Plusieurs études ont mis en évidence que le déclin cognitif chez les personnes âgées était influencé par l’engagement préalable dans des activités de loisirs stimulantes sur le plan cognitif, par une vie sociale active et par la pratique d’activités physiques durant ses loisirs .
Cependant, la plupart des études ont exploré l’impact d’un engagement dans des activités de loisirs (cognitives, sociales, physiques) et le déclin cognitif ultérieur sur un laps de temps assez court, souvent sur une période de moins de 10 ans. Il est dès lors difficile de déterminer dans quelle mesure c’est bien l’engagement préalable dans des activités stimulantes qui a eu un effet protecteur sur le déclin cognitif ou si c’est le déclin cognitif préexistant qui a réduit l’engagement dans ces activités.
C’est pourquoi Kareholt et al. (2010) ont exploré les relations entre l’engagement dans des activités de loisirs, identifié lors d’une évaluation initiale, et le fonctionnement cognitif évalué 20 ans après. Un total de 1’643 personnes âgées de 46 à 75 ans, sélectionnées aléatoirement au sein de la population suédoise, ont été examinées.
L’évaluation des activités de loisirs a été menée en 1968 ou en 1981. Ont été évaluées : l’engagement dans des activités civiques/politiques (par ex., contester une décision d’une autorité publique, faire un discours en public lors d’un meeting, envoyer une lettre ou un article à un journal ou participer à une manifestation, et ce durant l’année écoulée) ; les activités au sein d’organisations (être un membre actif d’un syndicat, d’un parti politique, d’un club sportif, d’une assemblée religieuse ou autre) ; les activités mentales/cognitives (lire des livres, jouer d’un instrument de musique/chanter, avoir des hobbies) ; les activités socioculturelles (aller au cinéma ou au théâtre, participer à des cercles d’études) ; les activités sociales (rendre visite à ou recevoir des visites d’amis et/ou de proches) ; les activités physiques (faire du sport, jardiner, danser).
Le fonctionnement cognitif a, quant à lui, été évalué en 1992, 2002 ou 2004 (au moyen d’items du Mini-Mental State Examination ; score sur 10).
L’influence des variables suivantes a par ailleurs été contrôlée : âge, genre, durée du suivi, problèmes de mobilité, symptômes de souffrance psychologique (dépression, problèmes psychologiques, problèmes de sommeil, problèmes nerveux), statut professionnel (actif ou inactif), nombre d’années de scolarité, statut socio-économique (des participants et de leurs parents), revenu, tabagisme et consommation d’alcool.
Les résultats ont observé des associations significatives entre la cognition et l’implication antérieure dans des activités civiques/politiques, mentales/cognitives et socioculturelles (chez les hommes et les femmes), et physiques (chez les femmes uniquement), implication évaluée en moyenne 23 ans auparavant. Ces associations se maintiennent après avoir contrôlé l’influence des divers indicateurs des niveaux scolaire, socioéconomique et de santé.
Les deux associations les plus fortes concernent les activités civiques/politiques et mentales/cognitives. Plusieurs mécanismes, en lien avec la réserve cognitive et le sentiment d’efficacité personnelle (« self-efficacy »), peuvent être impliqués dans cet effet protecteur. Il en va de même pour l’association avec les activités physiques (meilleure plasticité cérébrale, réduction de problèmes vasculaires, etc.). En ce qui concerne le fait que cette association n’est significative que chez les femmes, il n’existe en fait pas de consensus dans la littérature par rapport aux différences liées au genre dans l’influence de l’activité physique. Ces variations liées au genre pourraient être liées à la manière dont les activités physiques sont pratiquées par les femmes et par les hommes.
Enfin, aucun effet protecteur des activités sociales n’a été mis en évidence. Il existe aussi dans la littérature des données contradictoires sur ce point, qui pourraient dépendre de la manière dont les activités sociales sont évaluées. En particulier, il se pourrait que l’effet sur la cognition soit plutôt lié à la qualité des contacts sociaux qu’à leur quantité. Or, dans l’étude de Kareholt et al. (2010), la mesure des activités sociales ne prenait pas en compte la qualité des contacts sociaux.
Une des limites de cette étude est de ne pas avoir évalué initialement le fonctionnement cognitif des personnes, si bien que l’on pourrait faire l’hypothèse que le niveau initial d’activités de loisirs a été influencé par le niveau intellectuel des participants. Cependant, les auteurs ont contrôlé l’influence possible du niveau d’éducation des participants et du statut socio-économique (des participants et de leurs parents), facteurs dont on sait qu’ils corrèlent fortement avec l’intelligence.
En résumé, cette étude, entreprise sur une période de 23 ans en moyenne, suggère que l’engagement dans des activités de loisirs constitue un moyen d’amener à un meilleur vieillissement cognitif. Elle indique dès lors en quoi il est important d’encourager un style de vie actif durant la cinquantaine.
Kareholt, I., Lennartsson, C., Gatz, M., & Parker, M.G. (2010). Baseline leisure time activity and cognition more than two decades later. International Journal of Geriatric Psychiatry, à paraître (DOI: 10.1002/gps.2490).
commenter cet article …