des conseils et soutiens leur étaient offerts sur demande, via des entretiens individuels et, à partir de la deuxième année, via des entretiens téléphoniques mensuels. Les interventions ont été soumises à un nombre assez restreint de proches aidants, mais les évaluations montrent néanmoins que les objectifs d’information ont été atteints. De plus, des analyses de cas indiquent le bénéfice tiré des conseils en face à face et par téléphone (avec une diminution graduelle des besoins d’aide en face à face). Il faut par ailleurs noter que la création d’un réseau de proches aidants ne s’est pas avérée indispensable, vraisemblablement du fait de la plus grande facilité à établir, au sein de cette petite communauté rurale réduite, des relations naturelles entre proches aidants. 

En conclusion, ce programme d’intervention n’est pas sans limites : objectifs trop généraux et trop peu individualisés, évaluations des résultats trop peu systématisées et difficultés (mentionnées par les chercheurs eux-mêmes) à analyser les différentes sources d’information, interventions cognitives non optimales et n’exploitant pas suffisamment les connaissances acquises dans le domaine, implication insuffisante des personnes avec « démence » dans l’identification des objectifs et l’évaluation du programme, prise en compte insuffisante des réactions des proches aidants quant à l’adéquation de ce programme, etc.

Néanmoins, considérée globalement, une telle approche, participative, intégrée dans la communauté (en première ligne) et centrée sur des objectifs concrets, nous paraît constituer une réponse particulièrement adaptée aux difficultés rencontrées par les personnes âgées présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique et par leurs proches.     

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Nomura, M., Makimoto, K., Kato, M., Shiba, T., Matsuura, C., Shigenobu, K., et al. (2009). Empowering older people with early dementia and family caregivers: A participatory action research study. International Journal of Nursing Studies, 46, 431-441.

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