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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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contact@mythe-alzheimer.org

13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 15:56

 

Dans un communiqué de presse datant du 20 mai 2011 (http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1056764/renforcer-la-transparence-et-la-gestion-des-conflits-dinterets?xtmc=&xtcr=3), la Haute Autorité de Santé en France annonce le retrait « spontané » des recommandations sur la maladie d’Alzheimer qu’elle avait élaborées en 2008 (voir  http://www.formindep.org/IMG/pdf/maladie_dalzheimer_-_argumentaire_1_.pdf).

Ce retrait avait été demandé devant le Conseil d’Etat depuis 2009 par le FormIndep (« pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes»), en considérant que ces recommandations avaient été élaborées en dépit de la législation et des règles internes de la gestion d’intérêts de la HAS (voir http://www.formindep.org/Les-pieces-de-la-procedure-contre.html).

Plus spécifiquement, FormIndep indiquait d’une part que, sur les 25 personnes composant le groupe formé pour l’élaboration des recommandations « Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées », 3 n’avaient pas effectué de déclaration publique d’intérêts.

Plus grave, parmi les 22 expert(e)s ayant fait cette déclaration, 11 faisaient état de conflits d’intérêt tels qu’ils pouvaient être aisément qualifiés de majeurs (guide des déclarations d’intérêts et de prévention des conflits) compte tenu des liens étroits que les expert(e)s entretenaient avec les laboratoires chargés de la fabrication et de la commercialisation des produits médicamenteux de traitement de ces maladies qui faisaient l’objet de la recommandation attaquée.

Il faut relever que des voix se sont récemment fait entendre pour dénoncer le maintien sur le marché de médicaments « anti-Alzheimer » (Aricept/donépézil, Exelon/rivastigmine, Reminyl/galantamine et Ebixa ou Axura/mémantine), dont l’inefficacité ou la très faible efficacité et les effets secondaires (dont certains graves suite à une consommation à long terme) sont reconnus (voir notre chronique « Le vieillissement cérébral/cognitif problématique dans une société solidaire »). La question se pose d’ailleurs aussi concernant l’utilisation des antidépresseurs chez les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence » ; voir notre récente chronique « Les symptômes dépressifs chez les personnes présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique »).

Dans ce contexte, on ne peut qu’être stupéfait de lire l’appréciation que fournissait la Commission de la Transparence de la HAS concernant la place des médicaments anti-Alzheimer dans la stratégie thérapeutique :

« Compte tenu de la gravité de la maladie d’Alzheimer et du possible rôle structurant du médicament dans la prise en charge globale de cette maladie, la commission de la Transparence considère, malgré un rapport efficacité/effets indésirables modeste, que le service médical rendu par les médicaments anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine) aux stades léger, modéré et modérément sévère de la maladie d’Alzheimer et par la mémantine aux stades modéré, modérément sévère et sévère, reste important » (voir p. 36, http://www.formindep.org/IMG/pdf/maladie_dalzheimer_-_argumentaire_1_.pdf). Comprenne qui pourra !

Il faut espérer que ce retrait conduise à une réflexion plus large sur la prise en charge globale des personnes âgées présentant un vieillissement cérébral/cognitif problématique, incluant des interventions psychosociales centrées sur la vie quotidienne, et ce au sein de structures d’évaluation, de conseils, d’interventions et de suivi insérées dans le milieu de vie des personnes (voir nos chroniques  « Une autre façon d’organiser les cliniques de la mémoire ? » et « Le vieillissement cérébral/cognitif problématique dans une société solidaire »). Le temps est venu pour que les psychologues francophones spécialisés en psychogérontologie clinique et appliquée se réunissent, avec d’autres professionnels, et proposent des recommandations d’interventions psychosociales, multiples, intégrées et empiriquement fondées.

La 1ère Journée Francophone de Psychogérontologie, organisée par la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie, qui s’est tenue le 28 mai 2011 à Paris a clairement montré le potentiel des psychologues pour la mise en place d’une autre approche de l’évaluation et de l’intervention chez les personnes âgées. Nous décrirons, dans une toute prochaine chronique, certains des projets concrets qui ont été présentés durant cette journée.

formindep.JPG©FormIndep

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12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 09:12

Nous avons vu précédemment en quoi la conception biomédicale dominante véhicule un langage qui déshumanise et marginalise les personnes ayant reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer », mais également suscite terreur et révulsion (voir notre chronique « Le langage quotidien peut être destructeur…. »). Nous avons également montré que la stigmatisation (c’est-à-dire l’attribution de caractéristiques négatives et dépréciatives) concerne non seulement la personne qui reçoit le diagnostic de la prétendue « maladie d’Alzheimer », mais aussi celles et ceux qui sont proches d’elle: cette stigmatisation modifie la façon dont la personne qui a reçu le diagnostic se perçoit, s’évalue et se comporte, mais aussi la façon dont les proches perçoivent et évaluent cette personne, se comportent à son égard et réagissent émotionnellement à ses difficultés (voir notre chronique « La stigmatisation touche non seulement la personne qui a reçu le diagnostic de maladie d’Alzheimer, mais aussi les proches »).

Dans un travail récent (effectué dans le cadre de la Fondation Roi Baudouin en Belgique), Van Gorp et Vercruysse (2011), de la Katholieke Universiteit Leuven, ont répertorié, au moyen d’une analyse systématique et inductive du « framing », les différentes manières dont les médias définissent la « maladie d’Alzheimer ». Les  « frames » sont des principes organisateurs socialement partagés qui servent à rendre compréhensible une question complexe (en l’occurrence ici la « maladie d’Alzheimer »), en la mettant en relation avec des idées qui nous sont familières.

Les auteurs ont ainsi analysé un important matériel (plus de 3000 citations extraites de romans, articles dans des quotidiens et des magazines, brochures, films, documentaires, reportages télévisés, extraits vidéo en ligne et sites internet). L’analyse a permis d’identifier 6 frames dominants et 6 frames alternatifs ou contre-frames (les auteurs fournissent dans leur texte une description détaillée de ces frames, accompagnée de nombreuses illustrations) :

1. Le dualisme corps-esprit : comme la personne ayant une « maladie d’Alzheimer » perd son esprit, il ne reste plus qu’une enveloppe matérielle. Bien que le corps soit encore en vie, l’être humain qui l’habite peut déjà être tenu pour mort puisqu’il a perdu sa personnalité et son identité.
2. L’envahisseur : la maladie est présentée comme un ennemi ou un monstre qui doit être combattu. Ce frame utilise fréquemment un langage guerrier.
3. La foi dans la science : la dimension scientifique est mise en avant, en laissant entrevoir un espoir de guérison, pour autant du moins que l’on continue à consacrer suffisamment d’argent à la recherche.
4. La peur de la mort : ce frame souligne le lien entre la maladie et la mort. Le diagnostic est assimilé à une sorte de condamnation à mort, le début d’une catastrophe totale.
5. Les rôles inversés : les « malades d’Alzheimer » redeviennent des enfants, ce qui implique une inversion des rôles (les enfants deviennent les parents de leurs parents et doivent par exemple leur donner à manger ou s’occuper de leur hygiène intime).
6. Sans contrepartie : l’accent est mis sur le fardeau que représentent les « malades d’Alzheimer » pour leurs proches, un fardeau d’autant plus lourd que nous accordons beaucoup d’importance à l’autonomie et à la réciprocité des relations. 

A ces 6 frames dominants, les auteurs opposent 6 frames alternatifs, des contre-frames trouvés notamment dans les livres écrits par Whitehouse et George (« Le mythe de la maladie d’Alzheimer ») et van Rossum (« Een vreemde kostganger in mijn hood : Mijn leven met Alzheimer » ; « Un étrange pensionnaire dans ma tête ; ma vie avec Alzheimer »).

1. L’unité corps-esprit : les « malades d’Alzheimer » ne deviennent jamais des objets : ils restent en permanence des êtres humains, avec leur identité, leur personnalité, leur passé. L’accent n’est pas mis sur ce qui est perdu, mais sur ce qui reste (notamment une vie émotionnelle riche).
2. L’étrange compagnon de voyage : il s’agit de considérer la « maladie » comme ‘quelqu’un’ que l’on rencontre sur le chemin de son existence et avec qui il faut accepter de vivre. Il ne faut pas ressentir sa présence comme un fardeau et il s’agit surtout de conserver la maîtrise de sa propre existence : ce n’est pas ce compagnon de voyage qui doit décider de ce qui se passe.
3. Le vieillissement naturel : ce n’est pas une maladie mais une variante du processus naturel du vieillissement du cerveau humain, même si c’est sous une forme extrême. Il faut dès lors passer de l’idée de traitement (et de guérison) à celle de la prise en charge, en mettant à l’avant-plan la personne humaine
4. Carpe Diem : l’accent est mis sur le temps que les personnes ont encore à vivre et sur le fait qu’il leur reste encore beaucoup de moments dont ils pourront profiter (chercher le bonheur et le réconfort dans les petites choses de l’existence).
5. Chacun son tour : Les enfants de « malades d’Alzheimer » acceptent l’idée que, dans la vie, c’est chacun son tour : le moment est venu pour eux de devenir les ‘parents ‘ de leurs parents. Les personnes ne sont pas infantilisées mais sont considérées comme les adultes vulnérables qu’ils sont.
6. La bonne mère : l’entourage continue à considérer le « malade »  comme une personne à part entière. L’objectif est de permettre des contacts émotionnels. En entrant dans l’univers de vie de la personne et en respectant ses préférences, il s’agit de lui faire ressentir tout l’amour qu’on éprouve pour lui. 

En fait, il apparaît que seuls deux des frames alternatifs fonctionnement réellement comme des contre-frames (« L’étrange compagnon de voyage » et « Carpe Diem »), au sens où ils fonctionnent de manière autonome en ignorant la terminologie des frames dominants, ce qui a pour avantage que le récepteur du message n’est pas influencé par ceux-ci.

Selon les auteurs, cet inventaire de frames et contre-frames conduit logiquement à conseiller d’avoir plus souvent recours à des contre-frames dans la communication sur la « maladie d’Alzheimer » afin de la rendre plus socialement acceptable. Dans cette perspective, un deuxième objectif de ce travail a été d’examiner si un message relatif à la « maladie d’Alzheimer » inspiré de deux frames alternatifs (« L’unité corps-esprit » et « Carpe Diem ») pouvait apparaître comme crédible, compréhensible et accrocheur aux yeux du public (et ce via l’évaluation d’une campagne-test par un échantillon représentatif de la population belge). De manière générale, cette campagne a bénéficié d’un accueil positif et a été globalement considérée comme crédible, compréhensible et efficace.

Les auteurs mentionnent néanmoins un obstacle à l’utilisation de contre-frames. En effet, certains pourraient considérer qu’il est tout aussi important pour les « malades » et les acteurs concernés, que la « maladie d’Alzheimer » reste une priorité pour les décideurs, les chercheurs et les médias. Dans cette perspective, il est tentant de faire appel aux frames dominants. Cette stratégie des frames dominants est habituellement utilisée pour assurer le financement de la recherche et de certaines associations spécialisées. Mais, comme le relèvent les auteurs, si cette stratégie peut avoir des effets positifs à court terme (davantage de fonds), elle perpétue les tabous à long terme et une vision fataliste de la « maladie d’Alzheimer » (voir notre chronique «Madame la Présidente, nous vous faisons une lettre »). Enfin, les auteurs indiquent que l’utilisation de contre-frames ne signifie pas qu’il faille minimiser la gravité de la « maladie », les moments tragiques et la dernière phase de la « maladie », ce qui ne ferait que renforcer les tabous. Et d’ajouter à juste titre : « Mais, pour l’instant, toute l’attention se porte de manière démesurée sur cette phase ultime ».  

 

Ce travail est d’une grande richesse, il analyse finement les thèmes dominants dans la communication sur la « maladie d’Alzheimer » et il identifie différents contre-thèmes. Néanmoins, tout au long de leur texte, les auteurs demeurent dans le cadre du modèle biomédical dominant qui identifie la « maladie d’Alzheimer » comme une maladie spécifique et distincte du vieillissement dit normal (ou naturel). Même s’ils ont mis en évidence un contre-frame intitulé « Vieillissement naturel » qui présente la « maladie d’Alzheimer » comme une variante du processus naturel du vieillissement du cerveau humain, ils n’envisagent pas réellement de l’exploiter à des fins de déstigmatisation. Par ailleurs, dans leurs commentaires et analyses, ils renvoient constamment à l’existence d’une maladie spécifique et il s’agit pour eux de nuancer l’image de cette « maladie », mais pas de mettre en question son statut. En ce sens, ils demeurent dans le « politiquement correct ».

Et pourtant, il existe un nombre croissant de données montrant l’inadéquation de l’approche biomédicale dominante et appuyant la nécessité d’un changement de paradigme, en réintégrant les diverses manifestations de cette prétendue «maladie d’Alzheimer» (et d’ailleurs aussi d’autres maladies neurodégénératives ») dans le contexte plus général du vieillissement cérébral, dans ses multiples expressions plus ou moins problématiques, sous l’influence de nombreux facteurs (environnementaux, psychologiques, biologiques, médicaux, sociaux et culturels) intervenant tout au long de la vie (voir notre chronique « Réintégrer le vieillissement cérébral/cognitif problématique dans le cadre plus général du vieillissement »).

Ce changement d’approche constituerait une manière plus fondamentale de réduire la stigmatisation. En effet, il conduirait à ne plus considérer le monde comme étant divisé entre ceux qui ont la « maladie d’Alzheimer » et ceux qui ne l’ont pas, mais plutôt à penser que nous partageons tous les vulnérabilités liées au vieillissement cérébral.

Cela contribuerait aussi à créer davantage d’unité entre les générations et susciterait la mise en place des structures communautaires dans lesquelles les personnes âgées, quels que soient leurs problèmes, pourraient trouver des buts et un rôle social valorisant, plutôt que d’être confrontées à la stigmatisation, à la marginalisation et à la peur que suscite l’approche biomédicale dominante 

La diffusion large des insuffisances de l’approche biomédicale dominante, amenant à une prise de conscience généralisée de la nécessité d’une autre approche, est cependant confrontée à d’importantes résistances en lien avec des positions de pouvoir et des territoires protégés (« l’empire Alzheimer »), les intérêts des firmes pharmaceutiques, le rêve de la jeunesse éternelle (dans le contexte d’une société centrée sur l’efficacité, la compétition, l’individualisme, l’argent), la médicalisation galopante du fonctionnement psychologique et l’apparent sentiment de cohérence que cette médicalisation fournit aux personnes confrontées aux aspects problématiques du vieillissement.

frame-copie-1.JPG

Van Gorp, B., & Vercruysse T. (2011). Framing et reframing: communiquer autrement sur la maladie d’Alzheimer. Fondation Roi Baudouin

http://kbs-frb.be/uploadedFiles/KBS-FRB/05%29_Pictures,_documents_and_external_sites/09%29_Publications/POD-2048-Framing-Fr.pdf

 

 

 

 

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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 16:05

Amis du Plat Pays (qui est aussi le nôtre),


Ce lundi 3 mai, l'émission "Tout autre chose"
sur La PRem1èRe de la RTBF recevait le Pr M. Van der Linden, qui a pu y exposer en détail sa position quant au "Mythe de la maladie d'Alzheimer" et aux nouvelles approches du vieillissement cérébral, et répondre à diverses interventions d'auditeurs. Vous pouvez accéder à ce document en cliquant sur ce lien.

rtbf

 


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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 16:00

Vous signale l'émission "Devine qui vient dîner" sur RSR - La première (première chaîne de la radio romande) du 30 avril 2010, intitulée "L'engagement tous azimuts". En deuxième partie, il est abondamment question de l'association VIVA et de ses projets, mais aussi, plus largement, des positions que nous défendons dans la lignée du "Mythe de la maladie d'Alzheimer"... L'émission peut être baladodiffusée (cliquer ici) .

 

rsr

 


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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 20:35

De plus en plus de voix se rejoignent pour considérer que le vieillissement cérébral problématique (étiqueté sous le terme impropre de « démence ») dépend de très nombreux facteurs liés à l’âge, mais aussi pour remettre en question l’existence de « maladies neurodégénératives spécifiques » comme la maladie d’Alzheimer. Même l’Association Alzheimer états-unienne le reconnaît dans un rapport daté de 2010, « Alzheimer’s disease. Facts and Figures. » (information reprise du blog de Peter Whitehouse et Daniel George). En effet, dans ce rapport, on trouve le passage suivant : « Bien que la maladie d’Alzheimer soit la forme la plus courante de démence, des données émergent pour suggérer que l’attribution de la démence à des types spécifiques n’est peut-être pas aussi claire qu’on ne le croyait (Viswanathan, Rocca, & Tzourio, 2009) ». Cette section du rapport discute ainsi du fait qu’un grand nombre de personnes âgées présentant une « démence » montrent une combinaison de plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires, de lésions vasculaires, de caractéristiques classiquement associées à la maladie de Parkinson et à la démence à corps de Lewy, ainsi que d’autres pathologies liées à l’âge (l’étude de Schneider et al., 2007, y est mentionnée, mais d’autres études ayant obtenu les même résultats peuvent être trouvées dans l’article récente de Fohuji, Hachinski & Whitehouse, 2009). Le rapport de l’Association Alzheimer poursuit en ces termes : «  Il y a des raisons de croire que les causes de la démence peuvent être bien plus complexes que ce qu’on croyait initialement ». Enfin, comme on peut le lire dans « Le mythe de la maladie d’Alzheimer »,  il existe de nombreuses incertitudes et controverses quant au rôle précis des différentes caractéristiques observées dans le cerveau des personnes présentant des troubles cognitifs (une « démence) et, notamment, quant au rôle des plaques séniles (et de la protéine bêta-amyloïde) et des dégénérescences neurofibrillaires (et de la protéine tau).

 

Et pourtant une page quasi entière du journal romand "Le Temps" du 20 avril est consacrée à l’entreprise zurichoise de biotechnologie Neurimmune sous le titre triomphant de « Neurimmune développe une nouvelle approche pour le traitement d’Alzheimer ». La légende de la photo du directeur et d’un des fondateurs indique :

 

« Dans l’idéal, un médicament arrivera sur le marché en 2017 ». Cette entreprise se donne pour objectif, via des prélèvements sanguins réalisés auprès de milliers de personnes très âgées et en très bonne santé, « de comprendre le bagage génétique dont elles disposent dans leur système immunitaire qui leur permet de ne pas tomber malade. Notre travail consiste à rechercher les anticorps capables de combattre des maladies spécifiques, tels Alzheimer et Parkinson […]. Une fois trouvé, nous copions exactement le matériel génétique de l’anticorps et testons son efficacité. Le meilleur anticorps est celui qui parvient à attaquer les plaques qui se forment entre les neurones et qui caractérisent Alzheimer […] ».

 

Un autre axe de recherche, pour lequel seront utilisés les 100.000 francs attribués par la banque Cantonale de Zurich pour récompenser l’innovation réalisée par cette entreprise, sera de développer un traitement contre l’apparition des protéines tau. L’enjeu économique de la maladie d’Alzheimer et de la maladie de Parkinson est clairement mis en avant dans l’article du Temps, qui indique notamment que la maladie d’Alzheimer constitue un marché de 6 milliards de dollars et qu’il pèsera 15 milliards en 2025.

 

En dépit des évolutions récentes qui suggèrent une autre approche du vieillissement cérébral et malgré l’absence de retombées significatives de l’approche biomédicale réductrice en termes de traitement, on voit comment les entreprises biotechnologiques poursuivent une démarche complètement réductionniste et catégorielle (qui postule l’existence de « maladies neurodégéneratives spécifiques »), probablement parce qu’elles sont « aveuglées » par l’ampleur du marché qu’elles pourraient accaparer. De façon plus spécifique, on peut s’interroger sur leur capacité d’examiner un très grand nombre de personnes très âgées et en très bonne santé, quand on sait que la probabilité d’atteindre le grand âge (85/90 ans et plus) sans handicap et sans « démence » est très faible, ce qui fait dire à Kuller et Lopez (2010) que ce qui est « anormal » est d’être sans incapacité et sans « démence » à cet âge.


Les entreprises biotechnologiques n’ont cependant pas le monopole de la pensée réductrice et catégorielle concernant le vieillissement cérébral. Toujours dans le journal Le Temps (édition du 13 avril 2010), le Professeur Richard Frackowiak, chef du service de Neurologie du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, met un grand espoir dans les technique d’imagerie dont il dispose, capables d’acquérir des images en trois dimensions, qui évoluent dans le temps et sur lesquelles on peut mesurer le métabolisme ou décrire l’anatomie locale. Plus spécifiquement, il indique que «nous voulons grâce à ces images médicales et à de nouvelles techniques d’analyse, détecter les premiers signes de la maladie d’Alzheimer avant même qu’elle ne se déclare ». Et il ajoute qu’un diagnostic plus précoce permettrait d’en retarder l’apparition de signes et symptômes.

 

On se demande bien par quels moyens… !

 

Par ailleurs, on est évidemment loin d’une approche qui aborde le vieillissement cérébral dans toute sa complexité et dans la perspective d’une évolution en continuum, aux caractéristiques extrêmement variables et sous l’influence d’une multitude de facteurs, pas uniquement biologiques.

 

Le mythe de la maladie d’Alzheimer est décidément bien vivant et l’empire qui le propage toujours très actif…

letemps neurimmune

 

Kuller, L.H., & Lopez, O.L. (2010). Commentary on « Developing a national strategy to prevent dementia : Leon Thal Symposium 2009. » Is dementia among older individuals 75+ a unique disease? Alzheimer’s & Dementia, 6, 142-144.

 

Schneider, J.A., Arvanitakis, Z., Bang, W., & Bennett, D.A. (2007). Mixed brain pathologies account for most dementia cases in community-dwelling older persons. Neurology, 69, 2197-2204.

 

Viswanathan, A., Rocca, W.A, & Tzourio, C. (2009). Vascular risk factors and dementia : How to move forward ? Neurology, 72, 268-274.

 

Fotuhi, M., Hachinski, V., & Whitehouse, P.J. (2009). Changing perspectives regarding late-life dementia. Nature Reviews. Neurology, 5, 649-658.

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 11:39

Sur son site, qui traite de manière approfondie de questions relatives à la vieillesse et à sa place dans la société,

Jérôme Pellissier a fait une analyse très détaillée du "Mythe de la maladie d'Alzheimer", sans masquer certaines des limites de ce livre. 

 

Vers l'article de Jérôme Pellissier

 

 

jpmythe-copie-1.JPG

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4 avril 2010 7 04 /04 /avril /2010 19:48

Grâce à la plume alerte et engagée de Daniel Carré, le mythe fait son entrée dans l'espace blog de Mediapart :

 

http://www.mediapart.fr/club/blog/daniel-carre/310310/le-mythe-de-la-maladie-d-alzheimer-ce-qu-ne-vous-dit-pas-sur-ce-diagno

 

 

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