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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 21:52

Il existe des données suggérant qu’une consommation légère à modérée d’alcool puisse réduire le risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique  ou de « démence » (voir la méta-analyse de Peters et al., 2008). Comme l’indiquent Weyerer et al. (2011), cet effet protecteur peut être lié à différents mécanismes directs et indirects : une concentration accrue de lipoprotéines sériques de haute densité, un taux réduit de cholestérol, un effet bénéfique sur le fonction plaquettaire, de coagulation et de fibrinolyse et une meilleure sensibilité à l’insuline. Par ailleurs, les composantes non alcooliques peuvent avoir des propriétés anti-oxydantes, anti-inflammatoires et vaso-relaxantes. Il subsiste cependant des interrogations quant aux effets spécifiques des différents types de boissons alcoolisées, telles que le vin, la bière et les spiritueux. Certaines études ont uniquement montré un effet positif du vin ,qui peut être dû à la fois au niveau d’éthanol, à la composition complexe du vin ou au style de vie plus sain observé chez les consommateurs de vin.

 

De plus, on ne sait pas si l’association entre une consommation légère à modérée d’alcool et la diminution du risque de « démence » s’observe aussi chez les personnes âgées de plus de 75 ans, la méta-analyse de Peters et al. ayant inclus des personnes de moins de 75 ans.

 

Dans cette perspective, Weyerer et al. (2011) ont exploré le lien entre consommation d’alcool (y compris la quantité et le type d’alcool) et la survenue d’une « démence » chez des personnes initialement « non-démentes » et ayant eu recours à un médecin généraliste. Les critères d’inclusion étaient, outre l’âge (75 ans et plus), d’avoir eu au moins un contact avec un médecin généraliste durant les 12 derniers mois et de ne pas avoir de « démence » (via l’utilisation par le généraliste d’un instrument validé de dépistage). 

 

Lors de l’évaluation initiale (ligne de base), 3’327 personnes ont été interrogées à domicile par des investigateurs entraînés (médecins, psychologues et gérontologues) et elles ont été réévaluées 1.5 ans et 3 ans plus tard. Les informations sur le statut cognitif des personnes qui sont décédées entre-temps ont été obtenues auprès des membres de la famille, des soignants ou des médecins généralistes.

 

La consommation actuelle d’alcool a été évaluée via la question suivante : « Actuellement, combien de jours par semaine consommez-vous de l’alcool ? Jamais / 1-2 jours / 3-4 jours / 5-6 jours / 7 jours / je ne sais pas). Les personnes qui consommaient de l’alcool ont ensuite été soumises à la question suivante : «  Quand vous buvez, combien d’alcool buvez-vous en moyenne ? ». La fréquence de consommation d’alcool et la quantité de vin, bière et spiritueux ont ainsi été déterminées. Les données ont été converties en une mesure uniforme de grammes par jour (une boisson standard étant considérée comme contenant 10 g d’alcool). Ont été distinguées les quantités consommées suivantes : abstinent / 1-9 g / 10-19 g / 20-29 g / 30-39 g / 40 g ou plus. Par ailleurs, les types d’alcool consommés ont également été distingués : abstinent / vin (uniquement) / bière (uniquement) / mélange (vin, bière et autres boissons alcoolisées).

 

Le diagnostic de « démence » et de « trouble cognitif léger » (Mild Cognitive Impairment, MCI) a été établi selon les critères classiques. En outre, ont également été évalués : le niveau de scolarité, la situation de vie (isolé(e) ou non), la consommation de tabac (oui / non / je ne sais pas), la dépression (version courte de la GDS), les activités de base de la vie quotidienne (IADL, échelle à 8 items), les co-morbidités (via le médecin généraliste : pas de co-morbidité / 1-4 diagnostics / plus de 5 diagnostics) et le statut ApoE (au moins un allèle E4 versus pas d’allèle E4).

 

Lors de la ligne de base, 3’202 personnes étaient sans démence et les informations relatives à la consommation d’alcool ont été obtenues auprès de 3’180 personnes : 50% d’abstinents, 24.8% consommant moins d’un verre (10 g) par jour, 12.8% 10-19 g, et 12.4% 20 g ou plus. Un petit sous-groupe de 25 personnes consommaient un taux problématique d’alcool (plus de 60 g par jour pour les hommes et plus de 40 g pour les femmes). Par ailleurs, presque la moitié des consommateurs d’alcool (48.6%) buvaient du vin uniquement, 29% de la bière uniquement et 22.4% des alcools divers.

 

Durant la période de suivi de 3 ans, 217 cas de « démence » ont été identifiés (111 ayant reçu un diagnostic de prétendue « maladie d’Alzheimer »). Par ailleurs, après avoir contrôlé les différents facteurs possiblement confondants (sociaux, de santé physique et mentale, de style de vie,  génétique), les analyses univariées et multivariées montrent que la consommation d’alcool est significativement associée à une incidence plus faible de « démence » (risque relatif ajusté : 0.71, 95%, CI 0.53-0.96). Plus spécifiquement, la consommation d’alcool est significativement associée à des facteurs protecteurs de « démence » (niveau plus élevé d’éducation, ne pas vivre seul, absence de dépression), mais, même après avoir contrôlé ces facteurs (et les autres), la consommation d’alcool prédit un risque plus faible de « démence » (diminution de 29% du risque pour la « démence » en général, et de 42% pour la « maladie d'Alzheimer »).

En ce qui concerne la quantité d’alcool, tous les risques relatifs sont inférieurs à 1 (indiquant un effet bénéfique), mais une association statistiquement significative n’est observée que chez les personnes consommant entre 20 et 29 g par jour (2 à 3 verres par jour). Pour ce qui est des types de boissons alcoolisées, les risques relatifs sont également tous inférieurs à 1, mais une association statistiquement significative n’est observée que pour la consommation d’alcools divers.

 

L’intérêt de cette étude est d’avoir exploré un grand nombre de personnes et contrôlé de nombreux facteurs possiblement confondants. Néanmoins, elle comporte quelques limites : seulement 50% des personnes ont consenti à participer au sein de l’échantillon initialement sélectionné de façon aléatoire et l’évaluation de la consommation d’alcool était auto-rapportée. Il faut enfin relever, comme l’indiquent les auteurs, que la relation entre consommation d’alcool et risque moindre de « démence » n’est pas nécessairement de nature causale : il se pourrait, en effet, que les participants qui consomment de l’alcool aient un style de vie plus sain au plan physique, nutritionnel, social ou cognitif. Une étude d’intervention randomisée contrôlée (avec contrôle de la dose d’alcool) n’étant pas réalisable tant d’un point de vie éthique que pratique, une étude observationnelle prospective et longitudinale constitue la seule alternative. Des recherches futures devraient dès lors inclure un contrôle plus précis de facteurs en lien avec le style de vie des personnes.

 

weyerer.jpg

 

Peters, R., Peters, J., Warber, J., Beckett, N, & Bulpitt, Ch. (2008). Alcohol, dementia and cognitive decline in the elderly: a systematic review. Age and Ageing, 37, 505-512. 

Weyerer, S., Schäufele, M., Wiese, B., Maier, W., Tebarth, F., van den Bussche, H., et al., for the German AgeCoDe Sudy Group (German Study on Ageing, Cognition and Dementia in Primary Care Patients) (2011). Current alcohol consumption and its relationships to incident dementia: results from a 3-year follow-up study among primary care attenders aged 75 years and older. Age and Ageing, sous presse (doi: 10.1093/ageing/afr007).

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 07:13

Il existe de très nombreuses données indiquant que l’anxiété (qu’elle soit associée à un trait de personnalité ou à un état émotionnel transitoire) conduit à une perturbation des performances dans de nombreuses tâches cognitives. De façon plus spécifique, il a aussi été montré que l’anxiété était associée à une diminution du fonctionnement cognitif chez les personnes âgées et qu’elle pouvait prédire le déclin cognitif lié à l’âge ainsi qu’un vieillissement cérébral/cognitif problématique ou une « démence » (voir Beaudreau & O’Hara, 2008).

 

Ainsi, par exemple, dans une étude prospective menée auprès de 1’160 personnes issues de la communauté et âgées de 48 à 76 ans lors de l’évaluation initiale, Gallacher et al. (2009) ont montré que l’anxiété-trait (évaluée au moyen de l’échelle trait de la STAI : State Trait Anxiety Inventory) était significativement reliée, 17 ans plus tard, à la présence d’un trouble cognitif sans « démence » et d’une « démence » (évalués selon les critères classiques).

L’association entre l’anxiété et les troubles cognitifs (avec ou sans « démence ») a été observée pour des scores d’anxiété supérieurs au centile 30.  Par ailleurs, cette association a été mise en évidence après avoir contrôlé de nombreux facteurs possiblement confondants: facteurs de risque vasculaires (pression sanguine, indice de masse corporelle, cholestérol total), consommation d’alcool, classe sociale, tabagisme, maladies vasculaires antérieures, souffrance psychologique (échelle de santé générale GHQ30, incluant la dépression), fonctionnement cognitif pré-morbide, statut ApoE. De plus, l’association s’est maintenue quand ont été retirées les personnes ayant des difficultés cognitives lors de l’évaluation initiale (ligne de base). Même si les auteurs ont contrôlé le facteur « dépression » via l’échelle GHQ30, ils reconnaissent néanmoins que des études futures devraient examiner plus avant dans quelle mesure l’association entre anxiété et troubles cognitifs est indépendante de la dépression.

 

Dans une étude prospective plus récente, Pietrzak et al. (2011) ont mis en évidence que des symptômes d’inquiétude, même légers, pouvaient prédire l’existence d’un déclin cognitif précoce chez des personnes âgées issues de la communauté. Lors de l’évaluation initiale et après une et deux années, ils ont administré à 263 personnes âgées de 50 ans et plus, sans troubles cognitifs liées à un problème neurologique ou médical, une échelle d’évaluation des inquiétudes (Penn State Worry Questionnaire), ainsi que qu’une échelle (Patient Health Questionnaire-9, PHQ-9) évaluant la présence de symptômes dépressifs durant les deux dernières semaines. Du fait de la distribution asymétrique des données, l’échantillon a été scindé, via une procédure de « median split » (division par la médiane), en deux groupes à la propension aux inquiétudes minimale versus légère, ainsi qu’en deux groupes avec dépression minimale versus légère.

Par ailleurs, les personnes ont également été soumises, durant les mêmes périodes, à une batterie de tests cognitifs (résistant aux effets de pratique liés à la répétition des tests) évaluant la vitesse psychomotrice (temps de réaction simple), l’attention visuelle (temps de réaction complexe), la mémoire épisodique visuelle (en reconnaissance), l’apprentissage d’associations images/localisations, la mémoire épisodique verbale (rappel de liste de mots, en rappel immédiat et différé ; tâche administrée uniquement lors de la visite à 2 ans) et la mémoire de travail (tâche « one-back »).

 

Les résultats montrent qu’une propension légère aux inquiétudes, évaluée lors de la ligne de base,  est associée à de moins bonnes performances et à un déclin significatif (tout au long du suivi) à la tâche d’apprentissage d’associations images/localisations : de façon plus spécifique, les personnes avec une propension légère aux inquiétudes ont une probabilité 3.8 fois plus importante de montrer un déclin dans la performance à la tâche d’association images/localisations que les personnes présentant une propension mimimale aux inquiétudes. En outre, les personnes âgées présentant une propension légère aux inquiétudes obtiennent également des performances inférieures, lors du suivi à 2 ans, dans la tâche de rappel verbal différé d’une liste de mots. De plus, l’association entre la propension aux inquiétudes et le déclin cognitif dans la tâche d’association images/localisations est indépendante de la performance cognitive lors de la ligne de base, ainsi que de la présence de symptômes dépressifs  Enfin, la performance en mémoire de travail constitue un médiateur entre les manifestations d’inquiétudes et la tâche d’apprentissage d’associations images/localisations. Ce résultat est compatible avec l’interprétation selon laquelle l’anxiété et les inquiétudes interfèrent avec la composante exécutive (« central executive ») de la mémoire de travail.

 

Cette étude présente certaines limites et notamment une variance assez réduite, tant des inquiétudes que des symptômes dépressifs, et une procédure de « median split » pouvant réduire la puissance statistique. Néanmoins, cette recherche met en évidence le rôle des inquiétudes légères dans le déclin cognitif et ajoute ainsi un facteur de plus à la multitude de facteurs impliqués dans le déclin cognitif des personnes âgées.

 

De manière plus générale, les études que nous avons présentées suggèrent la mise en place de travaux visant à mieux comprendre le rôle de l’anxiété dans le fonctionnement cognitif des personnes âgées, et ce en se fondant sur les conceptions théoriques les plus récentes qui intègrent la contribution de la motivation (tâches plus ou moins exigeantes et tâches ayant des buts plus ou moins clairs ; voir Eysenck & Derakshan, 2011). Il s’agirait également d’examiner la contribution des dimensions non cognitives (somatiques) de l’anxiété, qui ont été mises en relation avec des difficultés de stockage à court terme de l’information visuospatiale, en tout cas chez des personnes jeunes (Shackman et al., 2006).

 

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Beaudreau, S.A., & O’Hara, R. (2008). Late-life anxiety and cognitive impairment: A review. American Journal of Geriatric Psychiatry, 16, 790-803.

Eysenck, M.W., & Derakshan, N, (2011). New perspectives in attentional control theory. Personality and Individual Differences, 50, 955-960.

Gallacher, J., Bayer, A., Fish, M., Pickering, J., Pedro, S., Dunstan, F., Ebrahim, S., & Bem-Shlomo. Y. (2009). Does anxiety affect risk of dementia) Findings from the Caerphilly prospective study. Psychosomatic Medicine, 71, 659-666.

Pietrzak, R.H., Maruff, P., Woodward, M., Fredrickson, J., Fredrickson, A., Krystal, J.H., Southwick, S.M., & Darby, D. (2011), Mild worry symptoms predict decline in learning and memory in healthy older adults: A 2-year prospective cohort study. American Journal of Geriatric Psychiatry, sous presse (doi: 10.1097/JGP.0b013e3182107e24).

Shackman, A., Sarinopoulos, I., Maxwell, J.S., Pizzagalli, D.A., Lavric, A., & Davidson, R.J. (2006). Anxiety selectively disrupts visuospatial working memory. Emotion, 6, 40-61.

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 08:15

Il existe de nombreuses données suggérant que les personnes âgées qui sont le plus socialement actives présentent moins de déclin cognitif et sont moins à risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique ou de « démence » (voir par ex. Fratiglioni et al., 2004 ; Lovden et al., 2005 ; Saczynski et al., 2006 ; voir aussi notre chronique « Les effets bénéfiques des contacts et soutiens sociaux sur le fonctionnement cognitif tant chez les adultes jeunes que chez les personnes âgées »).

Cependant, plusieurs experts ont considéré que les données existantes n’étaient pas concluantes du fait d’évaluations cognitives trop peu élaborées et/ou de périodes de suivi trop courtes. En outre, les données obtenues pourraient s’interpréter en postulant une causalité inverse (c’est-à-dire le fait que l’activité sociale serait limitée du fait de la présence d’un déclin cognitif préalable à l’exploration) ou la présence de facteurs confondants non évalués.

 

Il s’avérait donc nécessaire d’entreprendre de nouvelles études en évitant les limites méthodologiques des recherches précédentes. C’est ce à quoi se sont attaqués James et al. (2011).

Dans le contexte du projet longitudinal « Rush Memory and Aging Project », les auteurs ont examiné l’association entre l’activité sociale et le déclin cognitif chez 1138 personnes âgées, issues de la communauté, ayant un âge moyen de 79.6 ans (E.T. = 7.5) et étant sans « démence » lors de l’évaluation initiale (score moyen au MMSE : 27.9 ; E.T. = 2.1). Ces personnes ont été suivies jusqu’à un maximum de 12 années (moyenne = 5.2 ans ; E.T.= 2.8) et elles ont fait l’objet de 2 à 13 évaluations annuelles.

 

La fréquence de l’activité sociale a été évaluée au moyen d’une échelle dans laquelle les personnes devaient estimer la fréquence avec laquelle elles s’étaient engagées, l’année précédente, dans 6 activités courantes impliquant des interactions sociales : 1. aller au restaurant, se rendre à des événements sportifs ou encore participer à des jeux de carte ; 2. partir en excursion un ou deux jours ; 3. effectuer un travail communautaire non rémunéré ou bénévole ; 4. rendre visite à des membres de sa famille ou à des amis ; 5. participer à des groupes de personnes âgées, à des œuvres de charité ou à des structures similaires ; 6. aller à des services religieux. Les personnes devaient évaluer leur engagement social dans ces différentes activités sur une échelle à 5 niveaux : 1. une fois par an ou moins ; 2. plusieurs fois par an ; 3. plusieurs fois par mois; 4. plusieurs fois par semaine ; 5. chaque jour ou pratiquement chaque jour. Les items étaient sommés et divisés par le nombre total d’items, afin d’obtenir un score composite d’activité sociale (un score plus élevé indiquant davantage d’activités).

 

Le fonctionnement cognitif a été évalué annuellement au moyen d’une batterie de 21 tests standardisés. Les scores à 19 tests ont été utilisés afin de créer un indice de fonctionnement cognitif global, ainsi que des indices associés à 5 domaines cognitifs spécifiques (la mémoire épisodique, la mémoire sémantique, la mémoire de travail, la vitesse perceptive et la capacité visuo-spatiale).

Le diagnostic de démence (critère d’exclusion lors de la ligne de base) et de MCI (« Mild Cognitive Impairment ») a été déterminé via un processus en trois étapes incluant des résultats à des tests cognitifs, le jugement clinique d’un neuropsychologue expérimenté et une classification diagnostique par un clinicien expérimenté, et ce à partir des critères classiques de diagnostic.

 

Une série de variables, pouvant jouer un rôle confondant dans la relation entre activité sociale et déclin cognitif, ont été évaluées lors de la ligne de base : la taille du réseau social (nombre d’enfants, de membres de la famille et d’amis vus au moins une fois par mois) ; la symptomatologie dépressive (échelle CESD) ; le nombre total de problèmes médicaux parmi 7 (diabète, hypertension, maladie cardiaque, cancer, maladie de la thyroïde, traumatisme crânien et accident vasculaire cérébral) ; les incapacités fonctionnelles (l’indépendance dans 6 activités basiques de la vie quotidienne : marche, bain, habillage, nourriture, se rendre du lit à une chaise et aller à la toilette) ; les traits de personnalité de neuroticisme et d’extraversion (sous-échelles du NEO) ; participation à des activités stimulantes (p. ex., lire un livre ou se rendre dans une bibliothèque ; un score global sur les différents items a été établi à partir d’une évaluation sur une échelle à 5 niveaux, avec le niveau 5 indiquant une participation à l’activité chaque jour ou quasiment et le niveau 1 une fois par an ou moins ; les items ayant une composante sociale, tels que se rendre à un concert, ont été enlevés) ; la fréquence de l’activité physique (participation durant les deux dernières semaines à 5 activités, dont la marche ou la gymnastique suédoise, avec le nombre de fois et le temps moyen par occasion : une mesure du nombre d’heures d’activité physique par semaine a été ensuite calculé) ; le revenu  total familial (13 % des personnes n’ont pas fourni cette information).

 

Les analyses (modèles linéaires mixtes contrôlant le rôle confondant possible d’une série de variables décrites précédemment : statut socioéconomique, taille du réseau social, santé, incapacités fonctionnelles, affect, personnalité et activités cognitives et physiques) montrent qu’une activité sociale plus fréquente est associée un déclin cognitif moindre durant la période de suivi d’une durée moyenne de 5.2 ans. Plus spécifiquement, l’augmentation d’un point dans le score d’activité sociale (étendue : 1 - 4.2) est associée à une réduction de 47% du taux de déclin dans le fonctionnement cognitif global. De plus, le taux de déclin cognitif est réduit en moyenne de 70% chez les personnes qui étaient fortement actives au plan social (score = 3.33, centile 90) en comparaison aux personnes qui l’étaient peu (score = 1.83, centile 10). Par ailleurs, l’association entre l’activité sociale et le déclin cognitif est similaire pour les 5 domaines cognitifs.

 

Des analyses de sensibilité montrent que cette association entre activité sociale et déclin cognitif subsiste quand on retire de l’analyse les personnes qui, lors de l’évaluation initiale (ligne de base), présentaient le niveau cognitif le plus bas (30% des personnes) ou qui avaient reçu le diagnostic de « MCI » : ces résultats sont donc en désaccord avec l’hypothèse de la causalité inverse selon laquelle la réduction de l’activité sociale serait causée par la présence de difficultés cognitives préalables.

L’intérêt de cette étude est d’avoir établi une méthodologie évitant les limites des études précédentes : suivi relativement long, avec, en moyenne, 6 évaluations annuelles par personne, ce qui augmente la capacité de détecter des changements dans le déclin cognitif ; une évaluation cognitive très approfondie, au moyen de tests standardisés et couvrant différents domaines cognitifs ; le contrôle d’un grand nombre de variables confondantes, ce qui a notamment permis de montrer que la contribution de l’activité sociale au déclin cognitif était indépendante de l’activité physique et cognitive ; la mise en place d’analyses de sensibilité afin de tester l’hypothèse de la causalité inverse : l’exploration d’une grande cohorte de personnes âgées issues de la communauté, sans « démence » lors de la ligne de base, et avec un taux élevé de participation (84%) lors du suivi.

Les auteurs reconnaissent cependant que l’hypothèse de la causalité inverse et la contribution de possibles variables confondantes ne peuvent totalement être exclues du fait du design « observationnel » de cette étude. Par ailleurs, si l’activité sociale a bien un rôle causal dans la réduction du déclin cognitif, la nature des mécanismes impliqués reste à déterminer : réserve cognitive/cérébrale, sentiment d’avoir un but dans la vie avec réduction concomitante du stress, activité physique au-delà de ce qui a été évalué, etc.

 

Les limites de cette étude sont notamment d’avoir évalué l’activité sociale au moyen d’une auto-évaluation. De plus, la population examinée était âgée de près de 80 ans, ce qui faisait peut-être de ces personnes âgées des individus ayant un vieillissement « optimal », avec une activité sociale plus importante que la population générale de 65 ans et plus. Enfin, l’activité sociale n’a pas été évaluée avant la vieillesse, ce qui ne permet pas d’identifier l’importance du moment de mise en place de cette activité et de sa durée tout au long de la vie.

 

Quoi qu’il en soit, cette recherche fournit des données convaincantes indiquant qu’un style de vie socialement actif peut aider à prévenir le déclin cognitif durant la vieillesse. C’est clairement dans cette perspective que nous proposons aux personnes âgées, dans la commune de Lancy dans laquelle nous vivons et dans le cadre de l’Association VIVA que nous avons créée, une série d’activités ayant une forte composante sociale, y compris dans une perspective intergénérationnelle (voir notre chronique « VIVA : Valoriser et Intégrer pour Vieillir Autrement »).   

 

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©VIVA2010

Fratiglioni, L., Paillard-Borg, S., & Winblad, B. (2004). An active and socially integrated lifestyle in late life might protect against dementia. The Lancet Neurology, 3, 343-353. 

James, B.D., Wilson, R.S., Barnes, L.L., & Bennett, D.A. (2011). Late-life social activity and cognitive decline. Journal of the International Neuropsychological Society, 17, 998-1005.

Lovden, M., Ghisletta, P., & Lindenberger, U. (2005). Social participation attenuates decline in perceptual speed in old and very old age. Psychology and Aging, 20, 423-434.

Saczinsky, J.S., Pfeifer, L.A., Masaki, K., Korf, E.S., Laurin, D., White, L., & Launer, L.J. (2006). The effect of social engagement on incident dementia. American Journal of Epidemiology, 163, 433-440.

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18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 21:34

Les manifestations plus ou moins problématiques du vieillissement cérébral/cognitif sont modulées par de multiples facteurs, dont l’alimentation (voir notre chronique « Quand une combinaison spécifique d’aliments et de nutriments semble réduire le risque de vieillissement cérébral problématique »). En particulier, différentes études ont montré que l’adhérence à un régime alimentaire méditerranéen était associée à un risque moindre de « démence » et notamment de « maladie d’Alzheimer » (Scarmeas et al., 2006 a et b ; Scarmeas et al., 2009). 

    

Les effets protecteurs de ce type de régime pourraient s’exercer via une réduction des maladies cérébrovasculaires. En effet, une adhérence plus élevée à ce régime est liée à un moindre risque d’obésité, de syndrome métabolique, de dyslipidémie, d’hypertension, de métabolisme anormal du glucose, de diabète et de maladie coronarienne. Par ailleurs, un nombre croissant de recherches ont mis en évidence la contribution de facteurs de risque vasculaires à la « démence » et en particulier à la prétendue « maladie d’Alzheimer  (voir nos chroniques « Une confirmation de l’impact des facteurs vasculaires sur la présence et l’évolution de la soi-disant maladie d’Alzheimer » et « De nouveaux éléments appuyant la relation entre risques / troubles vasculaires et risque de démence et de maladie d’Alzheimer »).

 

Cependant, Scarmeas et al. (2006 b) n’ont pas observé que la comorbidité vasculaire, établie par l’histoire médicale, constituait un médiateur des liens entre régime méditerranéen et « maladie d’Alzheimer », ce qui suggère que d’autres mécanismes seraient impliqués tels que des processus oxydatifs ou inflammatoires. Néanmoins, il se pourrait aussi que les variables vasculaires examinées cliniquement par les auteurs n’aient pas été suffisamment sensibles.

Dans cette perspective, Scarmeas et al. (2011) ont examiné l’association entre le régime méditerranéen et la présence d’infarctus cérébraux identifiés via l‘Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) chez des personnes âgées issues de la population de New York (des personnes participant à une sous-étude d’imagerie du « Washington Heights/Hamilton Heights Columbia Aging Project, WHICAP»).

 

Une IRM structurelle à haute résolution a été obtenue auprès de 707 personnes âgées de 65 ans et plus. Des informations sur le régime alimentaire ont par ailleurs été recueillies en moyenne 5.8 ans avant l’IRM. Sur base des réponses à un questionnaire évaluant la consommation de différents aliments et en prenant en compte les aliments bénéfiques (fruits, légumes, légumineuses, céréales, poissons et consommation légère/modérée d’alcool) et néfastes (produits laitiers, viande, consommation de graisses saturées),  les participants ont été scindés en trois groupes en fonction de leur adhérence au régime méditerranéen (basse, moyenne et élevée).

 

Les résultats montrent que 222 participants ont eu au moins un infarctus cérébral. Par ailleurs, les participants qui montraient une adhérence moyenne au régime méditerranéen avaient une probabilité réduite de 22% d’avoir un infarctus cérébral et cette réduction était de 36% pour les personnes présentant une adhérence élevée. L’association entre adhérence au régime méditerranéen et infarctus subsistait quand on contrôlait pour l’influence possible de l’âge, du genre, de l’appartenance ethnique, de la scolarité, du génotype ApoE, de l’indice de masse corporelle, de la durée entre l’évaluation du régime et l’IRM, des facteurs de risque vasculaires (tabagisme, hypertension, diabète et maladie cardiaque), des niveaux de lipides plasmatiques et de l’activité physique. Cette association ne variait pas en fonction de la taille de l’infarctus, ni après avoir exclu les personnes avec une « démence » ou un AVC clinique. Enfin, les auteurs n’ont pas constaté de lien entre le régime méditerranéen et la présence de foyers hyperintenses de la substance blanche.

 

En conclusion, il apparaît que l’adhérence au régime méditerranéen est associée à un niveau moindre de maladie cérébrovasculaire, et ce après avoir contrôlé l’influence des comorbidités vasculaires. Il faut par ailleurs relever qu’aucun des aliments du régime méditerranéen considéré isolément n’est associé à la présence d’infarctus, ce qui confirme l’importance pour la santé d’une association spécifique entre aliments ou nutriments, plutôt que d’aliments ou de nutriments isolés.

 

Les auteurs reconnaissent qu’ils ne peuvent totalement exclure l’influence du statut socioéconomique ou d’autres caractéristiques en lien avec le style de vie, même s’ils ont contrôlé l’influence de la scolarité, du tabagisme et de l’appartenance ethnique, En fait, seuls des essais cliniques randomisés contrôlés pourraient réellement aborder une réponse à cette question.

 

Dans un éditorial commentant les résultats de Scarmeas et al., Barnes (2011) indique que l’étude de Scarmeas et al. est importante car elle apporte un éclairage sur le mécanisme (en l’occurrence un mécanisme vasculaire) par lequel le régime méditerranéen contribuerait à la prévention du vieillissement cérébral/cognitif problématique (de la « démence »). Elle ajoute cependant qu’il serait important de suivre les personnes qui présentent une adhérence faible à ce régime et des infarctus cérébraux, afin de voir s’ils ont une plus grande probabilité de développer une « démence ». Elle s’interroge aussi sur les raisons de l’absence de lien entre l’adhérence au régime méditerranéen et la présence de foyers hyperintenses de la substance blanche (lesquels seraient la conséquence des effets chroniques d’une maladie des petits vaisseaux, alors que les infarctus cérébraux seraient la conséquence d’une maladie des gros vaisseaux). Enfin, elle relève que la majorité des travaux sur les liens entre régime méditerranéen et « démence » ont été réalisés sur la cohorte WHICAP, au sein de la petite entité géographique de New York, dont le profil diététique ne reflète peut être pas celui présent dans d’autres régions.

Néanmoins, Barnes considère que des interventions de prévention focalisées sur le régime de type méditerranéen (ou proche de ce régime ; voir notre chronique « Quand une combinaison spécifique d’aliments et de nutriments semble réduire le risque de vieillissement cérébral problématique ») sont à encourager, car elles sont à très faible risque et ont un potentiel élevé de bénéfice, elles sont peu coûteuses et pourraient réduire le risque d’autres problèmes que la « démence », comme les maladies cardiovasculaires et métaboliques (voir Sofi et al., 2010).

 

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Barnes, D.E. (2011). The Mediterranean diet: Good for the heart = Good for the brain ? Annals of Neurology, 69, 226-228 (Editorial).

Scarmeas, N., Stern, Y., Ming-Xin, T., Mayeux, R., & Luchsinger, J.A. (2006 a). Mediterranean diet and risk for Alzheimer’s disease. Annals of Neurology, 59, 912-921.

Scarmeas, N., Stern, Y., Mayeux, R., & Luchsinger, J.A. (2006 b). Mediterranean diet, Alzheimer’s disease, and vascular mediation. Annals of Neurology, 63, 1709-1717.

Scarmeas, N., Luchsinger, J.A., Schupf, N., Brickman, A.M., Cosentino, S., Ming-Xin, T., Stern, Y. (2009). Physical activity, diet, and risk of Alzheimer diease. Journal of the American Medical Association, 302, 627-637.

Scarmeas, N., Luchsinger, J.A., Stern, Y., Gu, Y., He, J., DeCarli, Ch., Brown, T., & Brickman, A.M. (2011). Mediterranean diet and magnetic resonance imaging-assessed cerebrovascular disease. Annals of Neurology, 69, 257-268.

Sofi, F., Abbate, R., Gensini, G.F., & Casini, A. (2010). Accruing evidence on benefits of adherence to the Mediterranean diet on health: an updated systematic review and meta-analysis. American Journal of Clinical Nutrition, 92, 1189-1196. 

 

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 17:10

Il existe de nombreuses données montrant quune activité mentale et une vie sociale riches et stimulantes peuvent contribuer à réduire le risque de « démence » (voir Valenzuela & Sachdev, 2006 a ; voir aussi nos chroniques « L’influence bénéfique du nombre d’années d’études sur le risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique », « Les liens entre la fréquence des activités cognitives et la survenue ou l’évolution d’un vieillissement cognitif/cérébral problématique », « Apprendre à utiliser un ordinateur et pratiquer des exercices physiques: des interventions bénéfiques au fonctionnement cognitif des personnes âgées » et « Des activités de loisirs stimulantes sur le plan cognitif, une vie sociale active et des activités physiques ont un effet protecteur sur le fonctionnement cognitif évalué 20 ans plus tard »). De plus, il a été observé que cette association était « dose-dépendante », le risque de « démence » diminuant en fonction des différents niveaux d’accroissement des activités stimulantes (Valenzuela & Sachdev, 2006 b).

 

Cependant, il est un point qui n’a pas été clarifié, à savoir l’importance relative des différentes composantes du style de vie cognitif enrichi, ainsi que les interactions éventuelles entre ces composantes. C’est ce sur quoi se sont penchés Valenzuela et al. (2011). Ces auteurs ont analysé les données sur le style de vie cognitif obtenues auprès de 12’600 personnes âgées de plus de 65 ans vivant en Angleterre et au Pays de Galles. Ces personnes ont été interrogées une première fois en 1991-1992 et ont été suivies sur une période de 10 ans afin de déterminer l’apparition d’une « démence » et sur une période de 12 ans pour déterminer le taux de mortalité.

 

En ce qui concerne le style de vie cognitif, des informations ont été obtenues sur l’étendue et l’intensité des activités en lien avec la scolarité (nombre d’années de scolarité), la profession (au milieu de la vie ; l’occupation professionnelle principale en nombre d’années, recodée en termes de statut et de complexité) et l’engagement social (durant la vieillesse ; fréquence des contacts avec les enfants et autres proches, fréquence des contacts individuels avec les voisins, fréquence de la participation à des réunions, associations ou autres événements sociaux). Les questions posées sur les composantes du style de vie constituent un sous-ensemble de celles contenues dans le « Lifetime of Experiences Questionnaire » qui a été élaboré ultérieurement (Valenzuela & Sachdev, 2007). Sur base des réponses à ces questions et d’opérations de recodage, trois sous-scores correspondant aux trois composantes explorées ont été établis de manière à ce qu’ils contribuent de façon similaire et non biaisée au score global de style de vie cognitif. Il est important de noter que les trois sous-scores sont faiblement inter-corrélés, ce qui suggère qu’ils mesurent des facettes du style de vie cognitif relativement indépendantes.

 

La présence d’une « démence » durant le suivi était déterminée au moyen de l’algorithme AGECAT (« Automated Geriatric Examination for Computer Assisted Taxonomy ». Par ailleurs, ont également été évalués la dépression, l’anxiété, la présence d’un traumatisme crânien et les facteurs de risque vasculaire (diabète, pression sanguine élevée, accident cardiaque, angine de poitrine, tabagisme).

 

Les résultats montrent qu’après contrôle de l’âge, du genre, de la période d’évaluation durant le suivi (2, 6 et 10 ans) et d’un score résumé de risque vasculaire, les personnes ayant un score global de style de vie cognitif enrichi plus élevé ont un risque diminué de 40% de développer une « démence ». Par ailleurs, un effet similaire est observé quand on considère uniquement deux composantes du score global (après avoir contrôlé l’influence de la troisième), que ce soit la combinaison de la scolarité et du métier ou la combinaison de la scolarité et de l’engagement social durant la vieillesse. La combinaison métier/engagement social n’est par contre pas significativement associée à l’incidence de « démence », quand on prend en compte le niveau de scolarité. De plus, aucune composante n’est à elle seule significativement associée au risque de « démence »., que ce soit avant ou après avoir ajusté pour les deux autres composantes. Les analyses de sensibilité montrent que l’exclusion des personnes qui ont reçu le diagnostic de « démence » durant la première période de suivi (période de 2 ans) ne modifie pas les résultats. Par ailleurs, aucune influence modératrice de la dépression (et autres problèmes émotionnels), des différents facteurs individuels de risque vasculaire (plutôt que d’un score résumé) ou d’antécédents de traumatisme crânien n’a été observée.

 

Selon les auteurs, l'absence d'influence d'une composante unique du style de vie cognitif sur le risque de "démence", alors qu'un tel effet a été observé dans certaines études (mais pas dans d'autres), pourrait être liée au taux modéré d'apparition de cas de "démence" dans la population qu'ils ont examinée (1.8% de  nouveaux cas par an, alors que dans la méta-analyse examinant l'effet du style de vie sur le risque de "démence" effectuée par Valenzuela & Sachdev, 2006a, ce taux variait de  0.2 à 4.9%). Ils ajoutent qu'une analyse complète des interactions entre les composantes du style de vie nécessiterait la mise en place d'une méta-analyse prenant en compte les données individuelles, les facteurs contextuels et la conception des études. Il faut par ailleurs relever qu’aucune association n’a été constatée entre le style de vie cognitif et la survie (le taux de mortalité) après l’établissement du diagnostic de « démence ». Les auteurs indiquent cependant que des études longitudinales plus complexes et de plus grande ampleur devraient être menées pour permettre d’identifier des effets probablement subtils et de dissocier les effets du style de vie cognitif sur le moment d’apparition de la « démence », sur la vitesse du déclin cognitif et sur le moment du décès, et ce en examinant les co-morbidités et en réalisant un suivi plus long.  

 

En dépit de certaines limites (notamment le fait que l’évaluation du style de vie cognitif était assez limitée et en tout cas pas aussi élaborée que celle fournie par le « Lifetime of Experiences Questionnaire »), il apparaît qu’un certain niveau d’enrichissement cognitif, au-delà du niveau de scolarité atteint en fin d’adolescence ou au début de l’âge adulte, est nécessaire pour aboutir à une prévention efficace du vieillissement cérébral/cognitif problématique

 

11.jpg©VIVA 2010

 

Valenzuela, M., & Sachdev, P. (2006a). Brain reserve and dementia: a systematic review. Psychological Medicine, 36, 441-454.

Valenzuela, M., & Sachdev, P. (2006b). Cognitive leisures activities, but not watching TV, for future brain benefits. Neurology, 67, 729.

Valenzuela, M., & Sachdev, P. (2007). Assessment of complex mental activity across the lifespan: development of the Lifetime of Experiences Questionnaire (LEQ). Psychological Medicine, 37, 1015-1025.

Valenzuela, M., Brayne, C., Sachdev, P., Wilcock, G., & Matthews, F. on Behalf of the Medical Research Council Cognitive Function and Ageing Study (2011). Cognitive lifestyle and long-term risk of dementia and survival after diagnosis in a multicenter population-based cohort. American Journal of Epidemiology, sous presse.

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 08:46

Nous avons montré précédemment (voir la chronique « Optimiser le vieillissement cérébral/cognitif… c’est aussi s’engager pour réduire les inégalités sociales ») que le statut socio-économique et la vulnérabilité sociale des personnes âgées étaient associés à un fonctionnement cognitif faible ou à un déclin cognitif.

 

Différents mécanismes, non exclusifs, ont été proposés pour expliquer l’association entre un statut socioéconomique plus élevé tout au long de la vie et un risque moindre de « démence » : la réserve cognitive apportée par des activités mentales plus complexes (scolaires, professionnelles et de loisirs), un style de vie plus sain (réduisant notamment les facteurs de risque vasculaires) ou encore un environnement précoce (intra-utérin et néonatal) plus favorable au développement cérébral et cognitif.

 

Dans une recherche basée sur les données de la « Sao Paulo Ageing & Health Study (SPAH) », Scazufca et al. (2011) ont exploré, auprès d’une population de personnes âgées de Sao Paulo, l’association entre divers indicateurs socio-économiques tout au long de la vie et la « démence », et ce en tentant également d’identifier des pistes causales.

 

Le Brésil est un des pays aux revenus moyens qui connaît un accroissement particulièrement rapide du nombre de personnes âgées. Les personnes âgées actuelles ont vécu des changements socio-économiques très marqués qui ont fait passer ce pays d’une société agraire rurale à une société urbaine diversifiée. Ainsi, la majorité des personnes de plus de 60 ans sont nées dans des zones rurales, mais vivent maintenant dans des centres urbains. L’espérance de vie pour les personnes nées entre 1950 et 1955 était de 51 ans, mais les estimations pour celles nées entre 2000 et 2005 ont grimpé à 71 ans. Par ailleurs, la malnutrition était endémique dans de vastes régions du pays durant la première moitié du 20ème siècle, particulièrement dans les régions rurales. Ainsi, beaucoup de personnes âgées vivant maintenant dans des centres urbains représentent celles qui ont survécu à une mortalité infantile élevée et qui ont enduré une situation socio-économique très difficile tout au long de leur vie, avec pas ou peu de scolarité et des métiers généralement peu qualifiés et peu rétribués. En comparaison aux personnes plus fortunées, elles ont aussi une moins bonne santé, un fonctionnement physique plus mauvais et ont moins accès aux soins de santé. Il s’agit donc d’une population qu’il est important d’étudier afin d’explorer le lien entre des carences socio-économiques précoces et le risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique (de « démence »).

 

La recherche de Scazufca et al. a porté sur 2005 participants recrutés dans des secteurs de l’arrondissement de Butanta au sein de la ville de Sao Paulo, qui avaient l’Indice de Développement Humain le plus bas et qui comportaient de nombreuses favelas. Ces personnes étaient âgées de 65 ans et plus (âge moyen : 72.2 ans) : 66.8% étaient nées en région rurale et 32.8% étaient illettrées.

 

Les évaluations ont été menées au domicile des participants. Une personne proche a été identifiée et interrogée sur le fonctionnement cognitif et quotidien de chaque participant. Il lui était également demandé de fournir des informations concernant l’histoire socioéconomique et le tabagisme du participant quand celui-ci ne pouvait pas les donner lui-même du fait de problèmes cognitifs. Les examinateurs (8 professionnels de la santé mentale et une infirmière) recevaient une formation approfondie, d’une durée d’un mois environ, concernant les différents aspects de l’évaluation des participants (évaluation de fonctionnement mental, y compris cognitif ; évaluations physiques et neurologiques). L’infirmière réalisait une évaluation anthropométrique, une mesure de la pression sanguine et une prise de sang, 2 à 15 jours après l’entretien et l’évaluation.

 

L’identification d’une « démence » a été réalisée selon une procédure précédemment validée et incluant une évaluation cognitive, un entretien structuré, une évaluation neurologique structurée, ainsi qu’une évaluation du fonctionnement dans la vie quotidienne, de la santé générale et du déclin cognitif. Par ailleurs, des informations ont été obtenues via des entretiens, un examen physique et un examen sanguin concernant : le statut socio-économique durant l’enfance (alphabétisation, lieu de naissance) et la période adulte (fonction professionnelle la plus élevée, revenu personnel actuel) ; les mesures anthropométriques en tant que marqueurs de l’environnement intra-utérin et infantile (circonférence de la tête, longueur de la jambe); le tabagisme, le diabète et l’hypertension. Un indice global de facteurs socio-économiques défavorables durant la vie (à partir des 6 facteurs suivants : alphabétisation, lieu de naissance, fonction professionnelle la plus élevée, revenu personnel actuel, circonférence de la tête, longueur de la jambe) a également été établi.

 

Les analyses, prenant en compte l’âge et le genre, ont mis évidence que tous les indicateurs de statut socio-économique, durant l’enfance et l’âge adulte, ainsi que les mesures de croissance corporelle, sont associés à un risque accru de « démence ». Par contre, aucune association n’a été observée ici entre le tabagisme, l’hypertension et le diabète et le risque de « démence ». Par ailleurs, l’association entre les facteurs socio-économiques défavorables durant la vie et la « démence » est cumulative : le risque de « démence » augmente régulièrement avec l’accumulation d’éléments défavorables. Plus spécifiquement, les personnes âgées qui ont été exposées à 5 ou 6 facteurs défavorables ont un risque au moins 7 fois plus élevé de développer une « démence » : ce résultat indique que le risque de « démence » est lié à différents facteurs non mutuellement exclusifs.

 

En outre, l’association entre les éléments socio-économiques défavorables durant l’enfance et la « démence » sont médiatisés par les éléments socio-économiques défavorables à l’âge adulte. Ce résultat est probablement relié à la réserve cognitive : l’illettrisme, largement déterminé par la région rurale de naissance et le niveau socio-économique faible des parents, aurait conduit à des métiers non qualifiés, peu rétribués, un faible revenu et, vraisemblablement, à peu d’accès à des activités de loisirs. On constate par ailleurs des associations, indépendantes des facteurs socio-économiques durant l’enfance et la période adulte, entre la circonférence de la tête et la longueur de la jambe et le risque de « démence » : ce résultat est compatible avec l’existence d’un développement cérébral précoce limité contribuant à un moins bon fonctionnement cognitif, et qui, une fois établi, peut difficilement être modifié. Selon les auteurs, la longueur de la jambe pourrait également être associée à un facteur de risque cardiovasculaire.

 

Cette étude n’est pas sans limites. Parmi elles, on peut mentionner une puissance statistique limitée pour certaines associations, ainsi que le caractère transversal de la recherche. Ces éléments pourraient notamment expliquer l’absence d’association entre les facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, hypertension, diabète) et le risque de « démence ». Plus particulièrement, en ce qui concerne le caractère transversal de l’étude, on peut supposer que les personnes présentant des facteurs de risque vasculaires sont décédées plus rapidement que les autres personnes, ce qui aurait contribué à affaiblir l’association.       

 

Néanmoins, ces données confirment que la prévention du vieillissement cérébral/cognitif problématique (la « démence ») doit aussi passer par une lutte contre les inégalités sociales, dès le début de la vie et se poursuivant tout au long de la vie ! 

 

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Scazufca, M., Menezes, P.R., Araya, R., Di Rienzo, V.D., Almeida, O.P., Gunnel, D., & Lawlor, D.A. (2008). Risk factors across the life course and dementia in a Brazilian population : results from the Sao Paulo Ageing & Health Study (SPAH). International Journal of Epidemiology, 37, 879-890. 

 

 

 

 

 

 

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 15:50

Dans une de nos chroniques précédentes (« Une mauvaise vision, non traitée, est associée à un vieillissement cérébral et cognitif problématique »), nous avons rapporté les résultats d’une étude qui indiquaient que la présence d’une mauvaise vision était significativement associée au risque de développer une « démence ».

 

Certains chercheurs ont également suggéré qu’une perte auditive, en réduisant l’input sensoriel et en entravant les interactions sociales, pourrait être associée au vieillissement cérébral/cognitif problématique (à la « démence »). Cependant, en dépit de la prévalence de la perte auditive chez les personnes âgées et du fait que ce problème reste souvent sans traitement, cette hypothèse n’avait jamais été explorée via une étude prospective. C’est ce à quoi se sont engagés Lin et al. (2011), en suivant longitudinalement une cohorte de personnes issues de la « Baltimore Longitudinal Study of Aging ».

 

Entre 1990 et 1994, 639 personnes âgées de 36 à 90 ans et sans « démence » ont été soumises à un test audiométrique. La perte auditive était définie par les seuils d’audition de sons purs à 0.5, 1, 2, et 4kHz dans la meilleure oreille : normal <25 dB (n=455) ; perte légère 25-40 dB (n=125) ; perte modérée 41-70 dB (n=53) ; perte sévère >70 (n=6). Durant la période de suivi d’une durée médiane de 11.6 ans, les personnes ont régulièrement été évaluées pour identifier la présence d’une « démence », d’abord tous les 2 ans, puis, dès 1997, tous les ans pour les personnes de plus de 80 ans, tous les 2 ans pour les personnes entre 60 et 80 ans et tous les 4 ans pour les personnes âgées de moins de 60 ans. Les personnes de plus de 65 ans recevaient un examen neuropsychologique et neurologique complet et celles de moins de 65 ans étaient d’abord soumises au « Blessed Information Memory Concentration Test » et recevaient une évaluation plus détaillée si elles commettaient 3 erreurs ou plus à ce test. Le diagnostic de « démence » était posé sur base d’une réunion de consensus multidisciplinaire, selon les critères classiques. Par ailleurs, plusieurs covariables ont été prises en compte dans les analyses : diabète, hypertension, scolarité, tabagisme et la présence (auto-rapportée) d’aides auditives.

 

Durant le période de suivi, 58 cas de « démence » (tous types confondus) ont été diagnostiqués. Par ailleurs, il apparaît que le risque de « démence » augmente de façon log-linéaire en fonction de la sévérité de la perte auditive. En comparaison avec l’audition normale, le risque relatif de « démence » est de 1.89 (IC 95% ; 1 - 3.58) pour la perte auditive légère, 3 (IC 95% ; 1.43 - 6.3) pour la perte auditive modérée et 4.94 (IC 95% ; 1.09 - 22.40) pour la perte auditive sévère. Chez les personnes de plus de 60 ans, plus d’un tiers du risque de « démence » est associé à une perte auditive.

 

Il s’agit d’envisager les mécanismes potentiellement impliqués dans cette association entre perte auditive et « démence ». Les auteurs ont considéré comme improbable (sur base du type d’évaluation qu’ils ont effectué et d’une analyse complémentaire de sensibilité) l’hypothèse d’un sur-diagnostic de « démence » chez les personnes ayant des problèmes auditifs ou, réciproquement, d’un sur-diagnostic de perte auditive chez les personnes ayant des déficits cognitifs. Une autre possibilité serait que la perte auditive et la « démence » soient causées par un processus neuropathologique commun. Les auteurs indiquent cependant que l’audiométrie en sons purs est typiquement considérée comme une mesure de l’audition périphérique : la détection de sons purs ne requiert pas des niveaux élevés de traitement cortical auditif et se fonde seulement sur une transduction cochléaire et des afférences neuronales vers les noyaux du tronc cérébral et du cortex auditif primaire. Par ailleurs, même s’ils ne peuvent totalement exclure l’hypothèse d’un facteur vasculaire, les auteurs rappellent qu’ils ont contrôlé l’influence possible de plusieurs facteurs de risque de maladies vasculaires (en ayant aussi exclu lors de la ligne de base les personnes ayant été victimes d’un AVC ou d’un accident ischémique transitoire). Ils indiquent en outre qu’une étude antérieure n’a pas rapporté de lien entre le statut ApoE et la perte auditive.

 

Un autre mécanisme pourrait impliquer l’épuisement de la réserve cognitive : ainsi, les ressources cognitives/cérébrales allouées au traitement auditif, du fait de la perte auditive, conduiraient à une réduction des ressources pouvant être attribuées à d’autres processus. Par ailleurs, les problèmes de communication provoqués par la perte auditive pourraient également mener à un isolement social et à une implication moindre dans des activités de loisirs, ces facteurs ayant été associés à un risque accru de « démence » (voir nos chroniques « Les effets bénéfiques des contacts et soutiens sociaux sur le fonctionnement cognitif tant chez les adultes jeunes que chez les personnes âgées » et « Des activités de loisirs stimulantes sur le plan cognitif, une vie sociale active et des activités physiques ont un effet protecteur sur le fonctionnement cognitif évalué 20 ans plus tard »). Ces hypothèses devront faire l’objet d’études ultérieures.

 

Il faut relever que le fait d’utiliser une aide auditive n’était pas associé à une réduction du risque de «démence». Cependant, les données concernant le type d’aide utilisé, le nombre d’heures d’utilisation par jour, le nombre d’années d’utilisation, les caractéristiques des personnes ayant choisi d’utiliser une aide, l’utilisation d’autres moyens de communication, l’adéquation de la revalidation, etc. n’ont pas été recueillies, si bien que l’on est pas en mesure de déterminer si les appareils auditifs et la revalidation auditive pourraient affecter le déclin cognitif : cette question exige des travaux futurs.

 

En conclusion, s’ils étaient confirmés dans d’autres cohortes indépendantes, les résultats de cette étude auraient des implications importantes en termes de prévention : utilisation d’aides technologiques (p. ex., aides auditives digitales, implants cochléaires), optimisation des conditions sociales et environnementales d’audition et mise en place d’interventions (p. ex., en lien avec les relations sociales et les activités de loisirs) visant à réduire les effets de la perte auditive sur le déclin cognitif.   

 

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Lin, F.R., Metter, E.J., O’Brien, R.J., Resnick, S.M., Zonderman, A.B., & Ferrucci, L. (2011). Hearing loss and incident dementia. Archives of Neurology, 68, 214-220.

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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 21:21

Plusieurs études épidémiologiques et d’interventions ont mis en évidence les effets positifs d’une activité physique et d’une activité mentale stimulante sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées (voir notamment nos chroniques « Des conclusions par trop négatives concernant la prévention du déclin cognitif ! »  et « Les liens entre la fréquence des activités cognitives et la survenue ou l’évolution d’un vieillissement cognitif/cérébral problématique »). Cependant, peu d’études ont exploré l’effet d’une intervention physique ou mentale de longue durée, en adoptant une procédure randomisée contrôlée.

 

Récemment, Klusmann et al. (2010) ont entrepris une étude randomisée contrôlée visant précisément à comparer les effets d’interventions standardisées en lien avec une activité physique et avec une activité mentale complexe (apprendre à utiliser un ordinateur) sur le fonctionnement cognitif de femmes âgées de plus de 70 ans. Ces interventions ont été menées à raison de trois séances d’1h30 par semaine pendant 6 mois et ont été comparées à une condition de contrôle. 

Les participantes ne devaient pas être familières avec l’ordinateur et devaient avoir une activité physique inférieure à une heure par semaine. Elles ne devaient pas présenter de troubles visuels ou auditifs importants, ni avoir reçu un diagnostic de dépression ou de psychose, ni  manifester de problème neurologique/médical pouvant affecter leur fonctionnement cognitif ou entraver leur participation aux activités. Pour exclure ce type de problèmes, une séance d’une heure a été consacrée à retracer l’histoire médicale des participantes, à effectuer une prise de sang (dans le but d’obtenir une mesure des paramètres sanguins habituels), à réaliser un test de marche pendant 6 minutes (en évaluant le nombre de mètres parcourus) et à effectuer un électrocardiogramme au repos. Les personnes allouées au groupe « activité physique » ont en outre subi un électrocardiogramme sous stress afin de déterminer leur rythme cardiaque optimal pour l’entraînement physique.

 

Les 259 femmes sélectionnées, âgées de 70 à 93 ans, ont été aléatoirement réparties dans le groupe d’intervention « activité physique » (n=92), le groupe d’intervention « activité mentale complexe » (n=91) et dans le groupe de contrôle (n=76). Parmi ces personnes, 230 (respectivement 80, 81 et 69) ont participé à l’évaluation effectuée après 6 mois.

Dans la condition de contrôle, les personnes devaient mener leur vie habituelle.

L’intervention relative à l’activité physique visait à entraîner l’endurance, la force, la flexibilité, ainsi que l’équilibre et la coordination (les séances commençaient habituellement par 30 minutes d’entraînement à l’endurance sur un vélo d’appartement ou un tapis de course, avec contrôle des pulsations).

En ce qui concerne l’intervention consacrée à l’ordinateur, elle impliquait des tâches diverses telles que apprendre à utiliser l’ordinateur et ses programmes, écrire, jouer, calculer, surfer sur Internet, envoyer des courriels, dessiner, produire des images et créer des vidéos. Les interventions étaient menées par groupe d’une douzaine de personnes. Pour les deux interventions, un manuel standardisé avait été élaboré par un médecin du sport et par un spécialiste de l’apprentissage de l’ordinateur à des personnes âgées. Ces manuels comportaient 75 séances d’intervention de 90 minutes chacune.

Avant d’être informées de leur attribution à l’un des trois groupes, les personnes étaient soumises à un examen neuropsychologique, administré par un psychologue non averti de leur groupe d’appartenance. Le statut cognitif global (CERAD : MMSE, dénomination, dessin de figures, fluence verbale, rappel de mots), le niveau scolaire et l’intelligence fluide (« LPS 50+ ») ont été déterminés. De plus, les tests suivants ont été administrés: le rappel immédiat et différé de récit du « Rivermead Behavioural Memory Test » (RBMT), un test de mémoire épisodique selon une procédure de rappel libre et rappel indicé (immédiat et différé) d’une liste de mots, le « Trail Making test » et le test de Stroop. Ces tests, plus le test de fluence verbale, ont été réadministrés après 6 mois, en utilisant des formes parallèles. Les trois groupes de participantes ne différaient pas significativement, lors de l’évaluation initiale, en âge, caractéristiques démographiques, fonctionnement cognitif global et performance aux différents tests cognitifs.

 

Une analyse de covariance a été réalisée sur la différence de performance aux différents tests entre l’évaluation initiale et l’évaluation après 6 mois, en prenant comme covariable les performances obtenues aux tests lors de l’évaluation initiale, le niveau de scolarité et le niveau d’intelligence fluide. Afin d’évaluer le changement après 6 mois, pour chacun des groupes, des t-tests dépendants ont été calculés sur les scores pré- et post-intervention. Une procédure de Bonferroni a été appliquée pour prendre en compte le problème des comparaisons multiples.

 

Les résultats montrent tout d’abord que les deux groupes d’intervention (activité physique et activité mentale) présentent un changement plus important de performance en rappel immédiat et différé du récit du RBMT, ainsi qu’en rappel libre différé d’une liste de mots. En outre, le groupe « activité physique » présente un changement plus important au test de marche de 6 minutes que les deux autres groupes (activité mentale et groupe de contrôle). La taille de ces effets est petite. En ce qui concerne les changements de performance entre l’évaluation pré- et post-intervention au sein de chaque groupe, on constate une augmentation en rappel immédiat et différé d’un récit (avec une taille d’effet importante) dans les deux groupes d’intervention, alors qu’aucun changement n’est observé dans le groupe de contrôle. Un gain est également observé dans le rappel différé d’une liste de mots et dans le Trail Making test (B-A) pour les deux groupes d’intervention par rapport au groupe de contrôle, mais ce gain est lié au fait que la performance du groupe de contrôle a montré un déclin significatif (taille d’effet modérée à importante), alors que les deux autres groupes ont stabilisé leur performance. La diminution de performance observée dans le groupe de contrôle correspondrait à un déclin naturel lié à l’âge. Aucun changement significatif n’est par contre observé dans les trois groupes en fluence verbale et rappel immédiat d’une liste de mots. Enfin, une amélioration est relevée dans les trois groupes au test de Stroop, traduisant très vraisemblablement un effet d’apprentissage test/retest (la nature même de cette tâche empêchant d’élaborer une version parallèle adéquate).


Cette étude est ainsi la première à montrer, au moyen d’un essai randomisé contrôlé de grande envergure, que l’engagement dans des activités physiques et mentales nouvelles améliore le fonctionnement cognitif ou diffère le déclin cognitif de personnes âgées (ne présentant pas de vieillissement cognitif/cérébral problématique).

 

Les résultats ne montrent pas de différences dans les effets bénéfiques entre l’intervention « activité physique » et l’intervention « activité mentale ». Des recherches futures devraient cependant examiner dans quelle mesure ces deux types d’intervention pourraient avoir des effets additifs ou interactifs.  Les auteurs indiquent qu’ils ne peuvent pas complètement réfuter une interprétation postulant que les effets bénéfiques seraient liés, dans les deux types d’intervention, aux contacts sociaux que les participantes ont établi durant les entraînements : ils relèvent néanmoins que, dans d’autres études, la comparaison entre un groupe de contrôle avec contacts sociaux et un groupe de contrôle passif n’a pas mis en évidence de différence quant à l’amélioration cognitive (Wadley et al., 2006 ; Willis et al., 1983).

 

Il est important de noter que l’amélioration des performances se marque particulièrement dans le rappel de récits, une tâche proche des activités mnésiques de la vie quotidienne. Dans cette perspective, on pourrait faite l’hypothèse que ce bénéfice résulte d’une amélioration de la flexibilité cognitive et d’une utilisation accrue de stratégies compensatoires, induites par la confrontation aux nouveaux défis auxquels les personnes âgées ont été confrontées dans la réalisation des activités physiques et mentales non familières et à facettes multiples. Cette hypothèse devrait faire l’objet d’études futures, à la fois en évaluant les effets des interventions au moyen de situations simulant des activités de la vie quotidienne (impliquant notamment du « multitasking » et de la flexibilité) et en explorant plus directement les bénéfices des interventions sur le fonctionnement quotidien des personnes (par ex., au moyen d’un journal de bord ou « diary »).

 

Des recherches futures devraient également explorer de façon plus directe les effets de ce type d’intervention sur le développement d’un vieillissement cérébral/cognitif problématique.

 

Plus généralement, l’intérêt de ce travail est d’avoir montré l’efficacité d’interventions qui ont une réelle pertinence pour les personnes âgées et qui peuvent aisément être implémentées dans la communauté de vie des personnes, contrairement à des programmes d’entraînement cognitif plus spécifiques.

 

mental-and-physical.jpg©123rf  

Klusmann, V.,  Evers, A., Schwarzer, R., Schlattmann, P., Reischies, F.M., Heuser, I., & Dimeo, F.C. (2010). Complex mental and physical activity in older women and cognitive performance: A 6-month randomized controlled activity. Journal of Gerontology A: Medical Sciences, 65, 680-688.

Wadley, V.G., Benz, R.L., Ball, K.K., Roenker, D.L., Edwards, J.D., & Vance, D.E. (2006). Development and evaluation of home-based speed-of-processing training for older adults. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 87, 757-763.

Willis, S.L., Cornelius, S.W., Blow, F.C., & Baltes, P.B. (2003). Training research in aging: attentional processes. Journal of Educational Psychology, 75, 257-270.

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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 22:45

Le syndrome confusionnel (« delirium ») s’installe habituellement de façon abrupte (en quelques heures ou quelques jours) et se caractérise par l’association d’un trouble de la vigilance, d’une altération globale des fonctions cognitives, d’une désorientation spatio-temporelle et de distorsions de la réalité (productions délirantes, hallucinations, vécus oniriques, avec adhésion de la personne à ses productions, ainsi qu’une peur et une anxiété intenses). Il peut en résulter des comportements inadéquats, voire dangereux, pour la personne et son entourage.

 

Ce syndrome confusionnel est fréquent chez les personnes âgées hospitalisées (Bucht, Gustafson, & Sandberg, 1999) et particulièrement chez les personnes hospitalisées pour une fracture de hanche (Ensrud et al., 2007). Par ailleurs, plusieurs études ont suggéré que le syndrome confusionnel consécutif à une fracture de hanche pouvait prédire le développement d’un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence »). Cependant, ces études n’ont pas évalué de façon détaillée l’état cognitif des personnes, préalable à la fracture.

 

Krogseth et al. (2011) ont dès lors entrepris une étude visant à suivre longitudinalement (sur une période de 6 mois) 106 personnes ayant été opérées pour une fracture de hanche et qui ne présentaient pas préalablement de « démence ». De façon plus précise, les auteurs ont inclus 266 personnes âgées de plus de 65 ans : 92 d’entre elles n’ont pas pu être suivies pendant la période de 6 mois, 65 personnes présentaient une « démence » pré-fracture et le statut cognitif préexistant n’a pas pu être établi pour 3 personnes.

 

Le diagnostic de « démence » pré-fracture a été déterminé en se basant sur les informations suivantes : le dossier médical des personnes (incluant notamment les résultats de tests cognitifs, d’examens d’imagerie cérébrale et de tests biologiques); les informations recueillies auprès des proches au moyen de l’IQ-CODE (évaluant les changements cognitifs durant les 10 dernières années et jusqu’à deux semaines avant la fracture) et de deux échelles évaluant les activités de la vie quotidienne avant la fracture (« Barthel ADL Index » et « Nottingham Extended ADL ») ; les scores au MMSE et au test du dessin de l’horloge administrés dans la phase aiguë pré-fracture (pour les personnes lucides). Le diagnostic était posé, indépendamment, par deux experts en gériatrie (avec un diagnostic de consensus en cas de désaccord), et ce à partir des critères classiquement utilisés pour le diagnostic de « maladie d’Alzheimer », de « démence vasculaire », de « démence frontotemporale » et de « démence à corps de Lewy ».

 

La présence d’un syndrome confusionnel (dans la phase aiguë, avant ou après l’opération) a été déterminée via la « Confusion Assessment Method », administrée chaque jour de l’hospitalisation jusqu’au 5ème jour après l’opération ou jusqu’au départ. Par ailleurs, le MMSE et le test du dessin de l’horloge ont été administrés au troisième jour. 

 

Après 6 mois, les 106 personnes sans « démence » pré-fracture ont reçu la visite d’un médecin, non informé de la survenue d’un syndrome confusionnel. Il a recueilli des informations sur les médicaments pris par la personne, le besoin d’aide et les complications éventuelles. Il a également interrogé la personne sur les changements dans ses activités sociales, ainsi que dans son état cognitif et émotionnel. En outre, 5 tests cognitifs ont été administrés : le MMSE, la tâche des 10 mots de la batterie CERAD, le test du dessin de l’horloge, le test d’empan de chiffres (à l’envers et à l’endroit) et le test de Stroop. Des informations ont aussi été recueillies auprès des proches via l’IQ-CODE, adapté pour évaluer les changements durant les 6 mois qui précèdent la fracture, l’Inventaire Neuropsychiatrique (NPI), ainsi que le « Barthel ADL Index » et le « Nottingham Extended ADL Score ». A nouveau, le diagnostic était posé, indépendamment, par deux experts gériatres sur base des résultats aux tests, des informations recueillies auprès des proches et du rapport écrit par le médecin ayant réalisé la visite à domicile.

 

Une série de facteurs de risque potentiels de « démence» ont été contrôlés, dont notamment l’indice de masse corporelle, la charge de médication anticholinergique, une histoire d’accident vasculaire cérébral, d’hypertension ou de diabète, l’évaluation de la santé de la personne par l’anesthésiste (score ASA), la prise d’antidépresseurs (comme marqueur de dépression), l’âge et le nombre d’année de scolarité.

 

Les résultats montrent que 29 des 106 personnes (27%) ont développé un syndrome confusionnel. Après 6 mois, 16 des 106 personnes (15%) ont développé une « démence ». Dans le groupe de personnes ayant présenté un syndrome confusionnel, 11 sur 29 (38%) ont développé une « démence » contre 5 sur 77 (7%) dans le groupe sans syndrome confusionnel (p<0.0001 ; Chi carré). Par ailleurs, une analyse de régression logistique ajustée montre que la présence d’un syndrome confusionnel est le prédicteur le plus important de « démence » après 6 mois et cette association est même plus forte quand le score d’IQ-CODE pré-fracture est inclus dans l’analyse. Il existe par ailleurs une tendance (non statistiquement significative) à un risque plus élevé de « démence » chez les personnes ayant un score plus élevé à l’IQ-CODE pré-fracture, un rythme cardiaque préopératoire plus haut, une réduction plus importante de la pression artérielle moyenne durant l’opération, ainsi qu’un score ASA supérieur à 2.

 

Cette étude comporte certaines limites, et notamment le nombre relativement faible de personnes en comparaison au nombre important de facteurs de risque étudiés (ce qui conduit à un large intervalle de confiance), une durée de suivi limitée, une absence de mesure de la gravité et de la durée du syndrome confusionnel et un examen neuropsychologique assez limité (et non mené et interprété par des psychologues).

 

Néanmoins, ce travail suggère que la survenue d’un syndrome confusionnel consécutive à une hospitalisation pour une fracture de hanche constitue un fort prédicteur de « démence » 6 mois plus tard. Il plaide ainsi pour la mise en place d’études visant, d’une part, à répliquer et étendre les données obtenues et, d’autre part, à tenter de comprendre les mécanismes impliqués dans ce lien entre syndrome confusionnel et « démence ».

 

En fait, la nature du syndrome confusionnel, en tant que tel, est encore très mal comprise et les moyens de le prévenir sont dès lors, eux-aussi, mal identifiés, et ce en dépit des risques qu’il fait courir à la personne (y compris le risque de « démence ») et des problèmes importants qu’il pose aux soignants et aux proches. Il apparaît que, tout comme pour la « démence », une meilleure compréhension du syndrome confusionnel passera par une approche prenant en compte la multiplicité des facteurs (biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux) impliqués dans son développement. En d’autres termes, il s’agit là aussi de s’affranchir d’une approche biomédicale réductionniste.

 

delirium.jpg

©123rf

Bucht, G., Gustafson, Y., & Sandberg, O. (1999). Epidemiology of delirium.  Dementia and Geriatric Cognitive Disorders, 10, 315-318.

Ensrud, K.E., Ewing, S.K., Taylor, B.C., Fink, H.A., Stone, K.L., Cauley, J.A., et al. (2007). Frailty and risk of falls, fracture, and mortality in older women: the study of osteoporotic fractures. Journal of Gerontology: Biological and Medical Sciences, 62, 744-751.

Krogseth, M., Bruun Wyller, T., Engedal, K., & Jukiebo. V. (2011). Delirium is an important predictor of incident dementia among elderly hip fracture patients. Dementia and Geriatric Cognitive Disorders, 31, 63-70.

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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 21:37

De nombreuses données suggèrent qu’une intégration sociale plus importante est associée à un risque moindre de déclin cognitif et de vieillissement cérébral/cognitif problématique (voir Fratiglioni, Paillard-Borg & Winblad, 2004 ; voir également notre chronique « Le statut marital à la cinquantaine: un autre facteur impliqué dans le vieillissement cérébral/cognitif problématique»).

 

Dans un travail récent, Seeman et al. (2010) ont examiné dans quelle mesure cette association était présente tant chez les adultes jeunes que chez les personnes âgées. Cette recherche a analysé les données issues de l’étude «Midlife in the U.S. (MIDUS)». Plus spécifiquement, elle a exploré les relations entre les interactions sociales et le fonctionnement cognitif, pendant une période de 10 ans et sur une cohorte de personnes âgées de 30 à plus de 80 ans. Les participants ont tout d’abord été évalués en 1994/1995 (phase 1 ; N=7.108; âge: 24 à 74 ans), puis réévalués en 2005/2006 (phase 2; N=3.525 ; âge: de 32 à 84 ans).

 

Trois aspects des interactions sociales ont été évalués durant les phases 1 et 2 de l’étude : la fréquence des contacts sociaux (somme de la fréquence des contacts sociaux dans deux domaines: la famille et les amis), l’étendue du soutien social auto-rapporté (en quoi l’époux, d’autres membres de la famille et les amis sont source de compréhension, de soin, de reconnaissance et de soutien sur différents plans, par ex., émotionnel : moyenne des réponses) et les conflits/tensions sociaux (en quoi l’époux, d’autres membres de la famille et les amis sont à l’origine d’exigences, de critiques, de tensions/disputes, de déception, d’énervement : moyenne des réponses). Il faut relever que les corrélations entre les trois aspects de l’intégration sociale (dans les deux phases de l’étude) sont très faibles à modérées (relation entre contacts et soutiens : .32, .39 ; contacts et conflits : .05, .02 ; soutiens et conflits :-.40, -.37).

 

Le fonctionnement cognitif a été évalué, durant la phase 2 de l’étude, par le «Brief Test of Adult Cognition by Telephone (BTACT)», qui comporte différentes tâches de mémoire épisodique, de mémoire de travail, de mémoire sémantique/fonctionnement exécutif, de raisonnement et de vitesse de traitement. Une tâche de flexibilité a également été administrée. Sur base d’une analyse factorielle exploratoire et confirmatoire, deux mesures composites ont été établies, l’une évaluant la mémoire épisodique et l’autre le fonctionnement exécutif.

Une série de variables possiblement confondantes ont été contrôlées: âge, genre, scolarité, appartenance ethnique, santé  (maladies cardiaques, AVC, hypertension et diabète auto-rapportés ; mesure de dépression ; nombre d’incapacités dans les activités de la vie quotidienne), comportements en lien avec la santé (tabagisme, activité physique).

 

Les résultats principaux des analyses de régression montrent que la fréquence des contacts sociaux et l’importance du soutien social sont positivement associées aux mesures de mémoire épisodique et de fonctionnement exécutif, et ce indépendamment de l’âge, de la scolarité, du genre, de l’appartenance ethnique, ainsi que des variables de santé et de comportements en lien avec la santé. En outre, une fréquence plus importante de tensions/conflits sociaux est négativement associée au fonctionnement exécutif (mais pas à la mémoire épisodique).

Les données longitudinales indiquent également qu’un déclin dans la fréquence des contacts sociaux entre les phases 1 et 2 (séparées de 10 ans) est associé à un fonctionnement exécutif et une mémoire épisodique plus faibles. Une augmentation du soutien social entre les deux phases tend aussi à être associée à une meilleure performance cognitive.

 

Il est important de relever que, globalement, ces associations s’observent tant chez les personnes plus jeunes (dès 32 ans) que chez les plus âgées, ce qui indique que les influences sociales sur le fonctionnement cognitif sont présentes, non seulement chez les personnes âgées, mais tout au long de la vie.

 

Une des limites de cette recherche est de n’avoir effectué une évaluation cognitive que lors de la phase 2 de l’étude: des études ultérieures devraient examiner la séquence temporelle et la dynamique des changements dans l’intégration sociale et le fonctionnement cognitif au moyen d’une évaluation longitudinale de ces deux aspects du fonctionnement. Néanmoins, les auteurs relèvent que les participants de cette étude présentaient un niveau d’efficience cognitive suffisamment élevé pour rendre peu plausible l’hypothèse d’une causalité inverse, selon laquelle les problèmes d’intégration sociale seraient la conséquence des dysfonctionnements cognitifs.

 

En conclusion, ces données montrent en quoi une intégration sociale plus grande (davantage de contacts et de soutiens sociaux) et une réduction des relations sociales négatives constituent des éléments clé de l’optimisation du fonctionnement cognitif, tant chez les personnes âgées que chez les personnes se trouvant dans la période du milieu de leur vie (« midlife).

Elles plaident également en faveur de la mise en place de recherches visant à explorer en quoi une meilleure intégration sociale au milieu de la vie (dans ses liens avec un meilleur fonctionnement cognitif) peut contribuer à réduire les risques de vieillissement cérébral/cognitif problématique (de «démence »). En ce sens, les résultats de cette étude doivent être envisagés en parallèle avec les éléments présentés dans une de nos chroniques récentes («La période du milieu de la vie: une période clé pour le vieillissement cérébral/cognitif »), suggérant que le vieillissement physique et psychologique optimal dépend grandement des expériences de vie des personnes durant le milieu de la vie.

 

Il s’agit cependant de prendre en compte les variables socioéconomiques, susceptibles d’influer grandement sur les expériences de vie et le fonctionnement psychologique des personnes se trouvant au milieu de leur vie. En effet, dans une étude menée en Angleterre sur un échantillon représentatif au plan national (N=100’457), Lang et al. (2010) ont récemment mis en évidence, comparativement  aux personnes plus jeunes et plus âgées, un plus haut niveau de souffrance psychologique, d’états psychopathologiques courants et de traitements psychiatriques pharmacologiques chez les personnes se trouvant au milieu de leur vie (dans la quarantaine et la cinquantaine),  mais cela uniquement chez les personnes dont le revenu était bas. Ce pic dans les problèmes psychologiques chez les personnes se trouvant au milieu de leur vie ne constitue donc pas un phénomène « universel », mais représente un phénomène socioéconomique pouvant faire l’objet de mesures de prévention (notamment en s’attaquant aux inégalités sociales)


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©VIVA 2010


Fratiglioni, L., Paillard-Borg, S., & Winblad, B. (2004). An active and socially integrated lifestyle in late life might protect against dementia. The Lancet Neurology, 3, 343-353.

Lang, I.A., Llewellyn, Hubbard, K.M., Langa, K.M., & Melzer, D. (2010). Income and the midlifepeak in common mental disorder prevalence. Psychological Medicine, à paraître (doi : 10.1017/S0033291710002060).

Seeman, T.E., Miller-Martinez, D.M., Stein Merkin, S., Lachman, M.E., Tun, P.A., & Karlamanga, A.S. (2010). Histories of social engagement and adult cognition: Midlife in the U.S. study. Journal of Gerontology: Psychological Sciences, 10.1093/geronb/gbq091

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