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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 15:50

Dans une de nos chroniques précédentes (« Une mauvaise vision, non traitée, est associée à un vieillissement cérébral et cognitif problématique »), nous avons rapporté les résultats d’une étude qui indiquaient que la présence d’une mauvaise vision était significativement associée au risque de développer une « démence ».

 

Certains chercheurs ont également suggéré qu’une perte auditive, en réduisant l’input sensoriel et en entravant les interactions sociales, pourrait être associée au vieillissement cérébral/cognitif problématique (à la « démence »). Cependant, en dépit de la prévalence de la perte auditive chez les personnes âgées et du fait que ce problème reste souvent sans traitement, cette hypothèse n’avait jamais été explorée via une étude prospective. C’est ce à quoi se sont engagés Lin et al. (2011), en suivant longitudinalement une cohorte de personnes issues de la « Baltimore Longitudinal Study of Aging ».

 

Entre 1990 et 1994, 639 personnes âgées de 36 à 90 ans et sans « démence » ont été soumises à un test audiométrique. La perte auditive était définie par les seuils d’audition de sons purs à 0.5, 1, 2, et 4kHz dans la meilleure oreille : normal <25 dB (n=455) ; perte légère 25-40 dB (n=125) ; perte modérée 41-70 dB (n=53) ; perte sévère >70 (n=6). Durant la période de suivi d’une durée médiane de 11.6 ans, les personnes ont régulièrement été évaluées pour identifier la présence d’une « démence », d’abord tous les 2 ans, puis, dès 1997, tous les ans pour les personnes de plus de 80 ans, tous les 2 ans pour les personnes entre 60 et 80 ans et tous les 4 ans pour les personnes âgées de moins de 60 ans. Les personnes de plus de 65 ans recevaient un examen neuropsychologique et neurologique complet et celles de moins de 65 ans étaient d’abord soumises au « Blessed Information Memory Concentration Test » et recevaient une évaluation plus détaillée si elles commettaient 3 erreurs ou plus à ce test. Le diagnostic de « démence » était posé sur base d’une réunion de consensus multidisciplinaire, selon les critères classiques. Par ailleurs, plusieurs covariables ont été prises en compte dans les analyses : diabète, hypertension, scolarité, tabagisme et la présence (auto-rapportée) d’aides auditives.

 

Durant le période de suivi, 58 cas de « démence » (tous types confondus) ont été diagnostiqués. Par ailleurs, il apparaît que le risque de « démence » augmente de façon log-linéaire en fonction de la sévérité de la perte auditive. En comparaison avec l’audition normale, le risque relatif de « démence » est de 1.89 (IC 95% ; 1 - 3.58) pour la perte auditive légère, 3 (IC 95% ; 1.43 - 6.3) pour la perte auditive modérée et 4.94 (IC 95% ; 1.09 - 22.40) pour la perte auditive sévère. Chez les personnes de plus de 60 ans, plus d’un tiers du risque de « démence » est associé à une perte auditive.

 

Il s’agit d’envisager les mécanismes potentiellement impliqués dans cette association entre perte auditive et « démence ». Les auteurs ont considéré comme improbable (sur base du type d’évaluation qu’ils ont effectué et d’une analyse complémentaire de sensibilité) l’hypothèse d’un sur-diagnostic de « démence » chez les personnes ayant des problèmes auditifs ou, réciproquement, d’un sur-diagnostic de perte auditive chez les personnes ayant des déficits cognitifs. Une autre possibilité serait que la perte auditive et la « démence » soient causées par un processus neuropathologique commun. Les auteurs indiquent cependant que l’audiométrie en sons purs est typiquement considérée comme une mesure de l’audition périphérique : la détection de sons purs ne requiert pas des niveaux élevés de traitement cortical auditif et se fonde seulement sur une transduction cochléaire et des afférences neuronales vers les noyaux du tronc cérébral et du cortex auditif primaire. Par ailleurs, même s’ils ne peuvent totalement exclure l’hypothèse d’un facteur vasculaire, les auteurs rappellent qu’ils ont contrôlé l’influence possible de plusieurs facteurs de risque de maladies vasculaires (en ayant aussi exclu lors de la ligne de base les personnes ayant été victimes d’un AVC ou d’un accident ischémique transitoire). Ils indiquent en outre qu’une étude antérieure n’a pas rapporté de lien entre le statut ApoE et la perte auditive.

 

Un autre mécanisme pourrait impliquer l’épuisement de la réserve cognitive : ainsi, les ressources cognitives/cérébrales allouées au traitement auditif, du fait de la perte auditive, conduiraient à une réduction des ressources pouvant être attribuées à d’autres processus. Par ailleurs, les problèmes de communication provoqués par la perte auditive pourraient également mener à un isolement social et à une implication moindre dans des activités de loisirs, ces facteurs ayant été associés à un risque accru de « démence » (voir nos chroniques « Les effets bénéfiques des contacts et soutiens sociaux sur le fonctionnement cognitif tant chez les adultes jeunes que chez les personnes âgées » et « Des activités de loisirs stimulantes sur le plan cognitif, une vie sociale active et des activités physiques ont un effet protecteur sur le fonctionnement cognitif évalué 20 ans plus tard »). Ces hypothèses devront faire l’objet d’études ultérieures.

 

Il faut relever que le fait d’utiliser une aide auditive n’était pas associé à une réduction du risque de «démence». Cependant, les données concernant le type d’aide utilisé, le nombre d’heures d’utilisation par jour, le nombre d’années d’utilisation, les caractéristiques des personnes ayant choisi d’utiliser une aide, l’utilisation d’autres moyens de communication, l’adéquation de la revalidation, etc. n’ont pas été recueillies, si bien que l’on est pas en mesure de déterminer si les appareils auditifs et la revalidation auditive pourraient affecter le déclin cognitif : cette question exige des travaux futurs.

 

En conclusion, s’ils étaient confirmés dans d’autres cohortes indépendantes, les résultats de cette étude auraient des implications importantes en termes de prévention : utilisation d’aides technologiques (p. ex., aides auditives digitales, implants cochléaires), optimisation des conditions sociales et environnementales d’audition et mise en place d’interventions (p. ex., en lien avec les relations sociales et les activités de loisirs) visant à réduire les effets de la perte auditive sur le déclin cognitif.   

 

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®123rf

Lin, F.R., Metter, E.J., O’Brien, R.J., Resnick, S.M., Zonderman, A.B., & Ferrucci, L. (2011). Hearing loss and incident dementia. Archives of Neurology, 68, 214-220.

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