Nous souhaitons rendre hommage au combat que le peuple tunisien a mené pour conquérir sa liberté. A nos amis Tunisiens, en particulier nos amis psychologues et universitaires, ainsi que celles et ceux qui suivent notre blog, à leurs familles, nous souhaitons dire que nous sommes près d’eux dans les tâches difficiles, mais exaltantes, qui les attendent et qu’ils peuvent compter sur notre aide et notre soutien.
Dans ce blog qui défend une autre approche du vieillissement, nous pensons que la Tunisie a incontestablement des choses à nous apprendre. En effet, les personnes âgées occupent traditionnellement, dans la société tunisienne, une place privilégiée (Ayadi et al., 2002). Elles sont entourées de respect, voire de vénération, elles jouent un rôle d’exemple et de référence, elles sont impliquées dans les décisions familiales, elles rendent d’éminents services (dans la garde des enfants et l’éducation) et elles fournissent des conseils aux plus jeunes. Ainsi, comme l’indiquent Ayadi et al., « la personne âgée ne prend-elle pas de retraite socio-familiale, ce qui la préserve contre le sentiment d’inutilité et de marginalité sociales ».
La société tunisienne subit cependant des transformations socio-économiques et culturelles profondes, avec une occidentalisation croissante du mode de vie (matérialisme, consumérisme, individualisme) et une érosion des valeurs traditionnelles de solidarité. Ces changements risquent de compromettre le statut privilégié des personnes âgées. Ayadi et al. insistent sur l’importance qu’il y a à renforcer le statut et l’intégration socio-familiale des aînés, à mettre en valeur leur apport en leur permettant de maintenir un rôle social, ainsi qu'à éviter la sédentarité et la déconnexion sociale. Ceci est d’autant plus important que les projections démographiques prévoient un vieillissement particulièrement rapide de la population tunisienne, avec un doublement en 30 ans des personnes de plus de 60 ans (de 9% actuellement à 18% en 2029; Ben Brahim, 2004).
En particulier, on peut espérer que la société tunisienne résistera à l’approche biomédicale dominante, réductrice et pathologisante, du vieillissement. Nous avons montré en quoi cette approche du vieillissement et le « mythe de la maladie d’Alzheimer » qui y est associé étaient nés dans le contexte d’une vision du monde centrée sur l’individualisme, la compétition, l’efficacité, le rendement, un monde où la fragilité, la finitude, la différence, l’engagement social n’ont guère leur place (voir notre chronique « Le mythe de maladie d’Alzheimer : que veut vraiment dire ce titre provocateur ? »). Fasse que le peuple tunisien, dans la révolution démocratique qu’il mène actuellement, maintienne un équilibre entre les possibilités d'épanouissement personnel et ses valeurs traditionnelles de solidarité et d’intégration des aînés.
Sidi Bou Saïd, 2009 ©acjvdl
Ben Brahim, A., (2004). Transition des structures par âge et vieillissement en Tunisie. Rapport présenté dans le cadre du séminaire du CICRED (Committee for International Cooperation in National Research in Demography). Paris, 23-26 février 2004.
Ayadi, N., Bouattour, Y., Masmoudi, J., & Maalej, M. (2002). Les personnes âgées en Tunisie : spécificités socio-familiales et culturelles. La Revue de Gériatrie, 27, 103-106.
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