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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 14:15

Les difficultés comportementales et psychoaffectives sont fréquentes chez les personnes âgées et en particulier chez celles présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence »). Le plus souvent, et dans la ligne d’une médicalisation accrue du fonctionnement psychologique, la réponse apportée à ces difficultés est d’ordre pharmacologique, en dépit des effets secondaires graves associés aux substances administrées (p. ex., les antidépresseurs ou les antipsychotiques ; voir nos chroniques « La prescription fréquente de médicaments psychotropes aux personnes ayant reçu le diagnostic de démence : une atteinte inacceptable à leurs droits » et « Les antipsychotiques atypiques aggravent les difficultés cognitives des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique »).

Deux nouvelles études, l’une consacrée à la dépression (Banerjee et al., 2011), l’autre aux troubles comportementaux (agitation et agressivité ; Husebo et al., 2011), viennent s’ajouter à celles qui plaident pour la mise en place d’autres manières d’aborder les difficultés psychologiques des personnes âgées.


L’inefficacité des antidépresseurs

Banerjee et al. (2011) ont réalisé une étude randomisée/contrôlée avec placebo, en double aveugle et multicentrique, dans le but d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de deux des antidépresseurs (sertraline/Zoloft et mirtazapine/Norset-Remeron) les plus fréquemment administrés pour le traitement de la dépression chez les personnes présentant une « démence ».

Une récente revue systématique et méta-analyse (Nelson & Devenand, 2011 ; voir notre chronique « Les symptômes dépressifs chez les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique : la nécessité de développer des interventions non-pharmacologiques et individualisées ») avait déjà mis en évidence l’absence de données montrant l’efficacité des antidépresseurs chez les personnes présentant une « démence ». Plus spécifiquement, cette recherche, ayant retenu 7 essais thérapeutiques incluant en tout 330 participants, a montré qu’aucun essai n’avait une puissance statistique suffisante et que plusieurs facteurs possiblement confondants étaient présents (comorbidités, différences méthodologiques entre les études concernant notamment le type de dépression examiné, la méthode utilisée pour évaluer l’effet du médicament, la durée de l’essai, le type d’antidépresseur testé). Un essai de plus grande envergure s’imposait donc, ce à quoi se sont attelés Banerjee et al.

Les auteurs ont recruté plus de 300 personnes âgées d’environ 80 ans, présentant une « maladie d’Alzheimer » modérée à sévère (MMSE moyen d’environ 18), vivant dans la communauté et ayant été adressées à un service psychiatrique pour personnes âgées dans 9 centres en Angleterre. Ces personnes ont été réparties pour un tiers (n=111) dans la condition placebo, pour un tiers (n=107) dans la condition « Sertraline » (Zoloft) et pour un tiers dans la condition « Mirtazapine » (Norset/Remeron).

Les résultats montrent tout d’abord que les personnes des trois groupes (Placebo, Sertraline et Mirtazapine) ont montré une diminution de leurs scores de dépression. Cependant, les diminutions des scores de dépression ne diffèrent pas, lors du suivi à 13 semaines, entre les participants de contrôle (placebo) et les participants ayant reçu la Sertraline ou la Mirtazapine. Il en va  de même pour la comparaison entre les groupes « Sertraline » et « Mirtazapine ». Des résultats similaires ont été obtenus lors du suivi à 39 semaines. Enfin, des effets secondaires, y compris des effets secondaires considérés comme graves, étaient plus fréquents chez les personnes ayant reçu les antidépresseurs.

Les auteurs suggèrent que l’amélioration observée dans les scores de dépression des trois groupes pourrait être liée aux interventions psychosociales généralement proposées dans les services psychiatriques pour personnes âgées en Angleterre. D’autres interprétations sont cependant possibles (effet Hawthorne ou effet psychologique d’avoir conscience d’être le groupe étudié dans une recherche ; régression vers la moyenne). Il paraît cependant peu probable qu’il s’agisse d’une récupération spontanée, dans la mesure où 68% des participants étaient déprimés pendant plus de 6 mois avant la randomisation.

Plus généralement, les résultats de Banerjee et al. indiquent que les antidépresseurs ne devraient pas être prescrits en tant que traitement de première ligne chez les personnes présentant une « démence » et que l’accent devrait plutôt être mis sur les interventions psychosociales.

 

L’influence de la douleur sur les manifestations d’agitation et d’agressivité

Diverses recherches ont montré que les problèmes comportementaux (comme l’agitation) manifestés par les personnes présentant une « démence » et vivant dans une structure d’hébergement à long terme étaient associés à différents facteurs, tels qu’une douleur physique ou un état d’inconfort, le besoin de contact social, l’ennui et le besoin de stimulation, la présence d’hallucinations, la dépression (et le besoin de plus de sentiment de contrôle, ainsi que de plus de stimuli renforçants), une mauvaise interprétation de la situation, la recherche de son domicile, la recherche de quelque chose et de quelqu’un ou encore le besoin d’activité ou d’exercice (voir notre chronique « Les comportements d’agitation dans les structures d’hébergement à long terme : l’efficacité d’une intervention individualisée »).

Husebo et al. (2011) se sont tout particulièrement penchés sur la contribution de la douleur en examinant dans quelle mesure l’utilisation systématique d’analgésiques pouvait réduire l’agitation chez des personnes résidant dans une structure d’hébergement à long terme et présentant une « démence » modérée à sévère.

Les auteurs ont entrepris un essai randomisé/contrôlé multicentrique de 8 semaines, avec un suivi à 12 semaines, dans 60 unités d’hébergement à long terme situées dans 5 villes de l’Ouest de la Norvège (la randomisation ayant été effectuée sur base des unités d’hébergement ou clusters). Les participants étaient âgés de 65 ans et plus, vivaient dans la structure d’hébergement depuis au moins 4 semaines, avaient reçu un diagnostic de démence (sur base des critères du DSM IV) et montraient une agitation cliniquement significative pendant au moins une semaine (un score de 39 ou plus au Cohen-Mansfield Agitation Inventory). 

Les participants (n = 352) ont été aléatoirement alloués à la condition de traitement de la douleur (un protocole par étapes pendant 8 semaines, recommandé par l’ « American Geriatrics Society » ; n = 175) ou à la condition de contrôle (soins habituels ; n = 177). En fonction du traitement déjà installé, le traitement commençait à l’étape 1 (paracétamol oral ; accroissement maximal à 3 g/jour), à l’étape 2 (morphine orale ; maximum de 20 mg/jour), à l’étape 3 (timbre transdermique de buprénorphine ; maximum 10µg/heure) ou encore à l’étape 4 (prébagaline orale ; maximum de 300mg/jour). Après les évaluations de ligne de base, les résultats des évaluations et la prescription des médicaments étaient examinés dans chaque structure d’hébergement par un psychiatre de la personne âgée, un anesthésiste, un thérapeute de la douleur, un des assistants de recherche et un membre senior du personnel de la structure d’hébergement.

Les résultats montrent que l’agitation (évaluée au moyen du Cohen-Mansfield Agitation Inventory) a significativement diminué dans le groupe de traitement de la douleur : plus spécifiquement, la réduction moyenne de l’agitation était de 17%. Par ailleurs, une aggravation de l’agitation à été observée entre la semaine 8 (fin du traitement) et la semaine 12.

Une différence significative entre le groupe de traitement de la douleur et le groupe de contrôle a également été observée dans l’agressivité (évaluée par le NPI, version infirmier/ère) et la douleur (évaluée par la « Mobilisation-observation-behaviour-intensity-dementia-2 pain scale »). Lors de l’évaluation à la semaine 8, il existait une corrélation significative entre l’agitation et la douleur. Enfin, à la semaine 8, les deux groupes ne différaient pas significativement au MMSE et dans les activités de la vie quotidienne.

En conclusion, cette étude montre en quoi le traitement de la douleur constitue un élément important dans le traitement global et individualisé de l’agitation et de l’agressivité chez des personnes présentant une « démence » et résidant dans une structure d’hébergement à long terme. Elle indique également en quoi un traitement efficace de la douleur peut constituer une composante clé dans la réduction de l’utilisation des antipsychotiques chez ces personnes, lesquels induisent des effets secondaires graves. Il faut noter que trois études randomisées contrôlées (voir les références dans Husebo et al.) ont montré que la rispéridone (un antipsychotique atypique) amenait à une réduction d’agitation (au Cohen-Mansfield Agitation Inventory) de respectivement, 3%, 13% et 18% par rapport à la condition placebo. Les 17% de réduction de l’agitation observés par Husebo et al. suite au traitement de la douleur constituent donc un résultat cliniquement très probant.

Il faut ajouter que la douleur ne constitue qu’un des facteurs impliqués dans les manifestations d’agitation et d’agressivité des personnes présentant une « démence » et résidant dans une structure d’hébergement à long terme. Il importe dès lors de concevoir d’autres interventions (non pharmacologiques et individualisées) focalisées sur ces facteurs (voir notre chronique  « Les comportements d’agitation dans les structures d’hébergement à long terme : l’efficacité d’une intervention individualisée »).


Fotolia_19813659_XS.jpg   © Vladimir Voronin - Fotolia.com

Banerjee, S., Hellier, J., Dewey, M., Romeo, R., Ballard, C., Baldwin, R. et al. (2011). Sertraline or mirtazapine for depression in dementia (HTA-SADD): a randomized, multicentre, double-blind, placebo-controlled trial. The Lancet, sous presse.

Husebo, B.S., Ballard, C., Sandvik, R., Nilsen, O.B., & Aarslamd, D. (2011). Efficacy of treating pain to reduce behavioural disturbances in residents of nursing homes with dementia: cluster randomized clinical trial. British Medical Journal, sous presse.

Nelson, J.C., & Devanand, D.P. (2011). A systematic review and meta-analysis of placebo-controlled antidepressant studies in people with depression and dementia. Journal of the American Geriatrics Society, 59, 577-585.

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28 juillet 2011 4 28 /07 /juillet /2011 18:30

De nombreuses données indiquent qu’une activité sociale plus importante est associée à un moindre déclin cognitif et à un moindre risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique ou de « démence » (voir nos chroniques « Les personnes âgées socialement actives présentent moins de déclin cognitif » et « Les effets bénéfiques des contacts et soutiens sociaux sur le fonctionnement cognitif tant chez les adultes jeunes que chez les personnes âgées »).

Dans cette perspective, Pitkala et al. (2011) ont récemment réalisé une étude randomisée contrôlée dans laquelle ils ont exploré les effets d’activités socialement stimulantes sur le fonctionnement cognitif de personnes âgées souffrant de solitude.

Les participants ont été recrutés via un questionnaire postal envoyé à un échantillon aléatoirement sélectionné de 6’786 personnes âgées de 75 ans et plus et vivant dans 6 communautés reprises dans le Registre national de la population finlandaise. Les critères d’exclusion étaient la présence d’une « démence » modérée ou sévère (MMSE < 19 ou CDR > 1), le fait de vivre dans une structure d’hébergement à long terme, la cécité, la surdité et l’incapacité de se mouvoir sans l’aide d’une tierce personne.  

La solitude des personnes était déterminée via une seule question: « Souffrez-vous de solitude » (1 = rarement ou jamais, 2 = parfois, 3 = souvent ou toujours). Sur les personnes ayant répondu (71.2%), celles ayant indiqué qu’elles souffraient de solitude (n = 1’541) ont reçu un second questionnaire dans lequel on leur demandait si elles acceptaient de participer à un groupe de stimulation sociale et on les interrogeait sur leurs préférences quant au contenu des activités de ce groupe.

Les 235 volontaires ont été répartis en trois groupes selon leurs préférences et intérêts : expériences artistiques et discussion (n = 95) ; exercices physiques et discussion (n = 92); écriture thérapeutique et discussion (n = 48). A l’intérieur de ces trois groupes, les participants ont été à nouveau aléatoirement répartis en des participants recevant les interventions et des participants de contrôle. L’âge moyen des participants était de 80 ans, 3 sur 4 étaient des femmes et environ 80% vivaient seuls. L’étude a été menée sur 7 centres répartis partout en Finlande, avec une répartition par ensembles d’environ 16 personnes pour les trois types d’activités (8 recevant l’’intervention et 8 de contrôle)

Lors de la ligne de base, une évaluation a été effectuée concernant les caractéristiques démographiques, la comorbidité (nombre et gravité des états comorbides) et le fonctionnement cognitif global (MMSE et CDR). Par ailleurs, lors de la ligne de base et à trois mois, les participants ont été soumis à l’ADAS-Cog (une échelle qui évalue différents domaines de la cognition). Enfin, on leur a aussi administré, durant la ligne de base et après 12 mois, une échelle (15D) qui évalue la qualité de vie en lien avec différentes dimensions de la santé (mobilité, vision, audition, sommeil, dépression, vitalité, etc,). Dans cette étude, les auteurs se sont tout particulièrement focalisés sur la dimension « fonctionnement mental » : les participants devaient choisir un parmi les 5 énoncés suivants : « Je suis capable de penser clairement et logiquement et ma mémoire fonctionne bien » ; « J’ai de légères difficultés à penser clairement et logiquement ou ma mémoire me lâche parfois » ; « J’ai de nettes difficultés à penser clairement et logiquement ou ma mémoire est quelque peu perturbée » ; « J’ai d’importantes difficultés à penser clairement et logiquement ou ma mémoire est gravement perturbée » ; « Je suis constamment confus et désorienté dans le temps et l’espace ».

En ce qui concerne les interventions socialement stimulantes (d’une durée de trois mois), leurs principes étaient similaires pour les trois groupes d’activités (principes dont le respect était assuré par les responsables des groupes, qui avaient reçu un entraînement spécifique à ce sujet ; voir Pitkala et al., 2004). En exploitant la dynamique et la maturation normale des groupes, les responsables suscitaient le soutien par les pairs, visaient à promouvoir les relations amicales et appuyaient la responsabilisation. Ils fonctionnaient plus comme des facilitateurs que comme des leaders. L’objectif était que les participants partagent leurs expériences avec les autres, discutent de leurs sentiments, reçoivent du soutien d’autres personnes, se donnent le défi de surpasser leurs limites et développent des sentiments de solidarité. Les trois types d’activités servaient simplement de stimuli pour les groupes de discussion (un détail des interventions peut être trouvé dans Pitkala et al., 2009, et Savikko et al., 2010).

Dans les groupes « expériences artistiques », divers artistes (musiciens, acteurs, peintres, etc.)  étaient invités aux réunions. Les participants visitaient aussi des expositions ou se rendaient à divers événements culturels, mais effectuaient également eux-mêmes des activités artistiques. Enfin, ils discutaient de leurs expériences au sein de leur groupe. Dans les groupes « exercices physiques », les participants réalisaient divers exercices (marche nordique, entraînement physique à la salle de gymnastique, natation ou danse). Les participants discutaient également de leurs activités. Dans les groupes « écriture thérapeutique », les participants écrivaient sur leur passé, leur solitude et leurs sentiments concernant les réunions. En outre, ils partageaient leurs écrits et leurs réminiscences.

Les contenus des activités étaient sciemment introduits en fonction des intérêts des différents participants, lesquels pouvaient influer sur le programme. Il faut relever qu’aucun entraînement cognitif particulier n’était fourni. Les personnes des groupes d’intervention se réunissaient une fois par semaine pendant 3 mois (12 fois). Chaque groupe comportait 7 à 8 personnes âgées et deux responsables de groupe. Chaque réunion durait environ 6 heures : le matin, les participants étaient amenés en minibus et prenaient le petit déjeuner ensemble ; ensuite, ils s’engageaient dans les activités durant 1h. ou 1h1/2, après quoi ils discutaient des activités pendant 1/2h ou 1h ; à midi, il y avait un repas, suivi d’un repos d’1/2 heure, et, l’après-midi, ils s’engageaient à nouveau dans les activités pendant 1h. ou 1h1/2, puis dans une discussion autour d’un café, la séance se terminant vers 15 heures. Tout était gratuit. Il faut relever que l’assiduité a été importante : pour les groupes « expériences artistiques », une participation moyenne de 10.8 (sur 12 séances) ; pour les groupes « exercices physiques », une participation moyenne de 11 ; pour les groupes « écriture », une participation moyenne de 9.7.

Quant aux participants dans les groupes de contrôle, ils pouvaient continuer leurs activités et loisirs habituels et demeuraient dans leur environnement habituel.

Les résultats montrent tout d’abord que les participants ayant reçu les interventions et les participants de contrôle ne différaient pas quant à l’indice de comorbidité, la distribution des facteurs de risques principaux de déclin cognitif, le MMSE (26.9 et 26.6, respectivement) et le CDR lors de la ligne de base. Par ailleurs, lors de l’évaluation après trois mois, le score à l’ADAS-Cog s’est significativement plus amélioré chez les participants ayant reçu les interventions (tous types d’activités confondus) que chez les participants du groupe de contrôle (en prenant comme covariable les scores lors de la ligne de base et le site où a été réalisée l’intervention). Il apparaît cependant que l’amélioration s’est surtout manifestée dans le groupe « écriture thérapeutique ». Enfin, l’indice global de l’échelle 15D évaluant la qualité de vie en lien avec la santé et la dimension plus spécifique de «fonctionnement mental »  montrent aussi, à 12 mois, une amélioration significative chez les personnes ayant participé aux activités socialement stimulantes par rapport aux personnes de contrôle.

L’intérêt de cette étude tient au fait qu’elle est la première à avoir montré, au moyen d’un essai randomisé contrôlé, que des activités socialement stimulantes (n’impliquant pas d’entraînement cognitif spécifique) peuvent améliorer le fonctionnement cognitif de personnes âgées souffrant de solitude.

Il faut par ailleurs relever que d’autres études réalisées par les mêmes auteurs ont montré que leur intervention à base d’activités socialement stimulantes conduit aussi à des améliorations dans la santé et le bien-être des personnes âgées ainsi qu’à une réduction de la mortalité (Pitkala et al., 2009 ; Routasalo et al.. 2009). En outre, ce type d’intervention apparaît rentable en termes de coûts de la santé en Finlande.

Il est intéressant de noter qu’une amélioration suite à l’intervention s’observe encore après 12 mois dans la qualité de vie (auto-évaluée) en lien avec la santé, y compris la santé cognitive. Comme l’indiquent les auteurs, cetle amélioration durable est vraisemblablement liée au fait que les personnes ont eu de nouveaux amis suite à l’intervention et qu’elles ont continué à les rencontrer par la suite.

Cette étude n’est cependant pas sans limites. Tout d’abord, la taille des effets observés est petite à modérée et l’amélioration à l’ADAS-Cog n’a pas persisté après 6 mois. Cependant, il faut prendre en compte la durée assez courte de l’intervention, avec un nombre de séances assez limité. De plus, un nombre important de personnes présentaient un bon fonctionnement cognitif lors de la ligne de base, ce qui a conduit à limiter les possibilités d’amélioration du fonctionnement cognitif (en particulier avec l’utilisation d’un outil d’évaluation, l’ADAS-Cog, peu adapté à l’identification de changements cognitifs subtils). Des études ultérieures devraient être menées sur d’autres populations (notamment sur des échantillons avec des difficultés cognitives plus importantes), en adoptant des interventions de plus longue durée et en utilisant des outils d’évaluation du fonctionnement cognitif plus sensibles. Par ailleurs, l’intervention ayant un format flexible (ce qui est d’ailleurs une de ses qualités), il est difficile de déterminer comment les activités ont influé sur le fonctionnement cognitif. Des recherches futures devraient se pencher sur cette question, de nouveau en adoptant des outils d’évaluation plus différenciés et permettant notamment d’explorer, de façon sensible, divers aspects de la cognition.

En conclusion, les interventions de groupe à base d’activités socialement stimulantes semblent avoir des effets bénéfiques sur la santé, le fonctionnement cognitif et le bien-être des personnes âgées isolées. Une partie des activités de l’Association VIVA s’inscrit parfaitement dans cette perspective d’intervention.

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Groupe de lecture intergénérationnel, ©VIVA 2011

Pitkala, K. H., Blomqvist, L., Routasalo, P., Saarenheimo, M., Karvinen, E., Oikarinen, U., & Mantyranta, C. (2004). Leading groups of older people: description and evaluation of education of professionals. Educational Gerontology, 30, 821-834.

Pitkala, K. H., Routasalo, P., Kautiainen, H., & Tilvis, R.S. (2009). Effects of psychosocial group rehabilitation on health, use of health care services, and mortality of older persons suffering from loneliness: a randomized, controlled trial. The Journal of Gerontology A, Biological Sciences and Medical Sciences, 19, 654-663.

Pitkala, K. H., Routasalo, P., Kautiainen, H., Sintonen, H., & Tilvis, R.S. (2011). Effects of socially stimulating group intervention on lonely, older people’s cognition : A randomized, controlled trial. American Journal of Geriatric Psychiatry, 19, 654-663.

Savikko, N., Routasalo, P., Tilvis, S., & Pitkala, K.H. (2010). Psychosocial group rehabilitation for lonely older people : a description of intervention and participants’ feedback. International Journal of Older People Nursing, 5, 16-24. 

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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 05:43

S’affranchir d’une approche catégorielle, réductionniste et pathologisante du vieillissement cérébral/cognitif pour prendre en compte la multitude de facteurs (biologiques, psychologiques sociaux, culturels et environnementaux) qui en module l’évolution plus ou moins problématique tout au long de la vie, c’est à la fois changer de paradigme théorique, de méthodes de recherche ainsi que de pratiques cliniques et sociales.

En particulier, pour les psychologues clinicien(ne)s spécialisé(e)s en neuropsychologie et psychogérontologie, il s’agit de concevoir autrement leur activité d’évaluation et la manière avec laquelle ils/elles en font le compte-rendu, mais aussi d’envisager différemment leur activité d’intervention, en l’intégrant davantage dans la communauté et en la focalisant sur la personne dans son individualité et la complexité de son fonctionnement.

Au plan de l’évaluation psychologique, ce changement d’approche devrait conduire à l’élaboration d’une formulation de cas prenant en compte différents types de processus psychologiques (cognitifs, affectifs, motivationnels, relationnels) empiriquement fondés, qui tente de les intégrer dans une interprétation psychologique cohérente, tout en considérant le  rôle des facteurs sociaux, des événements de vie et des facteurs biologiques (voir notre chronique « Les symptômes dépressifs chez les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique »). Par ailleurs, plutôt que d’annoncer l’existence d’une « maladie » effrayante et implacable, la transmission des résultats de cette évaluation devrait plutôt mettre l’accent sur ce qui relie la personne aux autres, se focaliser sur les capacités préservées et  les multiples moyens qui peuvent être mis en œuvre pour optimiser son vieillissement et insister sur le fait que même avec un vieillissement cérébral/cognitif problématique, la personne peut garder une vitalité, une insertion sociale, un sens à son existence et un épanouissement personnel.

En ce qui concerne la prise en charge, il s’agirait de privilégier une approche individualisée, visant des buts concrets et spécifiques dans la vie quotidienne, et fondée sur différents types d’interventions : cette approche devrait donc être multiple, intégrée et mise en place au sein de la communauté (en première ligne). Ses objectifs seront d’optimiser la qualité de vie des personnes, de maintenir la confiance en soi, le sentiment d’efficacité et de contrôle de son existence, d’améliorer les relations familiales et de permettre l’intégration dans la communauté, en y trouvant des buts et un rôle social valorisants 

Dans une chronique précédente (« Quand une absence d’effet bénéfique d’un plan de soin destiné à des personnes ayant reçu le diagnostic de soi-disant « maladie d’Alzheimer n’étonne pas… »), nous avons rapporté les résultats d’une étude (Nourhashemi et al., 2010) ayant montré que le plan français de Soin et d’Aide destiné aux personnes âgées ayant reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer » et administré via des Cliniques de la Mémoire spécialisées ne s’était pas avéré efficace. Selon nous, trois raisons principales permettent d’expliquer cette absence d’efficacité : 1. Ce plan s’inscrivait dans une démarche majoritairement pathologisante et focalisée sur les déficits ; 2. Il ne comportait aucune proposition d’intervention spécifique et individualisée visant à optimiser le fonctionnement cognitif et socio-émotionnel dans la vie quotidienne des personnes présentant un vieillissement problématique, au-delà de conseils et principes généraux, souvent assez vagues, concernant les troubles du comportement ; 3. Les conseils étaient essentiellement transmis verbalement, éventuellement par écrit, et donc sans accompagnement régulier au quotidien

Dans une chronique ultérieure (« Une autre façon d’organiser les cliniques de la mémoire »), nous avons mis en question la pertinence des Cliniques de la Mémoire spécialisées, souvent établies dans un contexte hospitalier, et avons suggéré qu’il faudrait plutôt offrir aux personnes âgées présentant un vieillissement cérébral problématique, ainsi qu’à leurs proches, des possibilités d’évaluation, de conseils, d’intervention et de suivi au sein même de leur milieu de vie, c’est-à-dire dans des structures de soins primaires.

Face à l’inadéquation des structures et démarches actuelles d’évaluation et d’intervention, certains psychologues spécialisés en neuropsychologie et psychogérontologie ont initié des changements dans leurs pratiques cliniques. Ainsi, lors de la 1ère Journée Francophone de Psychogérontologie, organisée à Paris (le 28 mai 2011) par la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie, plusieurs exposés ont décrit ces pratiques différentes, et en particulier les exposés proposés par Jérôme Erkes (Psychologue spécialisé en neuropsychologie, Centre Antonin Balmès, Service de Gérontologie Clinique, CHU Montpellier) et Virginie Mattio (Psychologue spécialisée en neuropsychologie, CORIDYS VAR – Var Guidance Domicile, La Seyne sur Mer).


Changer les pratiques d’évaluation neuropsychologique en consultation mémoire

Dans son exposé (« Restituer le bilan neuropsychologique au patient et à l’aidant : une approche collaborative et centrée sur la personne »), Jérôme Erkes montre comment il est possible, dès à présent, de modifier certaines pratiques dans le contexte classique d’une consultation mémoire. Il part du constat selon lequel le nombre de consultations mémoire a considérablement augmenté en France, passant de 200 en 2003 à plus de 500 actuellement. Par ailleurs, il indique en quoi ces consultations adoptent en majorité une approche médicale, centrée sur le diagnostic et la mise en place d’un traitement pharmacologique. Une moitié environ de ces consultations proposent néanmoins un accompagnement aux personnes âgées ayant reçu un diagnostic de « démence » et à leurs proches, et ceci essentiellement dans le cadre d’hôpitaux de jour.

Ensuite, il décrit la démarche dominante de la consultation dans ce type de structure et la place qu’occupe l’évaluation neuropsychologique : demande d’examen neuropsychologique par le médecin en vue d’un diagnostic, évaluation neuropsychologique visant à rechercher des déficits cognitifs spécifiques évoquant une « pathologie neurodégénérative », transmission d’un compte-rendu au médecin demandeur, lequel transmet les résultats à la personne âgée et à ses proches (résultats normaux ou annonce d’un diagnostic). Dans ce contexte, l’évaluation est subie passivement par la personne, elle constitue fréquemment une situation anxiogène et ses apports et bénéfices sont minces : très souvent, la personne âgée et ses proches se retrouvent livrés à eux-mêmes et en souffrance psychologique, manquant d’informations - autres que médicales - pour faire face aux difficultés particulières qu’ils rencontrent au quotidien et soumis à la stigmatisation nourrie par l’évaluation neuropsychologique qui a « objectivé l’existence d’ un état pathologique ».

Sur la base de ces constats, Jérôme Erkes montre en quoi est venue l’idée de mettre en place une consultation de feedback, menée par les psychologues eux-mêmes. Une telle consultation correspond d’ailleurs à ce qu’impose le code de déontologie des psychologues et elle peut aider la personne âgée et ses proches à mieux comprendre les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne. Dans d’autres domaines de la pratique clinique en psychologie (états psychopathologiques, traumatismes crâniens), il a été montré que ces consultations de feedback avaient un impact positif sur l’adhérence au traitement et à la prise en charge et étaient très appréciées des personnes.

De façon plus spécifique, ces consultations de feedback organisées au sein de la consultation mémoire dans laquelle travaille Jérôme Erkes abordent les points suivants : la validité et l’apport réel de l’étiquette diagnostique, dans le but de modifier la vision et les représentations habituelles de la « maladie » (les stéréotypes négatifs) ; descriptions des résultats en termes de forces et de faiblesses (en commençant par les forces) ; présentation accessible des tests, des processus sous-jacents et des performances obtenues (en impliquant au maximum la personne dans ce compte-rendu) ; mise en relation des performances aux tests avec des situations de la vie quotidienne ; évocation des aspects émotionnels et de leur impact sur le fonctionnement cognitif ; discussion concernant des difficultés quotidiennes non évoquées précédemment.

A partir de ce compte-rendu de l’évaluation neuropsychologique, une réflexion est menée avec la personne âgée et le proche aidant sur les adaptations et interventions qui pourraient être utiles compte tenu « des forces et des faiblesses », et la personne âgée et/ou le proche aidant peuvent ensuite être orientés vers une prise en charge ou un travail complémentaire. Dans certains cas, ce travail complémentaire s’effectue au sein même de la consultation mémoire, essentiellement via un travail avec le proche aidant (formation et entraînement à l’utilisation de stratégies visant à diminuer l’impact des troubles, accompagnement de la mise en place d’aides externes, psychoéducation sur les stratégies de « coping »), sur la base d’une à cinq séances (Jérôme Erkes indique néanmoins que ce suivi auprès des aidants n’est pas encore complètement structuré).

 

Intégrer les interventions psychosociales au sein de la communauté

Dans son exposé (« L'accompagnement au domicile dans les actes de la vie quotidienne: vers une inclusion des sujets dans la société »), Virginie Mattio a d’abord indiqué en quoi, ayant exercé en consultation mémoire et en accueil de jour pour (soi-disant) malades d’Alzheimer, elle a été confrontée à des pratiques professionnelles qui ne lui semblaient pas respecter certains principes éthiques et déontologiques de la profession de psychologue, notamment le peu de réponses apportées aux difficultés rencontrées par les personnes âgées présentant des troubles cognitifs (et par leurs proches) et vivant à domicile.

Dans ce contexte, Virginie Mattio a travaillé, avec son collègue Damien Sernis, à la création d’un service innovant en matière d’accompagnement de personnes âgées présentant des troubles cognitifs. Après un bref rappel du contexte actuel quant à la perte d’autonomie après 60 ans en France et des principes généraux (droits de l’homme et du citoyen, principes éthiques et code de déontologie des psychologues) qui les ont animés, Virginie Mattio a décrit la démarche qu’ils ont adoptée pour faire reconnaître les interventions des psychologues au domicile des personnes.

Tout d’abord, Ils sont partis de la circulaire (ANSP/DGEFP/DGAS no 1-2007 du 15 MAI 2007) donnant en France agrément aux organismes de services à la personne (notamment les chapitres : « 4.1.9 : aide aux personnes âgées » et « 4.1.10: aide aux personnes handicapées »), circulaire qui décrit les services à la personne comme suit :

« Cette activité recouvre :

* l’accompagnement et l’aide aux personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne (…) ; dans ce cadre peuvent être, notamment, intégrées les prestations de vigilance, visites physiques de convivialité permettant de détecter des signes ou comportements inhabituels des personnes ; cette prestation est effectuée en lien avec l’entourage et/ou les services compétents ;

* l’accompagnement et l’aide aux personnes dans les activités de la vie sociale et relationnelle (accompagnement dans les activités domestiques, de loisirs, et de la vie sociale, soutien des relations sociales...) à domicile ou à partir du domicile ; font notamment partie de cette activité les prestations d’animation culturelles et artistiques pour des personnes gravement malades ou en fin de vie maintenues au domicile

* le soutien des activités intellectuelles, sensorielles et motrices ; dans ce cadre, peuvent être, notamment, agréées les activités comprenant des interventions au domicile de personnes en perte d’autonomie, afin de les aider à adapter leurs gestes et modes de vie à leurs capacités d’autonomie dans leur environnement, tout en permettant, dans le même temps, d’optimiser l’accompagnement des aidants eux-mêmes. »

Sur cette base, ils ont proposé aux institutions concernées (Directions Départementales du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle et Conseil Général du Var) la création d’un service à domicile, en leur précisant qu’ils souhaitaient intervenir uniquement auprès de personnes présentant des troubles cognitifs, ayant constaté un certain manque de spécialisation des professionnels intervenant auprès de ces personnes. Ils ont précisé que les encadrants de ce service seraient des psychologues spécialisés en neuropsychologie.

Dans un premier temps, cette demande n’a pas été acceptée, avec plus précisément un refus d’agréer des actes de psychologie normalement non remboursés. Ceci a nécessité une reformulation des objectifs en des termes acceptables par les instances officielles : ainsi, les « bilans neuropsychologiques » ont-ils été modifiés en  « évaluations des besoins » ; la « remédiation ou stimulation cognitive » a été remplacée par « soutien des activités intellectuelles, de la vie sociale et relationnelle » ; l’« ergonomie cognitive » a été changée en « aider ou effectuer l'aménagement de l'espace dans un but de confort et sécurité » ; et « suivi, guidance des proches » a pris la forme de « optimiser l’accompagnement des proches ».

Cette approche s’inscrit parfaitement dans l’idée selon laquelle la fonction des psychologues ne se limite pas à la réalisation d’une évaluation des fonctions cognitives au moyen de tests standardisés, mais qu’ils ont également à explorer le retentissement des déficits observés sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce en prenant en compte divers facteurs (capacités préservées, contexte de vie, personnalité, réponses émotionnelles, etc.). Comme l’indique Virginie Mattio, c’est seulement ainsi que les psychologues pourront proposer des interventions individualisées et centrées sur les difficultés dans la vie quotidienne, incluant aussi l’aménagement de l’environnement de vie,  la mise en place d’aides externes, l’information, les conseils et l’aide aux proches aidants et aux autres intervenants ainsi que la modification du regard que la société porte sur les personnes âgées, en particulier celles présentant un vieillissement cognitif problématique. Virginie Mattio ajoute qu’il s’agit aussi de favoriser la circulation de ces personnes et le maintien des interactions sociales et du lien avec l’extérieur, tout en alliant protection et liberté de se déplacer et en réfléchissant (avec toutes les personnes impliquées, y compris la personne âgée elle-même) aux problèmes éthiques soulevés par les différentes options technologiques de sécurisation.

L’exposé de Virgine Mattio s’est terminé par une illustration de leur démarche d’accompagnement dans la vie quotidienne chez une personne âgée, dans différents domaines et en prenant en compte ses forces et faiblesses cognitives spécifiques :

* l’indépendance pour les actes de la vie courante : p. ex., diverses adaptations permettant à la personne de conserver l’utilisation d’un téléphone portable  (simplifier le clavier avec masquage de certaines touches, automatiser au maximum les procédures et écrire directement les prénoms des personnes à appeler, téléphone à clapet pour faciliter les opérations de décrocher et raccrocher, téléphone sur lequel il existe une fonction « raccourci clavier » permettant de pré-enregistrer un numéro de téléphone et de le faire correspondre à une seule touche) ;

* l’occupation et les loisirs : p. ex., favoriser la réalisation des activités de dessin, via des techniques d’amorçage (comme laisser le matériel à vue, dans la pièce à vivre, près de la table où s’installe généralement la personne) ; ne proposer que des couleurs vives, la personne ayant tendance à abandonner son dessin lorsque les couleurs sont trop ternes ;

* l’intégration sociale et le rôle social : p. ex., impliquer la personne dans l’achat et la préparation de cadeaux de Noël, ce qui a amené une valorisation de soi, un plaisir d’offrir et le maintien du statut de mère et de grand-mère.


Conclusions

Ces exemples sont encourageants et montrent qu’un changement de pratiques est possible chez les psychologues clinicien(ne)s travaillant auprès de personnes âgées qui présentent des troubles cognitifs. Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment, le temps nous paraît venu pour que les psychologues francophones spécialisé(e)s en neuropsychologie et psychogérontologie se réunissent et proposent des recommandations concernant les pratiques d’évaluation et d’intervention dans ce domaine. Il s’agirait d’inscrire ces recommandations dans le cadre d’une réflexion plus large sur la prise en charge globale et individualisée des personnes âgées présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique et sur le développement de structures d’évaluation, de conseils, d’interventions et de suivi insérées dans le milieu de vie des personnes.

 

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Un exemple d'aide-externe destinée à favoriser l'autonomie

au quotidien. Ici, un MEM-X, qui délivre à des heures préci-

ses  des messages ou instructions enregistrés par un proche.

Une revalidation cognitive permet d'optimiser son utilisation.

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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 09:33

Nous avons régulièrement indiqué en quoi il s’agissait d’aborder les problèmes psychologiques et comportementaux des personnes âgées dans une perspective multifactorielle, en évitant de les interpréter de façon uniquement neurobiologique et pathologisante (voir nos chroniques «Pour une approche multifactorielle et en continuum des problèmes psychoaffectifs et comportementaux chez les personnes âgées » et « La motivation durant le milieu de la vie influence l’apathie et la dépression chez les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique »). Un article récent de Cohen-Mansfield et al. (2011), consacré aux idées délirantes dans la « démence », apporte de nouveaux éléments en faveur d’une telle approche.

Selon le DSM-IV, les idées délirantes constituent des croyances et convictions erronées, basées sur des inférences incorrectes concernant des éléments de la réalité externe, et qui  sont fermement maintenues en dépit des preuves évidentes de leur irréalité. Les idées délirantes peuvent concerner par exemple le vol, l’abandon, le danger, l’identification erronée de quelqu’un ou d’un endroit, l’infidélité ou le fait que le bâtiment dans laquelle la personne vit ne représente pas son domicile.

Les recherches antérieures ont essentiellement visé à décrire la prévalence des idées délirantes et leurs différents types, ainsi qu’à les mettre en lien avec des variables démographiques et médicales. En fait, la plupart de ces études se sont inscrites dans une conception neurobiologique et ont négligé l’exploration des facteurs environnementaux et psychosociaux impliqués dans la survenue des idées délirantes. C’est précisément ce à quoi se sont attelés Cohen-Mansfield et ses collaborateurs.

Les participants étaient 74 personnes âgées de plus de 65 ans, ayant reçu le diagnostic de « démence » et résidant dans 9 structures d’hébergement à long terme depuis au moins 2 mois (en Israël). Ils ne devaient pas souffrir d’une maladie aigüe ou mal stabilisée et devaient disposer d’un niveau minimal de communication verbale.

Les personnes ont été soumises à une évaluation portant sur les domaines suivants : présence et gravité des idées délirantes (BEHAVE-AD ; Neuropsychiatric Inventory : Nursing Home version) ; analyse fonctionnelle des idées délirantes (type, contenu, fréquence, contexte d’apparition : facteurs explorés sous la forme de questions ouvertes posées aux soignants) ; statut fonctionnel (Activities of Daily Living Questionnaire) ; fonctionnement cognitif global (MMSE); présence d’un événement traumatique antérieur (via un entretien avec les proches aidants et les soignants ; présence d’événements tels qu’une attaque terroriste, l’holocauste durant la Deuxième Guerre mondiale, un abus sexuel, un accident de voiture, etc.).

Les données ont fait l’objet d’une analyse qualitative concernant les thèmes des idées délirantes (avec double codage et analyse des désaccords) et quantitative (comparaison des personnes avec et sans idées délirantes et des différents sous-types d’idées délirantes sur différentes variables). L’objectif spécifique de cette étude était de déterminer la signification des idées délirantes pour les personnes qui les manifestaient, et ce via les données obtenues auprès des soignants.

Les résultats ont montré que la prévalence des idées délirantes était de 46% et que les participants qui en présentaient avaient significativement plus de difficultés à réaliser les activités de la vie quotidienne et avaient une plus mauvaise vision et audition.

Par ailleurs, l’analyse qualitative a mis en évidence plusieurs thèmes à travers les différents types de phénomènes regroupés sous le terme d’ « idées délirantes » :

* Le lien avec la réalité : à certains moments, les productions considérées comme des « idées délirantes » sont en lien avec la situation réelle, en tout cas du point de vue de la personne et souvent aussi du point de vue de l’informateur (du soignant ou du proche). Cela a notamment été observé chez des personnes « démentes » ayant un niveau cognitif plus élevé, ayant été assez récemment admises dans la structure d’hébergement, et qui affirmaient que cette structure n’était pas leur domicile. C’est aussi le cas des participants se plaignant qu’on avait volé leurs effets personnels, lesquels avaient effectivement été pris par d’autres personnes. Un autre exemple concerne une participante qui avait été placée dans la structure d’hébergement par son conjoint et qui se sentait abandonnée. Une autre situation avait trait à l’existence d’éléments suggérant que le conjoint avait été infidèle dans le passé.

* La désorientation : certaines croyances étiquetées comme « délirantes » sont simplement une manifestation de la désorientation dans le temps et dans l’espace. C’est particulièrement le cas de l’identification erronée d’une personne ou d’un lieu, laquelle est souvent la conséquence de la combinaison d’une désorientation et d’une confabulation visant à combler cette désorientation (en utilisant l’information la plus aisément disponible). Ainsi, la personne qui ne reconnaît pas la structure d’hébergement dans laquelle elle vit va supposer qu’elle est à la maison et que les personnes autour d’elle sont ses proches. Elle va également être surprise de rencontrer des personnes inconnues (les membres du personnel). La personne ne réalise donc pas qu’elle n’est pas dans son habitation antérieure, mais elle est perturbée par les discordances qu’elle perçoit entre son domicile précédent et l’expérience qu’elle vit. Dans un autre cas de figure, la personne réalise que la structure d’hébergement n’est pas son domicile antérieur et souhaite retourner dans ce qu’elle considère être son domicile réel. Par ailleurs, les croyances de vol sont souvent déterminées par le fait que les personnes sont incapables de retrouver leurs effets personnels, un problème lié en partie à la désorientation. Enfin, la désorientation peut aussi faire apparaître la structure d’hébergement comme un endroit dangereux, conduisant à ce qui sera nommé comme une « idée délirante » de danger.

* Revivre les événements passés : un grand nombre de symptômes désignés comme des « idées délirantes » sont reliés à des événements qui se sont produits dans le passé récent ou plus ancien. Ces événements peuvent avoir été traumatiques ou non et peuvent évoquer des émotions positives ou négatives. Certains participants parlent de ces événements, alors que d’autres les revivent, en agissant comme s’ils ne différenciaient pas le passé et le présent ; d’autres encore expriment une peur de revivre ces événements. Le type d’événement qui est revécu ou craint varie en fonction du type d’ « idée délirante ». Par exemple, dans la croyance selon laquelle la maison où la personne se trouve n’est pas son domicile, la reviviscence ou la peur peut renvoyer à un transfert forcé antérieur qui fut traumatique (notamment durant la Shoah de la Deuxième Guerre mondiale). Les croyances d’abandon et de danger sont en lien avec la reviviscence d’un traumatisme passé, alors que, dans les croyances non paranoïdes, l’événement revécu est un événement anxiogène mais pas nécessairement traumatique (par ex., chez une personne, l’idée « On doit se dépêcher, on doit partir, le train part dans 15 minutes ! » concernait une destination qui était toujours la ville dans laquelle la personne avait émigré).

*Solitude et insécurité : la croyance d’abandon est clairement reliée à la solitude et à l’insécurité.  Cependant, la croyance selon laquelle la maison dans laquelle la personne se trouve n’est pas son domicile peut aussi exprimer le besoin de chaleur et de sécurité qu’offre le domicile ou la proximité de la famille. De même, prendre le train pour rejoindre sa ville d’origine ou retrouver sa mère peut également refléter un sentiment de solitude. Cette solitude peut être particulièrement prononcée chez les personnes ressentant la structure d’hébergement comme non familière, et qui ressentent en outre un sentiment de détachement du fait de difficultés langagières et sensorielles. Des recherches devraient être menées afin d’examiner si les croyances du type « Je suis à la maison » conduisent réellement à réduire le sentiment de solitude ou si elles ont plutôt des aspects négatifs (comme, par ex., être perturbé(e) par le fait de ne pas trouver les personnes qui devraient être présentes dans son domicile).

* Ennui : certaines « idées délirantes » émergent en tant que réponses à l’ennui et à l’inactivité (un processus similaire aux confabulations). Quand la personne n’a aucun rôle et ne sait que faire, elle peut avoir recours à des rôles passés ou à d’autres rôles. Ce phénomène est le plus apparent quand les « idées délirantes » se produisent durant des périodes d’inactivité ou quand la personne est en recherche d’activités.

* Déclencheurs : les « idées délirantes » peuvent être déclenchées par des phénomènes environnementaux, tels que des personnes qui entrent ou sortent avec des sacs, des conversations avec des membres du personnel concernant le passé, l’incapacité à retrouver un objet, un nom familier entendu ou des informations à la télévision (par ex., le fait d’entendre que « de nombreuses personnes sont mortes l’hiver dernier » a suscité la croyance selon laquelle « beaucoup de personnes meurent ici durant l’hiver »).                

Comme l’indiquent Cohen-Mansfield et al., les phénomènes observés chez les personnes ayant reçu le diagnostic de « démence »  et regroupés sous l’étiquette d’ « idées délirantes » ne correspondent pas vraiment à la définition du DSM. En effet, beaucoup d’entre eux représentent des éléments de réalité et peuvent être modifiés (par ex., les croyances fréquentes de vol peuvent changer immédiatement après la présentation de l’objet manquant). L’utilisation des termes « idées délirantes », « troubles psychotiques » ou encore « symptômes psychologiques et comportementaux de la démence » relègue le comportement et les croyances de la personne dans le domaine des phénomènes psychopathologiques graves et empêche de comprendre la signification que ces phénomènes ont pour la personne. Les auteurs indiquent néanmoins que des « idées délirantes vraies » peuvent exister chez les personnes avec « démence », mais que leur prévalence n’est à ce jour pas connue.

Cette étude comporte certaines limites, et en particulier l’adoption d’une exploration essentiellement qualitative sur un échantillon relativement restreint (avec, dès lors, peu de personnes par catégorie d’ « idées délirantes »), ce qui a conduit à établir des thèmes généraux à partir de la combinaison de quelques exemples. En outre, les personnes examinées résidaient toutes dans une structure d’hébergement à long terme et un grand nombre d’entre elles avaient subi des événements traumatiques importants, ce qui limite la généralisation des résultats observés. Une recherche à plus grande échelle devrait permettre de répliquer ces résultats préliminaires et d’approfondir les analyses.

Néanmoins, il s’agit de la première étude ayant examiné de façon systématique le contenu des « idées délirantes » dans le but de mieux comprendre leur signification du point de vue des personnes « démentes » elles-mêmes. Identifier les thèmes sous-tendant ces phénomènes, et donc leur signification, devrait permettre de mieux les tolérer mais aussi mettre en place des interventions non pharmacologiques individualisées destinées à les prévenir (Cohen-Mansfield, 2003). Cela passe par l’élaboration d’outils d’évaluation permettant de déterminer ces thèmes et significations, mais aussi d’identifier ce qui déclenche ces phénomènes et quelles sont leurs conséquences sur la personne elle-même et sur son entourage.

Nous reviendrons dans une prochaine chronique sur l’efficacité d’interventions non pharmacologiques individualisées focalisées sur les difficultés psychologiques et comportementales des personnes présentant une « démence ».  

 

4016087 s      

Cohen-Mansfield, J. (2003). Nonpharmacological interventions for psychotic symptoms in dementia. Journal of Geriatric Psychiatry and Neurology, 16, 219-224.

Cohen-Mansfield, J., Golander, H., Ben-Israel, J., & Garfinkel, D. (2011). The meanings of delusions in dementia: A preliminary study. Psychiatry Research, sous presse.

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5 juin 2011 7 05 /06 /juin /2011 16:41

la nécessité de développer des interventions non-pharmacologiques et individualisées

La présence d’une dépression ou de symptômes dépressifs est fréquente chez les personnes présentant un vieillissement cérébral / cognitif problématique (une « démence » ; voir Lyketsos et al., 2002). Par ailleurs, outre la souffrance psychologique, le risque de suicide et la mortalité, la dépression et les symptômes dépressifs accroissent également les troubles fonctionnels chez les personnes ayant reçu le diagnostic de « démence » (Arrighi, McLaughlin & Leibman, 2010).

Les antidépresseurs constituent le traitement qui est le plus couramment administré aux personnes présentant une « démence » et une dépression (voir notre rubrique « Une consommation élevée de médicaments dans les structures d’hébergement et de soin à long terme pour personnes âgées en Belgique »). Et pourtant, comme viennent de le montrer Nelson et Devanand (2011), il n’existe pas actuellement de données qui confirment l’efficacité des antidépresseurs chez ces personnes.

Nelson et Devanand ont entrepris une revue systématique et une méta-analyse des études ayant examiné l’efficacité des antidépresseurs chez les personnes avec « démence » et dépression. Sur base de leurs différents critères, ils ont retenu 7 essais thérapeutiques incluant en tout 330 participants. Leur conclusion est claire : les données actuelles ne permettent pas de confirmer l’efficacité des antidépresseurs dans cette population. Globalement, aucun essai n’avait une puissance statistique suffisante et plusieurs facteurs possiblement confondants étaient présents (comorbidité, différences méthodologiques entre les études concernant notamment le type de dépression examiné, la méthode utilisée pour évaluer l’effet du médicament, la durée de l’essai, le type d’antidépresseur testé).

En l’absence de données convaincantes, on pourrait faire l’hypothèse que les personnes avec « démence » et dépression réagissent aux antidépresseurs comme les personnes sans « démence ». Or, plusieurs revues systématiques (menées auprès de personnes d’âges variés, sans « démence ») ont montré que les antidépresseurs conduisaient à des effets bénéfiques minimes voire inexistants,  en comparaison à un placebo, et ce chez les personnes présentant des symptômes dépressifs légers ou modérés (Kirsch et al., 2008 ; Fournier et al., 2010 ; voir également notre chronique « L’efficacité des antidépresseurs : un autre mythe à démonter ! »). Les antidépresseurs pourraient cependant être davantage efficaces dans les dépressions très sévères (Fournier et al., 2010 ; voir cependant Kirsch et al., 2008, pour qui cette relative efficacité dans la dépression très sévère serait liée, non pas à une réponse accrue au médicament, mais plutôt à une réponse diminuée au placebo). Il faut enfin relever que la consommation à long terme d’antidépresseurs peut mener à des effets indésirables tels que des saignements gastro-intestinaux, des chutes et une déminéralisation des os, conduisant à un risque accru de fractures (Lenze, 2011).

L’ensemble de ces données montrent bien en quoi il est indispensable de développer des interventions non pharmacologiques (psychologiques et sociales) pour les symptômes dépressifs manifestés par les personnes « démentes ». Selon nous, ces interventions doivent être taillées sur mesure en fonction des caractéristiques spécifiques de la personne et de son environnement : il s’agit donc d’une approche individualisée, à plusieurs facettes d’interventions complémentaires, focalisée sur différents facteurs (voir notre chronique « Quelles interventions psychologiques dans le vieillissement cérébral / cognitif problématique ? »).

En ce qui concerne plus spécifiquement les facteurs psychologiques, cette approche plurielle et intégrée de l’intervention s’éloigne des approches traditionnelles en psychothérapie qui se fondent sur des courants (interpersonnel, systémique, comportemental,  cognitivo-comportemental, non directif, psychodynamique, etc.) privilégiant des modes d’action relativement spécifiques. En fait, différentes études ont montré qu’il n’existait pas de différences majeures dans l’efficacité de ces différentes psychothérapies et que leur efficacité était au mieux légère à modérée (voir, par ex., Cuijpers et al., 2008, pour l’efficacité dans la dépression légère et modérée des interventions  interpersonnelle, psychodynamique, résolution de problèmes, apprentissage d’habiletés sociale, cognitivo-comportementale, activation comportementale et non directive). Selon nous, ce constat résulte du fait que les interventions traditionnelles ne sont pas adaptées aux problèmes spécifiques de chaque personne et ne prennent pas réellement en compte l’hétérogénéité et le caractère plurifactoriel de leurs difficultés. Dans cette perspective, l’efficacité limitée et relativement équivalente des différents type de psychothérapies renverrait à la fois à ce qu’elles ont en commun (des mécanismes généraux de changement liés au fait que la personne peut envisager de nouvelles perspectives, est écoutée et comprise, se confronte à la situation, etc.) et au fait que chaque psychothérapie est partiellement efficace, mais pour des raisons différentes, n’abordant ainsi qu’une partie des facteurs impliqués dans les difficultés psychologiques d’une personne. Il faut en outre relever que les interventions psychologiques classiquement utilisées chez des personnes « non démentes » ne seront pas nécessairement adaptées à des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique.

On doit aussi s’interroger sur le statut actuel des symptômes dépressifs, qui sont de plus en plus souvent attribués à un état pathologique (ou à une maladie étiquetée « dépression ») : il s’agit là d’un autre exemple de médicalisation du fonctionnement psychologique. Or, dans la majorité des cas, les manifestations dépressives et la souffrance psychologique qui y est associée constituent une réaction normale (pouvant parfois être intense) à des situations personnelles et sociales difficiles. Ce point est brillamment abordé par Allan Horwitz et Jerome Wakefield, deux professeurs états-uniens renommés, dans un livre intitulé  « The loss of sadness : How psychiatry transformed normal sorrow into depressive disorder », Ed. Oxford Press, 2007, dont une traduction en langue française existe aux éditions Mardaga (2010) sous le titre « Tristesse ou dépression ? Comment la psychiatrie a médicalisé nos tristesses» . Il s’ensuit qu’il est essentiel de prendre en compte l’ensemble des nombreux facteurs sociaux et environnementaux qui peuvent mener une personne âgée à manifester tristesse, perte d’intérêt et de motivation, souffrance psychologique, perte d’estime de soi, etc.

Au plan de l’évaluation, cette conception conduit à l’adoption d’une démarche d’évaluation clinique qui favorise la formulation d’une interprétation clinique individuelle (une formulation de cas), prenant en compte différents types de processus psychologiques (cognitifs, affectifs, motivationnels, relationnels) empiriquement fondés, et qui tente de les intégrer dans une interprétation psychologique cohérente, conduisant aussi à l’identification du rôle des facteurs sociaux, des événements de vie et des éventuels facteurs biologiques.

Cette démarche d’évaluation et d’intervention s’inscrit dans le contexte d’un modèle psychologique des difficultés psychologiques (le modèle des processus psychologiques médiateurs ; Kinderman, 2005), qui considère que les dysfonctionnements psychologiques constituent la voie commune finale vers le développement des troubles mentaux. Plus spécifiquement, selon ce modèle, les facteurs biologiques, les facteurs sociaux et les événements de vie peuvent conduire à des difficultés psychologiques via leurs effets conjoints sur différents processus psychologiques. En d’autres termes, les processus psychologiques sont conçus comme des médiateurs de la relation entre, d’une part, les facteurs biologiques, les facteurs sociaux et les événements de vie et, d’autre part, les troubles psychologiques (voir Van der Linden & Billieux, 2011). 

Cette approche vise à assumer la complexité des phénomènes et à contrecarrer la conception actuellement dominante qui tend à attribuer une position privilégiée aux facteurs neurobiologiques, en considérant les facteurs sociaux et psychologiques comme de simples modérateurs du rôle causal direct des processus neurobiologiques. Elle vise également à s’affranchir des catégories diagnostiques réductrices et arbitraires issues des systèmes de classification tels que le DSM. Ainsi, par exemple, la démarche diagnostique catégorielle (de type DSM) cherchera à distinguer la prétendue « maladie dépressive » de la prétendue « maladie d’Alzheimer » et de la prétendue et nouvellement élaborée « maladie de l’apathie » (voir Mulin et al., 2011). Ce faisant, elle établit des frontières arbitraires entre le « normal » et le « pathologique » (voir notre chronique « Pour une approche multifactorielle et en continuum des problèmes psychoaffectifs et comportementaux chez les personnes âgées ») et elle conduit à réduire l’extrême complexité et l’hétérogénéité des facteurs en jeu dans les diverses manifestations que recouvrent ces catégories de « maladie d’Alzheimer », de « dépression » et d’ «apathie ». L’approche que nous défendons est néanmoins confrontée à un défi considérable, à savoir celui de déterminer un ensemble de dimensions psychologiques homogènes et empiriquement fondées et élaborer des outils permettant de les évaluer  (dans leurs composantes plus ou moins conscientes). Il s’agira aussi d’élaborer des méthodes d’évaluation qui prennent en compte les difficultés cognitives des personnes des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique.

De façon plus générale, la question se pose dans les mêmes termes pour d’autres manifestations psychoaffectives et comportementales de la « démence », telles que l’irritabilité, les distorsions de la réalité  (hallucinations, idées délirantes), la déambulation, l’agitation, l’anxiété, etc. (voir notre chronique « Pour une approche multifactorielle et en continuum des problèmes psychoaffectifs et comportementaux chez les personnes âgées).

Dans un travail récent commandité par le « Department of Veterans Affairs » (Veterans Health Administration, Washington), une revue systématique a été effectuée concernant l’efficacité de différentes interventions non-pharmacologiques pour les troubles comportementaux et psychoaffectifs dans la « démence » http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK54971/pdf/TOC.pdf. Ont ainsi été examinées une série de techniques d’intervention, dont notamment la thérapie de réminiscence, la thérapie de validation, la thérapie par la musique, la stimulation multisensorielle « snoezelen », les techniques comportementales, etc. Le constat est également clair : il n’existe pas actuellement de données solides confirmant l’efficacité de ces différentes techniques et le plus souvent les résultats rapportés sont peu consistants. Au-delà des problèmes méthodologiques observés dans un grand nombre d’études ayant exploré l’efficacité de l’une ou l’autre de ces techniques d’intervention, ainsi que du manque de soubassement théorique de beaucoup d’entre elles, il y a selon nous un problème plus fondamental qui est à la base de ces résultats peu convaincants. Nous pensons en effet  que les programmes d’intervention « clé sur porte » (appliqués tels quels à toutes les personnes) ne sont pas à même de répondre au caractère multifactoriel et hétérogène des difficultés des personnes avec une « démence ». Il s’ensuit donc que les interventions visant à aborder les problèmes comportementaux et psychoaffectifs des personnes « démentes » devraient plutôt  privilégier une approche individualisée et flexible, taillée sur mesure en fonctions des caractéristiques spécifiques de chaque personne.

Malheureusement, il existe encore fort peu recherches ayant adopté ce type de démarche individualisée et il apparaît essentiel d’encourager et de financer des études dans cette direction. Il faut relever que l’évaluation de l’efficacité d’interventions psychologiques taillées sur mesure en fonction des difficultés d’une personne nécessite la mise en place de méthodes permettant d’évaluer l’efficacité d’interventions dont le contenu peut différer d’une personne à l’autre (des méthodes clinométriques et en cas unique ; voir notre chronique « L’efficacité clinique de la revalidation cognitive individualisée chez des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique »).

 

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©123rf

Arrighi, H.M., McLaughlin, T., & Leibman, C. (2010). Prevalence and impact of dementia-related functional limitations in the United States, 2001 to 2005. Alzheimer’s Disease and Associated Disorders, 24, 72-78.

Cuijpers, P., van Straten, A., Andersson, G., & van Oppen, P. (2008). Psychotherapy for depression in adults: A meta-analysis of comparative outcome studies. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 76, 909-922.

Fournier, J.C., DeRubeis, R.J., Hollon, S.D., Dimidjan, S., Amsterdam, J.D., Shelton, R.C., & Fawcett, J. (2010). Antidepressant drug effects and depression severity. A patient-level meta-analysis. Journal of the American Medical Association, 6, 47-53.

Kinderman, P. (2005). A psychological model of mental disorder. Harvard Review of Psychiatry, 13, 206-217.

Kirsch, I., Deacon, B.J., Huedo-Medina, T.B., Scoboria, A., Moore, T.J., & Johnson, B.T. (2008). Initial severity and antidepressant benefits: A meta-analysis of data submitted to the Food and Drug Administration. PloS Medicine, 5, e45. 

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Lyketsos, C.G., Lopez, O., Jones, B., Fitzpatrick, A.L., Breitner, J., & DeKosky, S. (2002). Prevalence of neuropsychiatric symptoms in dementia and mild cognitive impairment. Results from the cardiovascular health study. Journal of the American Medical Association, 288, 1475-1483.

Mulin, E., Leone, E., Dujardin, K., Delliaux, M., Leentjens, A., Nobili, F., Dessi, B. et al. (2011). Diagnostic criteria for apathy in clinical practice. International Journal of Geriatric Psychiatry, 26, 158-165.

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Van der Linden, M., & Billieux, J., (2011). Pour une approche multiple, intégrée et empiriquement fondée de l’intervention psychologique: la contribution de la psychopathologie cognitive. In J. Monzée (Ed.), Neurosciences et psychothérapie. Montréal : Liber, sous presse.

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 20:45

sur les capacités cognitives, physiques et fonctionnelles de personnes avec une « maladie d’Alzheimer » : une étude randomisée contrôlée.

 

Plusieurs études épidémiologiques et d’intervention ont mis en évidence les effets positifs d’une activité physique sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées « non démentes » ainsi que sur la prévention du vieillissement cérébral/cognitif problématique (voir notamment nos chroniques « Apprendre à utiliser un ordinateur et pratiquer des exercices physiques : des interventions bénéfiques au fonctionnement cognitif des personnes âgées » ; « De nouvelles données appuyant l’intérêt de mesures de prévention du vieillissement cérébral/cognitif problématique, en lien avec le style de vie» ; « Les relations entre la marche et le fonctionnement cognitif chez les personnes âgées : Optimiser la marche et l’équilibre par une approche intergénérationnelle » ; « L’effet bénéfique d’une activité physique durant la cinquantaine sur le fonctionnement cognitif et la présence d’une démence évalués 26 ans après »).

 

Par ailleurs, il existe également des données suggérant que des exercices physiques peuvent améliorer le fonctionnement de personnes présentant déjà un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence »), et ce tant au plan cognitif (voir la méta-analyse de Heyn et al., 2004) que fonctionnel (Rolland et al., 2007).

 

Récemment, dans une étude randomisée contrôlée d’une durée de 4 mois, Vreugdenhil et al. (2011) ont évalué l’efficacité d’un programme d’exercices physiques, réalisé à domicile sous la supervision d’un proche aidant, pour l’amélioration du fonctionnement physique et cognitif ainsi que de l’indépendance de personnes ayant reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer ».


Quarante personnes (16 hommes et 24 femmes) ont participé à cette recherche (sur les 64 qui y avaient été invitées) : elles avaient un âge moyen de 74.1 ans (51-89) et un score moyen au MMSE de 22 (10-28). Ces personnes ont été aléatoirement allouées au groupe « exercices en plus du traitement habituel » et au groupe « traitement habituel ». Les personnes du groupe « traitement habituel » ont reçu le programme d’exercices physiques dès la fin de l’étude.

 

Le programme d’exercices physiques comportait 10 exercices simples (chacun avec 3 niveaux de difficulté), focalisés sur la force et l’équilibre des parties supérieures et inférieures du corps. La faisabilité du programme avait été préalablement testée sur 12 personnes présentant une « démence ». En plus des exercices, les personnes devaient également marcher d’un bon pas pendant 30 minutes. Il leur était demandé d’effectuer les exercices et la marche quotidiennement, autant que possible. Les personnes avec « démence » et les proches reçurent un entraînement au programme ainsi qu’un manuel contenant une description et une illustration des exercices ainsi que des consignes de sécurité. Durant les 4 mois, les personnes des deux groupes recevaient un appel téléphonique toutes les 2 semaines afin de contrôler leur bien-être et l’on interrogeait les personnes du groupe « exercices » sur leur progression dans le programme.

 

Tous les participants ont été évalués sur diverses mesures lors de la ligne de base et après 4 mois, par un évaluateur non informé de l’appartenance des personnes aux 2 groupes. Les évaluations ont porté sur le fonctionnement cognitif et physique, les activités de la vie quotidienne (ADL et IADL), la dépression et le changement dans le fonctionnement global, et ce via des échelles standardisées. Des mesures de la taille, du poids, du tour de taille et de hanche ont également été prises, à partir desquelles ont été calculés l’indice de masse corporelle et le rapport tour de taille/tour de hanche.

 

Le fonctionnement cognitif a été évalué par la sous-échelle cognitive (ADAS-Cog) de l’ « Alzheimer’s Disease Assessment Scale », ainsi que par le MMSE. En ce qui concerne le fonctionnement physique, l’équilibre (« Functional Reach Test »), la mobilité fonctionnelle (« Timed Up and Go Test ») et la force de la partie inférieure du corps (« Sit-to-Stand Test ») ont été évalués. Les activités de la vie quotidienne ont été évaluées par le « Barthel Index of Activities of Daily Living » et l’«Instrumental Activities of Daily Living Assessment ». De plus, la dépression a été évaluée par la version courte de la « Geriatric Depression Scale ». Le changement global de fonctionnement a été exploré au moyen du « Clinician’s Interview-Based Impression of Change plus Caregiver Input : CIBIC-plus » (une échelle à 7 niveaux évaluant le changement global). Enfin, le fardeau du proche a également été évalué, au moyen du « Zarit Burden Interview ».

 

Aucune différence significative entre les deux groupes n’a été observée, lors de la ligne de base, en ce qui concerne l’âge, les années de scolarité, le MMSE, le nombre d’heures de marche par semaine, l’indice de masse corporelle et le fardeau du proche aidant. Afin dévaluer le changement après 4 mois, une analyse avec modèle linéaire général a été réalisée pour tester la différence dans le changement individuel moyen entre la ligne de base et le suivi à 4 mois pour les différentes variables d’intérêt, et ce en contrôlant l’influence possible de l’âge, du genre, du nombre d’années d’études et le score lors de la ligne de base pour la variable considérée.

 

Les résultats montrent que le fonctionnement global des personnes du groupe « exercices » s’est significativement amélioré par rapport aux personnes du groupe « traitement habituel » (CIBIC-plus : groupe « exercices » = minimalement amélioré ; groupe « traitement habituel » = minimalement moins bon).

Par ailleurs, en comparaison au groupe « traitement habituel », le score du groupe « exercices » au MMSE a augmenté de 2.6 points (p = .001) et a diminué à l’ADAS-Cog de 7.1 points (p = .001, un score plus bas reflétant un meilleur fonctionnement cognitif).

Le fonctionnement physique s’est également amélioré dans le groupe « exercices » en comparaison au groupe « traitement habituel » : meilleur équilibre (« Functional Reach » accru de 4.2 cm, p = .032), meilleure mobilité (2.9 sec plus rapide au « Timed Up and Go », p = .004) ; force accrue de la partie inférieure du corps (2.7 changements assis-debout supplémentaires durant 10 secondes ; p < .001).

De même, le score des ADL a augmenté dans le groupe « exercices » (accroissement de 2.6 points, p = .047) ainsi que le score des IADL (accroissement de 1.6 points, p = .007). Il faut également relever une diminution du rapport tour de taille/ tour de hanche dans le groupe « exercices » (réduction de .03, p = .023). Il existait également une tendance (non significative) à l’amélioration de la dépression et du fardeau des proches.

 

Initialement, les proches aidants devaient être les « entraîneurs personnels » des personnes avec « démence », mais beaucoup d’entre eux ont rapporté que cela fonctionnait mieux quand ils effectuaient aussi eux-mêmes les exercices. Par ailleurs, les proches aidants ont décrit combien ils appréciaient de faire quelque chose de positif pour les personnes avec « démence », plutôt que de réaliser les tâches routinières de soins, souvent source de frictions et d’indices de déficits. En outre, même si cela n’a pas été formellement évalué et si une amélioration significative du fardeau n’a pas été observée, les proches aidants ont rapporté se sentir globalement mieux après les 4 mois d’exercices. Enfin, la marche régulière dans le voisinage a constitué pour les proches un aspect particulièrement apprécié, en leur fournissant l’opportunité de contacts sociaux, en plus des bénéfices liés à l’activité physique.

 

Certaines limites de cette étude doivent être mentionnées. En particulier, il n’est pas possible de déterminer si c’est le programme d’exercices physiques en tant que tel qui a été efficace ou si c’est aussi l’aspect social de l’intervention : des études ultérieures devraient inclure une intervention de contrôle avec une composante sociale comparable. De plus, il se pourrait que, comme les personnes avec une « démence » et les proches étaient informées qu’elles étaient dans un des deux groupes, avec ou sans exercices, il se pourrait que celles du groupe « exercices » aient développé une attente de progrès et celles de l’autre groupe une attente de déclin. Enfin, le programme a été administré pendant une durée assez courte et il serait dès lors intéressant de réaliser une étude sur une durée plus longue et d’examiner le maintien des bénéfices à plus ou moins long terme.

 

En conclusion, cette étude suggère que la participation à un programme d’exercices physiques, à domicile et sous la supervision d’un proche, peut améliorer le fonctionnement cognitif et physique ainsi que l’indépendance fonctionnelle des personnes ayant reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer ». Quand on connaît l’inefficacité globale des médicaments « anti-Alzheimer », il y a là une piste prometteuse d’intervention, pouvant aisément être mise en place dans la communauté.

 

training.jpg© Robert Kneschke - Fotolia.com

 

Heyn, P., Abreu, B.C., & Ottenbacher, K.J. (2004). The effects of exercise training on elderly persons with cognitive impairment and dementia: a meta-analysis. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 85, 1694-1704.

Rolland, Y., Pillard, F., Klapouszczak, A., Reynish, E., Thomas, D., Andrieu, S., Rivière, D., & Vellas, B. (2007). Exercise program for nursing home residents with Alzheimer’s disease: a 1-year randomized, controlled study. Journal of the American Geriatrics Society, 55, 159-165.

Vreugdenhil, A., Cannell, J., Davies, A., & Razay, G. (2011). A community-based exercise programme to improve functional ability in people with Alzheimer’s disease : a randomized controlled trial. Scandinavian Journal of Caring Sciences, sous presse (doi: 10.1111/j.1471-6712.2011.00895.x) 

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 17:02

Un nombre important d’études indiquent que des activités cognitives riches et stimulantes peuvent différer la survenue d’un vieillissement cérébral/cognitif problématique (voir nos chroniques « Un niveau plus élevé de scolarité ne suffit pas pour réduire le risque de démence: il doit s’associer à une activité cognitive enrichie plus tard dans la vie ! »,  « Les liens entre la fréquence des activités cognitives et la survenue ou l’évolution d’un vieillissement cognitif/cérébral problématique » et « Des activités de loisirs stimulantes sur le plan cognitif, une vie sociale active et des activités physiques ont un effet protecteur sur le fonctionnement cognitif évalué 20 ans plus tard »).

Cependant, on ne disposait pas, jusqu’à présent, de données concernant l’influence du maintien d’activités cognitivement stimulantes sur l’évolution de personnes ayant reçu un diagnostic de « démence ». Or, il se pourrait que ce maintien contribue, pour une part, aux variations importantes observées dans l’évolution des difficultés cognitives et fonctionnelles de ces personnes (voir nos chroniques « L’hétérogénéité des trajectoires cognitives chez les personnes âgées » et  « L'hétérogénéité de la soi-disant maladie d'Alzheimer : de nouvelles preuves »). C’est précisément cette question que Treiber et al. (2011) ont récemment explorée. 

Dans le contexte de la « Cache County Dementia Progression Study », Treiber et al. ont exploré l’association entre l’engagement dans des activités cognitivement stimulantes et le déclin fonctionnel de 187 personnes (dont 67% de femmes) ayant reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer » et de « démence mixte (« maladie d’Alzheimer » en co-occurence avec une « démence vasculaire » ou un autre type de « démence »). Ce diagnostic était établi selon une procédure en plusieurs étapes, incluant notamment un examen neurologique, un examen neuropsychologique et un entretien clinique, l’ensemble de ces informations étant ensuite examinées par un panel d’experts en neurologie, psychiatrie gériatrique et neuropsychologie afin de déterminer le diagnostic final, selon les critères classiques.

Les participants,  âgés de 84.6 ans lors de l’évaluation initiale (ligne de base), ont été suivis tous les 6 mois pendant une période moyenne de 2.7 années par une infirmière de recherche et un technicien en psychométrie. L’engagement des personnes dans des activités (lors de la ligne de base et des suivis) a été évalué en utilisant une adaptation du « Life-Style Activities Questionnaire » (Carlson et al., sous presse). Ce questionnaire énumère 31 activités associées à des exigences cognitives variées (p. ex., faire des mots croisés, lire, assister à des événements culturels, écouter de la musique...). La fréquence de ces activités était enregistrée via l’échelle suivante : 1 = jamais ou moins d’une fois par mois ; 2 = une fois par mois ; 3 = 2-3 fois par mois ; 4 = une fois par semaine ; 5 = quelques fois par semaine ; 6 = chaque jour. Les auteurs ont distingué les activités impliquant un traitement explicite ou une action basée sur le traitement d’informations nouvelles (p. ex., lire, faire des mots croisés, suivre un cours) et les activités cognitivement passives (regarder la télévision, écouter la radio ou de la musique). Des activités « intermédiaires » ont également été déterminées comme, par exemple, rendre visite à des amis ou à des proches, conduire ou utiliser les transports en commun ou cuisiner. Deux juges entraînés ont évalué chaque activité. L’accord inter-juges était de 84% et un autre juge expert (une neuropsychologue cognitiviste) a été consulté en cas de désaccord,  afin d’aboutir à un consensus. Du fait d’une corrélation modérée (lors de la ligne de base) entre les activités plus exigeantes et les activités intermédiaires (r = .46), ces deux catégories ont été réunies pour constituer une variable correspondant au nombre d’activités cognitivement stimulantes (leur nombre maximal étant de 24). Les activités cognitivement stimulantes effectuées au moins une fois par semaine ont été incluses dans les analyses.

D’autres indicateurs de réserve cognitive/cérébrale (une meilleure capacité à compenser ou optimiser la performance cognitive ou le fonctionnement quotidien en présence de changements neuropathologiques) ont été identifiés, à savoir le nombre d’années d’études, le type de profession et l’estimation du QI prémorbide.

La capacité cognitive globale a été évaluée via la MMSE. Quand un maximum de 10% des items (3 points ou moins) étaient invalidés du fait de problèmes sensoriels ou moteurs, un score ajusté était établi en ignorant ces items. Si plus de 10% des items n’étaient pas disponibles, le score était catégorisé comme manquant. La capacité fonctionnelle des personnes était mesurée via le CDR (Clinical Dementia Rating scale), lequel permet via un entretien semi-structuré de caractériser 6 domaines de performance cognitive ou fonctionnelle (mémoire, orientation, jugement, activités dans la communauté, loisirs et soins personnels). Le trouble fonctionnel a été établi en sommant les scores de chaque domaine, ce qui donne un score global allant de 0 à 30.

Par ailleurs, divers facteurs censés pouvoir influer sur le décours de la « démence » ont été évalués et pris comme co-variables : âge, genre, durée de la « démence » lors de l’entretien initial, génotype ApoE (allèles E4), état de santé générale (« General Medical Health Rating ») et  nombre d’heures d’activité physique par mois.

Les résultats montrent que, lors de l’évaluation initiale, 87% des participants étaient engagés dans au moins une activité cognitivement stimulante (moyenne : 4, ET : 3). Ce nombre a diminué à 2.4 (ET : 2) lors de la visite finale.

Par ailleurs, les analyses (modèles linéaires mixtes) indiquent que, en moyenne, l’engagement dans des activités cognitivement stimulantes est significativement associé à un déclin cognitif général plus lent. Ainsi, par exemple, après 2 ans et demi de suivi, les modèles prédisent que les personnes qui sont engagées dans 4 activités ou plus obtiennent un score plus élevé d’approximativement 4 points au MMSE que les personnes qui ne sont engagées dans aucune activité. Cette association entre activités stimulantes et déclin cognitif n’est cependant présente que chez les personnes dont la durée de la « démence » était plus courte lors de l’évaluation initiale (qui étaient à un stade plus précoce de « démence »). Il faut cependant relever que la diminution du nombre de participants tout au long du suivi (principalement du fait des décès) a possiblement contribué à réduire la puissance statistique de l’analyse des effets longitudinaux des activités stimulantes chez les personnes ayant le plus de problèmes cognitifs.

En ce qui concerne le déclin fonctionnel évalué par le CDR, les analyses montrent également qu’un nombre plus élevé d’activités cognitivement stimulantes est associé, en moyenne, à une meilleure performance fonctionnelle, mais cette fois uniquement chez les personnes ayant une durée de démence longue lors de l’évaluation initiale. Les auteurs suggèrent que cet effet spécifique pour les personnes avec une durée de « démence » plus longue pourrait être lié à la nature même du CDR, qui met davantage l’accent sur les activités routinières, lesquelles déclinent plus tardivement.

Ce travail ne constitue qu’un premier pas dans l’exploration des effets d’un engagement dans des activités stimulantes sur l’évolution du déclin cognitif et fonctionnel des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique. Il apporte néanmoins des données positives suggérant de mettre en œuvre d’autres recherches telles que :

* explorer plus directement l’effet bénéfique des activités cognitivement stimulantes sur le devenir des personnes « démentes » au moyen d’études d’intervention, randomisées contrôlées, et en utilisant des méthodes d’évaluation plus élaborées du fonctionnement cognitif et quotidien.

* examiner les effets différentiels de différents types d’activités selon leur caractère plus ou moins social, intergénérationnel et d’intégration dans la communauté (voir notre chronique «Un programme d’intervention participatif et communautaire destiné à des personnes présentant une démence légère et à leurs proches ») ou selon leur dimension d’engagement vers des buts utiles pour la communauté (voir notre chronique «Des buts dans la vie et une existence qui a un sens réduisent le risque de vieillissement problématique »)

* étudier l’effet d’activités spécifiquement élaborées pour des personnes présentant des problèmes cognitifs importants (comme p. ex., la méthode d’expression créative TimeSlips ; voir nos chroniques « TimeSlips : le pouvoir de l’expression créative et des récits », « Le programme TimeSlips : une nouvelle étude ayant exploré les effets bénéfiques de l’expression créative » et  «Un premier atelier de TimeSlips en Suisse romande... »).

Les activités culturelles, intergénérationnelles et d’expression créative que l’Association VIVA propose aux personnes âgées (avec un souci constant d’insertion communautaire), et notamment aux personnes âgées vivant dans des structures d’hébergement à long terme et présentant des problèmes cognitifs parfois importants, nous montrent constamment combien ces personnes conservent une identité, de la vitalité, une capacité de s’ouvrir au monde et aux autres et une capacité de s’enthousiasmer et d’éprouver du plaisir. La mise en place généralisée de ces approches communautaires et le changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme  ne sera possible que si une prise de conscience générale de l’inadéquation de l’approche biomédicale dominante se développe et mène à de nouvelles priorités de financement.


Carlson, M.C., Parisi, J.M., Xia, J., Xue, Q., Rebok, G.W., Bandeen-Roche, K., & Fried, L.P. (2011). Lifestyle activities and aging : Variety may be the spice of life. The Women’s Health and aging Study II. Journal of the International Neuropsychological Society, sous presse.

Treiber, K.A., Carlson, M.C., Corcoran, Ch., Norton, M.C., Breitner, J.C.S., Piercy, K.W., et al. (2011). Cognitive stimulation and cognitive and functional decline in Alzheimer’s disease: The Cache County Dementia Progression study. Journal of Gerontology: Psychological Sciences, sous presse (doi: 10.1093/geronb/gbr023).

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 20:35

Il a été montré qu’un espace de vie restreint (une étendue limitée des déplacements dans l’environnement quotidien) était relié à diverses conséquences négatives sur la santé, y compris au plan cognitif. L’espace de vie est un concept multidimensionnel sous-tendu par différents facteurs physiques, psychologiques (motivationnels, cognitifs, affectifs), sociaux, culturels et environnementaux.

 

Dans une chronique précédente (« Les liens entre l’espace de vie et le risque de mortalité chez les personnes âgées » ), nous avons rapporté les résultats d’une étude menée par Boyle et al. (2010) et montrant, sur une période de suivi allant jusqu’à 8 ans, que les personnes âgées avec un espace de vie limité (à un environnement jouxtant leur domicile) ont  une probabilité de mourir augmentée d’environ 1.6 fois par rapport aux personnes dont l’espace de vie inclut des voyages en dehors de la ville. Cette association se maintenait après avoir contrôlé l’influence de l’activité physique, les handicaps dans les activités de la vie quotidienne, les symptômes dépressifs, le réseau social, l’indice de masse corporelle et le nombre de problèmes médicaux chroniques.


Une étude récente menée par la même équipe (James et al., 2011) a examiné si l’espace de vie restreint était associé à un risque accru de « maladie d’Alzheimer », de « trouble cognitif léger » (« mild cognitive impairment », MCI) et à un déclin cognitif plus rapide chez les personnes âgées. Les auteurs ont suivi, pendant une durée moyenne de 4.4 années, 1294 personnes âgées (de plus de 70 ans) initialement sans « démence clinique ». L’évaluation de l’espace de vie a été menée au moyen d’une version modifiée du « Life Space Questionnaire », une mesure auto-rapportée de l’étendue des mouvements dans six zones spécifiques de l’environnement. Chaque zone représentait un élargissement concentrique de l’espace de vie : chambre à coucher/pièces de la maison (score 5), porche (score 4), emplacement de parking ou au jardin (score 3), quartier (score 2), extérieur du quartier (score 1) ou extérieur de la ville (score 0). On demandait aux participants s’ils avaient été dans chacune de ces zones la semaine précédente.

 

Différents facteurs pouvant influer sur l’espace de vie ont également été évalués : le fonctionnement physique via un score composite  (nombre de pas et temps mis pour parcourir une distance de 8 pieds et nombre de pas requis pour effectuer un tour de 360 degrés); les handicaps dans six activités de base de la vie quotidienne (se déplacer dans une pièce, prendre son bain, s’habiller, manger, se transférer du lit à une chaise et aller aux toilettes) ; les symptômes dépressifs (CES-D) ; la taille du réseau social (le nombre d’enfants, de membres de la famille et d’amis rencontrés au moins une fois par mois) ; des facteurs de risque vasculaires (somme de hypertension, diabète et tabagisme) ; maladies vasculaires (somme de infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque congestive, claudication, accident vasculaire cérébral).

 

Etaient également pris en compte l’âge, le genre, le nombre d’années d’étude et l’appartenance ethnique. Le diagnostic de « maladie d’Alzheimer » était posé à partir d’une démarche en trois étapes (tests cognitifs, jugement clinique d’un neuropsychologue expérimenté et classification diagnostique par un clinicien expérimenté) et sur base des critères classiques (NINCDS-ADRDA). Le diagnostic de « MCI » était donné aux personnes ayant des déficits cognitifs (selon les critères habituels), et qui ne rencontraient pas les critères de « démence ». Par ailleurs, un score composite de fonctionnement cognitif global et des scores relatifs à cinq domaines cognitifs (mémoire épisodique, mémoire sémantique, mémoire de travail vitesse perceptive et capacités visuospatiales) ont également été établis.

 

Durant la période de suivi, 180 personnes ont reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer ». Les analyses ont montré qu’une personne ayant un espace qui ne dépasse pas sa maison (score 3) a quasiment 2 fois plus de risque (1.8) de développer une « maladie d’Alzheimer » qu’une personne ayant l’espace de vie le plus vaste (en dehors de la ville : score 0). Cette association persiste quand sont pris en compte les variables démographiques, le fonctionnement physique, les incapacités dans la vie quotidienne, les symptômes dépressifs, la taille du réseau social, les facteurs de risque vasculaires et les maladies vasculaires. Elle se maintient également quand ont été exclues les personnes qui avaient reçu un diagnostic de « MCI » lors l’évaluation initiale (la ligne de base). De même, les personnes ayant un espace de vie ne dépassant pas le domicile (score 3) ont également 1.6 fois plus de risque de recevoir le diagnostic de « MCI » que les personnes qui ont un espace de vie qui déborde la ville (score 3) et ce également en ayant exclu les personnes qui avaient reçu un diagnostic de « MCI » lors de l’évaluation initiale.  Ce risque accru subsiste aussi quand on examine les personnes ayant eu le diagnostic de « MCI » de manière répétée, lors de deux évaluations ou plus. Enfin, plus globalement, les personnes avec un espace de vie limité à leur domicile (score 3) ont un fonctionnement cognitif global inférieur lors de l’évaluation initiale et déclinent plus rapidement (après avoir pris en compte le niveau cognitif de base) que les personnes avec l’espace de vie le plus vaste (score 0). Ce pattern se retrouve également pour chacun des cinq domaines cognitifs.

 

En résumé, il apparaît que les personnes qui ne quittent pas le territoire jouxtant leur domicile ont un risque accru de vieillissement cérébral/cognitif problématique. Les auteurs ont effectué une partie de leurs analyses en se situant dans une démarche catégorielle dont nous contestons la validité. Cependant, ils obtiennent le même type de résultats en adoptant des analyses non catégorielles, qui prennent en compte le fonctionnement cognitif sans établir de catégories diagnostiques.

 

Il faut relever que les participants à cette étude ont été recrutés au sein de personnes vivant dans des  structures d’habitat adaptées aux personnes âgées et subventionnées, ce qui limite la généralisation des résultats observés. Par ailleurs, même si différentes analyses ont été effectuées en excluant les personnes qui présentaient, lors de l’évaluation initiale, des déficits cognitifs plus importants et en prenant en compte différents facteurs pouvant entraver la capacité de voyager (dépression, fonctionnement physique, facteurs vasculaires), les auteurs reconnaissent qu’ils ne peuvent totalement exclure que la restriction de l’espace de vie soit due à des comorbidités et/ou des difficultés motrices et cognitives non contrôlées.

 

Une autre interprétation des résultats obtenus par cette recherche serait que l’espace de vie refléterait, en partie, la plus ou moins grande richesse de l’environnement (physique et social) et des activités des personnes, dont on sait qu’elle est associée à un plus ou moins grand risque de développer un vieillissement cérébral/cognitif problématique. Plus généralement, l’espace de vie pourrait ainsi renvoyer à des facteurs psychologiques, économiques, sociaux et culturels, à des dimensions de personnalité, des capacités d’adaptation ou de flexibilité, etc., qui rendent les personnes plus ou moins aptes à s’ouvrir au monde et aux autres.

 

Dans cette perspective, un espace de vue limité constituerait un facteur de risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique susceptible d’être, au moins en partie, modifié par une organisation sociale, un système éducatif, des initiatives communautaires ou encore des soutiens et interventions psychologiques amenant le plus grand nombre de personnes à étendre et diversifier leur espace de vie, de relations et d’expériences, tout au long de leur existence.

 

Au plan de la recherche, des études ultérieures devraient explorer la contribution de l’espace de vie au vieillissement cérébral/cognitif, en intégrant d’autres dimensions du style de vie, en explorant différents facteurs (psychologiques, sociaux, environnementaux) potentiellement impliqués et en adoptant une approche en continuum.

 

espace.jpg

Tiré de l'affiche de "A straight story", D. Lynch, 1999

 

Boyle, P.A., Buchman, A.S., Barnes, L.L., James, B.D., & Bennett, D.A. (2010). Association between life space and risk of mortality in advanced age. Journal of the American Geriatrics Society, 58, 1925-1930.

James, B.D., Boyle, P.A., Buchman, A.S., Barnes, L.L., & Bennett, D.A. (2011). Lifespace and risk of Alzheimer disease, mild cognitive impairment, and cognitive decline in old age. American Journal of Geriatric Psychiatry, sous presse.

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 14:50

La nécessité d’une autre approche du vieillissement cérébral/cognitif est de plus en plus reconnue (voir notre chronique récente « La résistance à l’approche réductrice et pathologisante du vieillissement cérébral/cognitif s’impose plus que jamais ») : il s’agit de s’affranchir d’une approche réductrice qui envisage le vieillissement cérébral/cognitif en termes de catégories essentialistes et pathologisantes (des « maladies  spécifiques » comme la « maladie d’Alzheimer ») pour aller vers une approche qui réintègre les différentes manifestations de ces prétendues « maladies spécifiques » dans le cadre plus large du vieillissement, dans ses multiples expressions plus ou moins problématiques, sous l’influence de nombreux facteurs de risque (environnementaux, psychologiques, biologiques, médicaux, sociaux et culturels) intervenant tout au long de la vie. Il s’agit donc de prendre en compte l’extrême complexité et les nuances infinies du vieillissement.

Après deux décennies d’échecs pharmacologiques, une meilleure répartition des financements s’impose, tant au plan de la recherche que de la prise en charge, en faveur des interventions psychologiques et sociales, ainsi que de la prévention, visant à retarder les aspects problématiques du vieillissement cérébral ou à en diminuer les effets.

Ces dernières semaines, des voix se sont clairement fait entendre (voir l’article de Jean-Yves Nau dans Slate : http://www.slate.fr/story/34417/alzheimer-medicaments-inutiles-meurtriers-remboursement) pour dénoncer le maintien sur le marché de médicaments « anti-Alzheimer » (Aricept/donezepil, Exelon/rivastigmine, Reminyl/galantamine et Ebixa ou Axura/mémantine) dont l’inefficacité ou la très faible efficacité et les effets secondaires (dont certains graves suite à une consommation à long terme) sont reconnus (la revue Prescrire en France a depuis 6 ans alerté les professionnels de la santé sur ce sujet).

Dans l’émission « Science Publique » de France Culture (http://www.franceculture.com/emission-science-publique-comment-les-medecins-prescrivent-ils-les-medicaments-2011-01-28.html ; extrait repris de Slate), Claude Leicher, président du syndicat de la médecine générale en France, relève : « […] Quand nous commençons à voir une personne commençant à avoir un déclin dans ses capacités cognitives et relationnelles, la famille nous interroge. Nous souhaitons que l’on ne mette pas ces patients sous traitement. Mais que se passe-t-il ? On fait un « bilan de mémoire » et on entre dans une chaîne dont nous, médecins généralistes traitants, n’arrivons plus à sortir. Car mettre en route un traitement, c’est lourd ; mais l’arrêter, c’est encore plus lourd. Nous avons des patients qui reviennent de l’hôpital avec des prescriptions de médicaments. Nous disons que ce n’est pas utile, pas efficace et que cela peut même être dangereux. Mais il est très difficile de convaincre que le rapport bénéfice/risque n’est pas en faveur de la prescription faite par un spécialiste […]. Nous devenons prisonniers de la prescription des spécialistes parce que les patients eux-mêmes sont devenus prisonniers de ces prescriptions. Il faut retirer ces médicaments du marché. »

Dans la même émission, Bruno Toussaint, directeur de la revue Prescrire, indique : « Nous sommes ici très au-delà des limites acceptables. Ces médicaments ne sont pas des placebos. Ce sont des médicaments qui tuent. Certes, ils ne tuent pas toujours et pas tout de suite, mais ce sont des médicaments qui tuent comme le montrent les quelques études qui ont comparé les conséquences, au-delà des six ou neuf mois, de la prise de ces médicaments à celle d’un placebo. La maladie d’Alzheimer est souvent un drame et nous ne savons ni guérir ni prendre en charge d’un point de vue médicamenteux. Le placebo peut être utile. Mais un vrai placebo, qui n’a pas d’effets indésirables. » Et Bruno Toussaint d’ajouter : « Il faut qu’on sache que l’information des médecins spécialistes pour choisir des médicaments est encore plus sous l’influence des laboratoires pharmaceutiques que celle des médecins généralistes. J’ai bien dit : la pression de ces firmes est encore plus forte chez les spécialistes. » 

Ainsi, comme le mentionne Claude Leicher : « Il y a beaucoup plus besoin d’un accompagnement des patients que d’une prescription médicamenteuse. » Dans cette perspective, il existe de nombreuses données indiquant que des interventions psychosociales centrées sur la vie quotidienne des personnes âgées, dans leur communauté de vie, peuvent optimiser leur qualité de vie, leurs interactions familiales et sociales, leur sentiment de contrôle et d’identité et leur insertion dans la communauté (voir par exemple nos chroniques « L’efficacité clinique de la revalidation cognitive individualisée chez des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique» ; « Un programme d’intervention participatif et communautaire destiné à des personnes présentant une " démence légère " et à leur proches »). Selon nous, cela passe par la mise en place de structures d’évaluation, de conseils, d’interventions et de suivi insérées dans le milieu de vie des personnes âgées, c’est-à-dire des structures de soins primaires (en relation étroite avec le médecin généraliste), et non pas par le développement de Cliniques de la Mémoire spécialisées dans un contexte hospitalier (voir notre chronique « Une autre façon d’organiser les cliniques de la mémoire ? »).

Malheureusement, les interventions psychosociales, ainsi que les structures communautaires permettant de les appliquer, sont très loin d’être systématisées. Ainsi, dans un examen de la situation dans 12 pays d’Europe, Vasse et al. (2011) ont récemment montré qu’il n’existait des recommandations (« guidelines ») pour des interventions psychosociales que dans 5 pays et que, en particulier, rien n’avait été édicté en France, en Belgique et en Suisse. Par ailleurs, la qualité méthodologique de ces recommandation est très variable, les recommandations les plus détaillées, de plus grande qualité et visant une application dans la communauté locale, ayant été développées au Royaume-Uni. Il nous paraît essentiel que les psychologues francophones spécialisés en psychogérontologie clinique et appliquée se réunissent, avec d’autres professionnels, et proposent des recommandations d’interventions psychosociales, multiples, intégrées et empiriquement fondées (voir notre chronique « Quelles interventions psychologiques dans le vieillissement cérébral/cognitif problématique ? »). Il serait également important que les psychologues spécialisés en psychologie appliquée et en psychologie sociale contribuent à l’élaboration de recommandations relatives aux stratégies à appliquer pour que les personnes mettent réellement en oeuvre les mesures de prévention visant à atténuer ou à différer les aspects les plus problématiques du vieillissement cérébral/cognitif  (voir nos chroniques « Comment présenter les messages de prévention aux personnes âgées ? » ; «  Pas d’Alzheimérologues mais des personnes (et notamment des psychologues) capables de prendre en compte la complexité du vieillissement cérébral, dans ses différentes dimensions »).

Plus généralement, ce changement de conception du vieillissement cérébral/cognitif doit aussi nous inviter à une réflexion sur nous-mêmes et sur la manière dont nous considérons le vieillissement (voir Whitehouse et al., 2011). En particulier, il doit nous conduire à ne plus considérer le monde comme étant divisé entre ceux qui ont la « maladie d’Alzheimer » et ceux qui ne l’ont pas, mais plutôt à penser que nous partageons tous les vulnérabilités liées au vieillissement cérébral : cela peut contribuer à créer davantage d’unité entre les générations et à mettre en place des structures communautaires dans lesquelles les personnes âgées, quels que soient leurs problèmes, pourront trouver des buts et un rôle social valorisant (voir à ce propos notre chronique présentant le projet « VIVA : Valoriser et Intégrer pour Vieillir Autrement »). 

Dans ce contexte, il existe actuellement en France un débat intéressant concernant le projet de loi annoncé par le Président de la République Française sur la création d’un « cinquième risque » afin de prendre en charge la « dépendance ». Face à la proposition consistant à recourir au système d’assurance à caractère commercial  ou à obliger de souscrire à une assurance privée individuelle, un manifeste (élaboré par le « Collectif pour un vrai cinquième risque » ; http://collectif-pour-un-vrai-5eme-risque.over-blog.com/) vient d’être diffusé. Ce manifeste plaide, au nom d’une société solidaire, pour la création d’une nouvelle couverture de protection sociale ou « cinquième risque » (une prestation sociale universelle d’aide à l’autonomie, indépendamment de l’âge et de l’origine du besoin d’aide et de soin), dont le financement serait assuré principalement dans le cadre de la solidarité nationale (« Chacun participe selon ses moyens, tous ses moyens et chacun bénéficie selon ses besoins »). Ce financement doit être suffisant pour répondre aux besoins légitimes de toute personne en situation de dépendance, lui permettant de conserver sa dignité et d’être reconnue comme citoyen à part entière.

Ce manifeste, qui souhaite la reconnaissance d’un droit universel au maintien de l’autonomie, s’oppose à la stigmatisation du handicap quel que soit l’âge. En particulier, il indique combien il faut « changer le regard négatif et axé sur le coût du vieillissement qui en assimilant la vieillesse à la maladie, stigmatise doublement les personnes les plus âgées. Elles sont considérées comme autant de charges pour la société et pour lesquelles, les générations plus jeunes devraient s’apprêter à faire toujours plus de sacrifice » (voir également notre chronique « Les aînés : une ressource vitale pour la collectivité »).

Une réflexion très riche sur la question de la « dépendance » chez les personnes âgées a aussi été proposée par Daniel Carré sur son blog (voir « L’argent et la dépendance » ; http://mythe-alzheimer.over-blog.com/ext/http://www.mediapart.fr/club/blog/Daniel%20Carr%C3%A9). En conclusion de la première partie de son texte consacrée aux valeurs de référence et aux objectifs d’une réforme du financement de la dépendance des personnes âgée, Daniel Carré indique: « […] il est urgent de définir une politique nationale de prévention des conséquences du Vieillissement. Son objectif est d’établir les conditions pour que les personnes vieillissantes s’approprient les contraintes qu’entraîne leur vieillissement et construisent pour elles-mêmes le mode de vie qui maintiendra le plus longtemps l’autonomie. Il faut passer d’une politique pour les vieux à une politique définie avec les vieux eux-mêmes ! Puis développer et gérer les structures où le lien social, l’estime de soi, les capacités intellectuelles et physiques ne se dégradent pas ». Il examine ensuite les modalités possibles de financement de la dépendance (l’épargne, la solidarité et l’assurance) et montre clairement en quoi seul le système solidaire (constitué d’un socle commun universel) répond aux valeurs qui maintiennent la cohésion sociale.

Thomas Mattig, directeur de Promotion Santé Suisse, s’exprimant dans la rubrique « Opinions » du journal romand Le Temps (édition du 20.01.11), insiste pour sa part sur la nécessité de développer les mesures de prévention optimisant les chances de vivre une vieillesse en bonne santé sur les plans physique et psychique, des institutions offrant des conseils pratiques adaptés au 3e âge et surtout le besoin urgent de développer une politique nationale de la vieillesse, qui prenne en compte des dimensions transversales : « […] aménagement du territoire, politique du logement et mobilité en passant par les soins et la prise en charge des personnes âgées jusqu’aux relations intergénérationnelles. »

La conception du vieillissement cérébral/cognitif que nous défendons a fait l’objet de critiques, issues notamment des Associations Alzheimer, concernant les implications de cette conception pour la prise en charge et le remboursement des soins aux personnes âgées présentant une « démence ». Plus spécifiquement, il nous a été reproché que, en interprétant la « démence » par l’avancement en âge et l’influence de facteurs de risque et ainsi en refusant les critères diagnostiques médicaux traditionnels, on faisait courir aux personnes âgées présentant une « démence » le risque que leurs problèmes ne soient pas pris en charge par le système de soins de santé. A ces critiques, nous avons répondu que nous devrions avoir assez d’imagination collective (politique) pour élaborer des critères qui prennent en compte toute la complexité et les nuances du vieillissement cérébral, tout en garantissant des soins et des lieux d’hébergement de qualité à toutes les personnes âgées qui en ont besoin, et ce sans quelles soient confrontées à la stigmatisation, à la marginalisation et à la peur que suscite l’approche biomédicale « moléculaire ». Il nous paraît donc inadmissible de maintenir un système de catégorisation médicale du vieillissement cérébral/cognitif, qui est à la fois scientifiquement contestable et socialement stigmatisant, au seul motif que les critères diagnostiques qu’il a développés sont utilisés comme critères pour la prise en charge et le remboursement des soins.

La proposition d’une nouvelle couverture de protection sociale universelle d’aide à l’autonomie, indépendante de l’âge et de l’origine du besoin d’aide et de soin, nous paraît constituer une réponse adéquate aux aspects problématiques, multidéterminés, du vieillissement cérébral/cognitif, et ce en évitant sa médicalisation (sa pathologisation). Un défi important soulevé par cette proposition est d’élaborer des critères d’évaluation de la perte d’autonomie qui ne soient pas fondés sur les critères réducteurs de l’approche biomédicale actuellement dominante. Dans ce domaine également, les psychologues devraient être impliqués, en lien avec d’autres professionnels issus de diverses disciplines.

Dans ce travail de réflexion sur ce qui caractérise la perte d’autonomie, on ne pourra pas faire l’impasse sur la dimension politique de la « démence ». Dans notre chronique « Vers une approche politique de la démence : la question du pouvoir », nous avons décrit la conception de Behuniak (2010), qui propose de considérer les personnes avec « démence » comme des personnes vulnérables. Selon Behuniak, une personne vulnérable est quelqu’un qui peut, parfois, avoir besoin de protection ou de soins particuliers, sans que cela ne la prive de ses droits, de sa dignité, de sa citoyenneté ou de son humanité. De plus, cette conception de la vulnérabilité met en avant les liens qui nous relient aux autres, dans la mesure où nous sommes tous susceptibles de devenir vulnérables et que nous partageons tous la responsabilité de répondre aux besoins de personnes vulnérables. Tel qu’utilisé par Behuniak, le concept de vulnérabilité met l’accent sur la qualité des relations plutôt que sur l’autonomie, sur la responsabilité plutôt que sur les droits et sur le pouvoir « avec » plutôt que le pouvoir « sur ». Plus globalement, le modèle politique de la « démence » proposé par Behuniak permet d’envisager la personne « démente » comme une personne légale, avec son identité individuelle, et de considérer qu’elle demeure un membre de la communauté, ayant droit à être aidée et soignée avec compassion.

 

solidarite.jpg Behuniak, S.M. (2010). Toward a political model of dementia: Power as compassionate care. Journal of Aging Studies, 24, 231-240.

Vasse, E., Vernooij-Dassen, M., Cantegreil, I., Franco, M., Dorenlot, P., Woods, B., & Moniz-Cook, E. (2011). Guidelines for psychosocial interventions in dementia care: a European survey and comparison. International Journal of Geriatric Psychiatry, sous presse

Whitehouse, P.J., George, D.R., & D’Alton, S. (2011). Describing the dying days of “Alzheimer’s disease”. Journal of Alzheimer’s Disease, sous presse.  

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 20:07

Les difficultés psychologiques manifestées par les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence ») peuvent concerner différents domaines du fonctionnement psychologique (cognitif, émotionnel, relationnel, motivationnel). Par ailleurs, la nature de ces difficultés, ainsi d’ailleurs que les mécanismes qui en sont responsables, peuvent considérablement varier d’une personne à l’autre.

Il s’ensuit que les interventions psychologiques proposées à ces personnes doivent être taillées sur mesure en fonction de leurs difficultés spécifiques. Selon nous, aucun programme d’intervention « clé sur porte », issu de tel ou tel courant, ne peut se prévaloir de répondre aux différents objectifs d’une approche psychologique des difficultés d’une personne âgée. Il s’agit au contraire d’adopter une approche individualisée, visant des buts spécifiques dans la vie quotidienne de la personne et fondée sur différents types de concepts et d’interventions: cette approche devrait donc être multiple, intégrée et empiriquement fondée (voir nos chroniques « Pour une approche multiple, intégrée et empiriquement fondée des interventions psychologiques » et « L’efficacité clinique de la revalidation cognitive individualisée chez des personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique »).

Cette approche « à coups de projecteur multiples et complémentaires » et « centrée sur la personne » nécessite de s’affranchir d’une formation en psychologie clinique articulée autour d’une école de pensée ou focalisée sur un domaine particulier du fonctionnement psychologique. Il s’agit au contraire de mettre en place une formation permettant aux psychologues cliniciens d’élaborer une interprétation psychologique des difficultés d’une personne, et un projet d’intervention, qui prennent en compte les différents mécanismes psychologiques impliqués. En d’autres termes, les psychologues devraient être capables d’identifier en quoi les facteurs biologiques (notamment neurobiologiques), les facteurs sociaux et les événements de vie conduisent à des difficultés psychologiques via leurs effets (conjoints et en interaction) sur différents processus psychologiques (cognitifs, affectifs, relationnels, motivationnels, en lien avec l’identité), dans leurs composantes plus ou moins conscientes. Cette interprétation psychologique, élaborée à partir de cadres conceptuels empiriquement fondés, devrait permettre d’appréhender la personne dans sa globalité et dans son individualité, et ce via une combinaison de méthodes d’évaluation quantitatives et qualitatives, tout en y intégrant la composante d’intersubjectivité (de partage d’allusions, de sensations, de métaphores, etc., issues des interprétations et biais subjectifs de chacune des personnes impliquées dans l’évaluation). 

Ce type de formation en psychologie clinique est encore malheureusement très minoritaire, en particulier dans les pays francophones. Son développement nécessitera de vaincre les dogmatismes, les oppositions simplificatrices entre écoles, ainsi que les résistances en lien avec les pouvoirs d’influence et les enjeux économiques. Une telle formation nous paraît cependant indispensable si l’on souhaite donner toute sa légitimité à la psychologie clinique, dans la richesse de ses développements actuels, et si l’on veut s’opposer à la neurobiologisation et à la médicalisation des difficultés psychologiques (voir notre chronique « Quand les psychologues états-uniens s’insurgent contre la médicalisation du vieillissement et de ses manifestations psychologiques »).

La nécessité d'une approche multiple et intégrée de l'intervention psychologique peut être illustrée dans différents domaines de la vie quotidienne des personnes âgées présentant une "démence". Ainsi, dans une chronique précédente (« L’importance des repas pour les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique et résidant dans une structure d’hébergement à long terme »), nous avons montré en quoi la compréhension des difficultés rencontrées dans les repas par les personnes présentant un vieillissement cérébral/problématique (une « démence ») et vivant dans une structure d’hébergement à long terme nécessitait la prise en compte de multiples facteurs : l’histoire antérieure des personnes en lien avec les repas (les facteurs sociaux, culturels et éducatifs ayant conduit à des rituels, des préférences, des attentes saisonnières, etc.) ; les caractéristiques du repas dans la structure d’hébergement (les composantes du repas, le rythme quotidien, la plus ou moins grande possibilité de manifester ses préférences) ; les interactions entre la personne, les autres résidants et les soignants ; l’environnement du repas (le niveau de bruit, les interférences, le décor visuel et sonore, la taille et le caractère plus ou moins familial de la salle à manger, le choix des places) ; les difficultés cognitives, socio-affectives, motivationnelles et sensori-motrices pouvant affecter la compréhension de la situation de repas, l’adéquation des comportements, l’autonomie dans les repas et l’ingestion de nourriture, etc.

Ainsi, les interventions destinées à faciliter la prise de nourriture des personnes âgées, à optimiser leur bien-être et leur autonomie dans les repas, à leur permettre de profiter au maximum de ce moment privilégié (au plan des expériences sensorielles, des interactions sociales et des échanges émotionnels) devraient « se nourrir » de différentes approches visant les dimensions cognitives, émotionnelles, sensori-motrices, interpersonnelles, environnementales et socioculturelles de la situation de repas, et ce en y intégrant la dimension symbolique (p. ex., en lien avec les figures d’attachement).

Dans cette perspective d'interventions complémentaires et adaptées à chaque personne, une place doit être accordée à la thérapie comportementale (« behavior therapy »), laquelle aborde les aspects problématiques du vieillissement cérébral/cognitif en mettant tout particulièrement l’accent sur les facteurs environnementaux (sociaux et physiques) qui contribuent au développement et au maintien de certains comportements (et ce, en se fondant sur les lois de l’apprentissage et de la motivation). Le numéro spécial récent de la revue « Behavior Therapy » (Geriatric Behavior Therapy : The challenges of a changing environnement ; 2011, volume 42, numéro 1-2) atteste de la vitalité et de la pertinence de ce « coup de projecteur » dans le domaine du vieillissement. Nous reviendrons dans de futures chroniques sur certains des articles publiés dans ce numéro spécial. 


repasems.jpg©VIVA 2010 

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