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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 14:50

Plusieurs études ont mis en évidence que le déclin cognitif chez les personnes âgées était influencé par l’engagement préalable dans des activités de loisirs stimulantes sur le plan cognitif, par une vie sociale active et par la pratique d’activités physiques durant ses loisirs .

Cependant, la plupart des études ont exploré l’impact d’un engagement dans des activités de loisirs (cognitives, sociales, physiques) et le déclin cognitif ultérieur sur un laps de temps assez court, souvent sur une période de moins de 10 ans. Il est dès lors difficile de déterminer dans quelle mesure c’est bien l’engagement préalable dans des activités stimulantes qui a eu un effet protecteur sur le déclin cognitif ou si c’est le déclin cognitif préexistant qui a réduit l’engagement dans ces activités.

C’est pourquoi Kareholt et al. (2010) ont exploré les relations entre l’engagement dans des activités de loisirs, identifié lors d’une évaluation initiale, et le fonctionnement cognitif évalué 20 ans après. Un total de 1’643 personnes âgées de 46 à 75 ans, sélectionnées aléatoirement au sein de la population suédoise, ont été examinées.

L’évaluation des activités de loisirs a été menée en 1968 ou en 1981. Ont été évaluées : l’engagement dans des activités civiques/politiques (par ex., contester une décision d’une autorité publique, faire un discours en public lors d’un meeting, envoyer une lettre ou un article à un journal ou participer à une manifestation, et ce durant l’année écoulée) ; les activités au sein d’organisations (être un membre actif d’un syndicat, d’un parti politique, d’un club sportif, d’une assemblée religieuse ou autre) ; les activités mentales/cognitives (lire des livres, jouer d’un instrument de musique/chanter, avoir des hobbies) ; les activités socioculturelles (aller au cinéma ou au théâtre, participer à des cercles d’études) ; les activités sociales (rendre visite à ou recevoir des visites d’amis et/ou de proches) ; les activités physiques (faire du sport, jardiner, danser).  

Le fonctionnement cognitif a, quant à lui, été évalué en 1992, 2002 ou 2004 (au moyen d’items du Mini-Mental State Examination ; score sur 10).

L’influence des variables suivantes a par ailleurs été contrôlée : âge, genre, durée du suivi, problèmes de mobilité, symptômes de souffrance psychologique (dépression, problèmes psychologiques, problèmes de sommeil, problèmes nerveux), statut professionnel (actif ou inactif), nombre d’années de scolarité, statut socio-économique (des participants et de leurs parents), revenu, tabagisme et consommation d’alcool.

Les résultats ont observé des associations significatives entre la cognition et l’implication antérieure dans des activités civiques/politiques, mentales/cognitives et socioculturelles (chez les hommes et les femmes), et physiques (chez les femmes uniquement), implication évaluée en moyenne 23 ans auparavant. Ces associations se maintiennent après avoir contrôlé l’influence des divers indicateurs des niveaux scolaire, socioéconomique et de santé.

Les deux associations les plus fortes concernent les activités civiques/politiques et mentales/cognitives. Plusieurs mécanismes, en lien avec la réserve cognitive et le sentiment d’efficacité personnelle (« self-efficacy »), peuvent être impliqués dans cet effet protecteur. Il en va de même pour l’association avec les activités physiques (meilleure plasticité cérébrale, réduction de problèmes vasculaires, etc.). En ce qui concerne le fait que cette association n’est significative que chez les femmes, il n’existe en fait pas de consensus dans la littérature par rapport aux différences liées au genre dans l’influence de l’activité physique. Ces variations liées au genre pourraient être liées à la manière dont les activités physiques sont pratiquées par les femmes et par les hommes.

Enfin, aucun effet protecteur des activités sociales n’a été mis en évidence. Il existe aussi dans la littérature des données contradictoires sur ce point, qui pourraient dépendre de la manière dont les activités sociales sont évaluées. En particulier, il se pourrait que l’effet sur la cognition soit plutôt lié à la qualité des contacts sociaux qu’à leur quantité. Or, dans l’étude de Kareholt et al. (2010), la mesure des activités sociales ne prenait pas en compte la qualité des contacts sociaux.

Une des limites de cette étude est de ne pas avoir évalué initialement le fonctionnement cognitif des personnes, si bien que l’on pourrait faire l’hypothèse que le niveau initial d’activités de loisirs a été influencé par le niveau intellectuel des participants. Cependant, les auteurs ont contrôlé l’influence possible du niveau d’éducation des participants et du statut socio-économique (des participants et de leurs parents), facteurs dont on sait qu’ils corrèlent fortement avec l’intelligence.

En résumé, cette étude, entreprise sur une période de 23 ans en moyenne, suggère que l’engagement dans des activités de loisirs constitue un moyen d’amener à un meilleur vieillissement cognitif. Elle indique dès lors en quoi il est important d’encourager un style de vie actif durant la cinquantaine.

activisme.jpg

Kareholt, I., Lennartsson, C., Gatz, M., & Parker, M.G. (2010). Baseline leisure time activity and cognition more than two decades later. International Journal of Geriatric Psychiatry, à paraître (DOI: 10.1002/gps.2490).

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30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 17:39

Une grande variété de facteurs intervenant tout au long de la vie sont associés au fonctionnement cognitif des personnes âgées. Quelques études se sont intéressées aux relations entre une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques et les difficultés cognitives durant la vieillesse (voir la chronique « Dépression et risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique » et la chronique « Etat de stress post-traumatique et risque de vieillissement cérébral problématique »). Cependant, cette question reste encore peu explorée.

 

Dans ce contexte, Brown (2010) a examiné les liens entre une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques et la cognition en utilisant des données issues de l’étude « Asset and Health Dynamics among the Oldest-Old » (AHEAD) réalisée aux Etats-Unis. Les données examinées ont été recueillies durant les années 1995, 1998, 2000, 2002, 2004 et 2006.  Les participants ont été soumis à une évaluation cognitive après qu’ils avaient atteint l’âge de 65 ans. L’échantillon étudié incluait des adultes nés entre 1923 et 1947 et comportait 16’513 personnes ayant été soumises à au moins une évaluation cognitive valide (88,8% ont eu deux évaluations, 77% ont eu 3 évaluations, 67% ont eu 4 évaluations, 56% ont eu 5 évaluations et 11% ont eu 6 évaluations). L’âge moyen des participants était de 74,86 ans.

 

La mesure cognitive (variable dépendante) a été obtenue via une version modifiée du TICS, un instrument destiné à être administré par téléphone et comportant 6 tâches (avec un score maximum de 35 points) évaluant la mémoire et les fonctions exécutives. La performance cognitive moyenne était de 21,09.


L’histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques (variable indépendante) a été évaluée via deux questions : « Avez-vous consulté un médecin pour des problèmes psychiatriques, émotionnels ou nerveux » et « Suivez-vous maintenant un traitement psychiatrique ou psychologique pour ces problèmes ? ». Lors de la première évaluation, 2'129 participants ont rapporté une histoire passée de problèmes psychiatriques ou psychologiques et 340 ont rapporté être actuellement en traitement. Les réponses aux deux questions ont été utilisées pour créer trois variables : histoire ancienne de problèmes psychiatriques ou psychologiques (avec ou sans traitement actuel); traitement actuel; cas incident (les personnes qui ont répondu affirmativement à la présence de problèmes psychiatriques ou psychologiques après avoir dit non lors d’au moins une évaluation antérieure) .

 

Outre les facteurs de genre et d’ethnicité, une série de mesures relatives à l’enfance ont également été obtenues : niveaux de scolarité maternelle et paternelle (supérieur ou inférieur à 8 ans), statut socio-économique familial et profession habituelle du père. Ces variables ont été combinées pour constituer un indice d’enfance défavorisée, allant de 0  (pas défavorisé) à 1 (le plus défavorisé). 18% des participants ont obtenu l’indice d’enfance la plus défavorisée (parmi lesquels les Hispaniques et les Afro-Américains étaient en plus grande proportion). L’état de santé durant l’enfance était également évalué.

 

Enfin, les variables indépendantes suivantes  ont été contrôlées : le niveau de scolarité des participants, le statut marital, le revenu du ménage, l’auto-évaluation de la santé, la vision, l’audition, la présence de problèmes de santé chroniques, le tabagisme actuel et le fait d’avoir déjà bu de l’alcool. L’analyse des données a été menée en utilisant un modèle de courbes de croissance afin de comparer les changements cognitifs dans différents groupes de participants à mesure qu’ils avançaient en âge.

 

Les résultats ont montré que les personnes ayant une histoire de troubles psychiatriques ou psychologiques présentaient un fonctionnement cognitif significativement plus bas et un déclin plus rapide avec l’avancée en âge, et ce après avoir contrôlé les effets du genre, de l’ethnicité, des  variables sociodémographiques, ainsi que de la santé et des comportements en lien avec la santé. Les personnes ayant une enfance défavorisée montraient également une performance cognitive plus faible, mais pas de différence dans la vitesse de déclin cognitif.

Par ailleurs, les participants qui avaient une histoire combinée de problèmes psychiatriques/psychologiques et d’enfance défavorisée obtenaient une performance cognitive encore plus faible que ceux ayant uniquement une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques, mais leur vitesse de déclin cognitif n’était par contre pas davantage affectée.

 

Les données examinées dans cette étude n’incluaient malheureusement pas d’informations sur  la nature des problèmes psychiatriques ou psychologiques spécifiques vécus par les personnes, ni sur les événements de vie auxquels ces dernières avaient été soumises.      

 

Cette étude confirme néanmoins qu'une enfance défavorisée et une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques contribuent à façonner le fonctionnement et le déclin cognitifs des personnes âgées. Il y a là des éléments de plus à prendre en compte dans une politique de prévention des aspects problématiques du vieillissement cérébral et cognitif.     

 

enfance

Brown, M.T. (2010). Early-life characteristics, psychiatry history, and cognition trajectories in later life. The Gerontologist, à paraître (doi:10.1093/geront/gnq049)

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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 23:52

Des données de plus en plus nombreuses montrent que l’utilisation, chez les personnes âgées ayant reçu un diagnostic de « démence », de médicaments psychotropes, et notamment d’antipsychotiques, est peu efficace (voir Sink et al. 2005) et nocive (elle peut conduire à des effets indésirables graves, tels que des accidents vasculaires cérébraux, des chutes avec fracture de hanche, des effets extrapyramidaux ; voir Rochon et al., 2008). Il a également été montré qu’il était possible d’arrêter un traitement chronique par neuroleptique chez des personnes âgées « démentes » sans qu’il n’y ait d’effet négatif sur leur état cognitif, comportemental et fonctionnel (Ballard et al., 2008) et que cette interruption réduisait la mortalité (Ballard et al., 2009).

Et pourtant, le recours aux médicaments psychotropes semble encore extrêmement élevé, en tant que mesure de contrôle «chimique » des difficultés comportementales et psychologiques des personnes ayant reçu le diagnostic de « démence » (voir notre rubrique « Une consommation élevée de médicaments dans les structures d’hébergement et de soin à long terme pour personnes âgées en Belgique »). 

Cette utilisation élevée de psychotropes vient d’être confirmée par Guthrie et al. (2010) dans une analyse rétrospective menée en 2007 sur les données de 271’365 personnes âgées de 65 ans et plus (issues de 315 structures de médecine générale en Ecosse), dont 10’058 (3.7%) avaient reçu le diagnostic de « démence ».

Les résultats montrent que les personnes avec une « démence » ont fréquemment reçu une prescription d’antipsychotique (17.7%), d’antidépresseur (28.7%) et de somnifère/anxiolytique (16.7%). Par comparaison avec la population générale de personnes âgées, le risque relatif de prescription d’antipsychotique, d’antidépresseur et de somnifère/anxiolytique est respectivement 17.4, 2.7 et 2.2 fois plus élevé chez les personnes présentant une « démence ». De plus, la plupart des prescriptions d’antipsychotiques chez les personnes avec « démence » portent sur une période prolongée (supérieure à 16 semaines).

Une des limites de cette étude tient au fait que les données ne contiennent pas d’information fiable permettant de savoir si les personnes âgées résidaient ou non dans une structure d’hébergement à long terme (structures dans lesquelles l’utilisation d’antipsychotiques est particulièrement fréquente). Il faut également relever que la prévalence de « démences » identifiée par cette étude sur base des informations contenues dans les dossiers des médecins généralistes est environ deux fois moins élevée que celle observée dans les recherches épidémiologiques. Selon les auteurs, en partant de l’hypothèse (très prudente) selon laquelle un quart des antipsychotiques prescrits aux personnes âgées sans « démence » l’ont en fait été à des personnes ayant une « démence », on pourrait ajouter 666 personnes avec « démence » ayant reçu une telle prescription aux 1785 personnes (17.7%) identifiées dans le dossier des médecins généralistes.

Le rapport 2008 du « All-Party Parliamentary Group on Dementia » en Angleterre concluait que « la prescription généralisée de médicaments antipsychotiques aux personnes présentant une démence constituait une atteinte aux droits de l’homme et que le temps d’agir était maintenant venu ». 

Comme l’indiquent Guthrie et al., changer cet état de fait nécessitera d’allouer des forces (et donc des financements) pour mettre en place des interventions non pharmacologiques (psychologiques, institutionnelles et sociales) visant les difficultés comportementales et psychologiques des personnes âgées présentant un vieillissement cérébral problématique. Cela exigera également la collaboration des médecins généralistes.   

 

psychotropes.jpg

 

All-Party Parliamentary Group on Dementia. Always a last resort: Inquiry into the prescription of antipsychotics drugs to people with dementia living in care homes. London: House of Commons, 2008.

Ballard, C., Lana, M.M., Theodoulou, M., Douglas, S., McShane, R.M., Jacoby, R.., et al., on behalf of the Investigators DART AD. (2008). A randomised, blinded, placebo-controlled trial in dementia patients continuing or stopping neuroleptics (The DART-AD Trial). PLoS Medicine, 5, 587-599.

Ballard, C., Hanney, M.L., Theodoulou, M., Douglas, S., McShane, R.M., Kossakowski, K.., et al., for the DART-AD investigators. (2009). The dementia antipsychotic withdrawal trial (DART-AD): long-term follow-up of a randomised placebo-controlled trial. Lancet Neurology, 8, 151-157.

Guthrie, B., Clark, S.A., & C. McCowan (2010), The burden of psychotropic drug prescribing in people with dementia. Age and Ageing, à paraître.

Rochon, P.A., Normand, S.L., Gomes, T., Gill, S.S., Anderson, G.M., Melo, M., et al. (2008). Antipsychotic therapy and short-term serious events in older adults with dementia. Archives of Internal Medicine, 168, 1090-1096.

Sink, K.M., Holden, K.F., & Yaffe, K. (2005). Pharmacological treatment of neuropsychiatric symptoms of dementia. A review of the evidence. Journal of the American Medical Association, 293, 596-608.

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19 juillet 2010 1 19 /07 /juillet /2010 23:06

Plusieurs études ont montré que les facteurs de risque vasculaire et les maladies vasculaires jouent un rôle important dans le développement de la « démence» ou de la soi-disant « maladie d’Alzheimer » (voir notre chronique « De nouveaux éléments appuyant la relation entre risques/troubles vasculaires et risque de "démence" ou de "maladie d’Alzheimer"  »).

 

Une étude récente réalisée par Laukka et al. (2010) a confirmé l’impact des facteurs vasculaires sur le fonctionnement cognitif des personnes ayant reçu le diagnostic de la soi-disant « maladie d’Alzheimer ». Les auteurs ont suivi un groupe de personnes âgées de 75 ans et plus, issues de la population générale et qui ne présentaient pas de « démence » lors de l’évaluation initiale. Trois ans plus tard, 138 personnes avaient reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer » et 783 personnes étaient restées sans « démence ».


La présence d’une histoire de maladies vasculaires (maladie cardiaque, accident vasculaire cérébral) a été identifiée, lors de l’évaluation initiale et après 3 ans, et son influence sur le fonctionnement cognitif a été comparée dans les deux groupes de personnes (avec ou sans « démence »). Lors de l’évaluation initiale, la présence de problèmes vasculaires était similaire dans les deux groupes de personnes.

Après avoir contrôlé l’influence de l’âge, du niveau d’éducation et du genre, les analyses montrent que, globalement (pour les deux groupes de personnes, avec ou sans « démence »), une histoire de maladie vasculaire a un impact négatif sur le fonctionnement cognitif, et ce tant lors de l’évaluation initiale qu’après 3 ans.


Par ailleurs, cet effet négatif sur le fonctionnement cognitif est significativement plus important chez les personnes ayant reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer ». Enfin, les personnes qui présentaient le déclin cognitif le plus rapide entre l’évaluation initiale et l’évaluation menée après 3 ans étaient les personnes ayant reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer » et qui avaient présenté un nouveau problème vasculaire (sans problème vasculaire lors de l’évaluation initiale) ou un problème vasculaire supplémentaire entre l’évaluation initiale et le suivi après 3 ans. Il apparaît donc que l’effet négatif des problèmes vasculaires sur le fonctionnement cognitif des personnes ayant reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer » est amplifié durant la période proche du diagnostic. Il faut enfin noter que l’effet des troubles vasculaires sur le fonctionnement cognitif était indépendant du statut ApoE.


Cette étude va dans le même sens que celles qui ont montré que, quand on examine le cerveau de personnes décédées et qui ont reçu de leur vivant le diagnostic de « maladie d’Alzheimer », on constate chez bon nombre d’entre elles différents types d’anomalies : pas uniquement celles considérées comme typiques de la soi-disant maladie d’Alzheimer (les plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires), mais aussi d’autres anomalies, comme des lésions vasculaires et d’autres (voir Fotuhi et al., 2009). 

 

Il subsiste cependant de nombreuses incertitudes quand à la nature de l’influence des facteurs vasculaires sur la survenue et l’évolution d’une « démence » (de la « maladie d’Alzheimer »): hypoperfusion cérébrale consécutive aux problèmes vasculaires et constituant le déclencheur d’autres mécanismes ou développement en parallèle des mécanismes vasculaires et des autres mécanismes, avec des actions additives ou en synergie.  Nous aurons l’occasion d’aborder ce point dans une prochaine chronique.

 

Quoi qu’il en soit, ces données renforcent l’idée selon laquelle la prévention et le traitement des facteurs de risque vasculaire pourraient à la fois différer l’apparition d’une « démence » et en ralentir l’évolution.

risque-vasc.jpg

 

Fotuhi, M., Hachinski, V., & Whitehouse, P. (2009). Changing perspectives regarding late-life dementia. Nature Reviews Neurology, 5, 649-658.

Laukka, E.J., Fratiglioni, L., & Bäckman, L. (2010). The influence of vascular disease on cogntive performance in the preclinical and early phases of Alzheimer’s disease. Dementia and Geriatric Cognitive Disorders, 29, 498-503.

 

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 23:08

Deux études récemment publiées dans la revue « Neurology » contribuent à renforcer l’hypothèse selon laquelle la dépression constitue un facteur de risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique (de « démence »).

L’intérêt de ces deux études est d’avoir mené une exploration prospective (longitudinale) de cohortes (personnes ayant présenté ou non une dépression), ce qui rend possible l’identification du facteur causal présumé du déclin cognitif (en l’occurrence, ici, la dépression) avant l’apparition de ce déclin (la « démence »). Un autre intérêt de ces études est d’avoir utilisé le même outil validé d’évaluation de la dépression (CES-D, Center for Epidemiologic Studies Depression Scale).

Dans la première étude, Saczynski et al. (2010) ont suivi 949 personnes (avec un âge moyen de 79 ans et initialement sans « démence ») pendant une période de 17 ans. Les symptômes dépressifs ont été évalués au début du suivi (de 1990 à 1994) et une dépression a été identifiée chez 13.2% des personnes. Par ailleurs, durant le suivi de 17 ans, 164 participants ont développé une « démence ». Les analyses ont montré que les personnes ayant présenté une dépression ont un risque significativement plus élevé (de plus d’une fois 1 fois et demie) de développer une « démence » que les personnes sans dépression. Ce résultat s’est maintenu après avoir contrôlé l’influence de l’âge, du genre, de l’éducation, ainsi que de la présence d’homocystéine (facteur de risque vasculaire) et de l’allèle E4 du gène de l’apolipoprotéine E (ApoE). Les résultats étaient similaires quand a été incluse la prise d’antidépresseurs dans la définition de la dépression et quand ont été retirées de l’analyse les personnes qui présentaient, au début du suivi, un possible « trouble cognitif léger ».

Dans la deuxième étude, Dotson et al. (2010) ont suivi 1239 personnes âgées (âge moyen de 55.5 ans) pendant une durée médiane de 24.7 ans. Les symptômes dépressifs ont également été évalués au moyen de la CES-D, à des intervalles réguliers de un à deux ans. Les analyses montrent que les personnes qui ont présenté un épisode de symptômes dépressifs élevés ont un risque augmenté de 87% de développer une « démence » et que ce risque est quasiment doublé chez les personnes ayant présenté 2 épisodes ou plus.

Ces données confortent donc l’’hypothèse que la dépression constitue un facteur de risque de vieillissement cérébral et cognitif problématique. De plus, il apparaît que la dépression récurrente est particulièrement pernicieuse et que, à ce titre, elle devrait faire l’objet d’interventions de prévention. Dans ce contexte, il faut rappeler (voir notre chronique « L’efficacité des antidépresseurs : un autre mythe à démonter ! ») l’analyse de Irving Kirsch montrant en quoi les antidépresseurs n’apportent pas plus de bénéfice (ou alors très marginalement) qu’un placebo et sont significativement plus dangereux que d’autres formes de traitement. Par contre, il existe d’autres moyens, psychologiques et sociaux, d’aider les personnes qui présentent des manifestations dépressives et de prévenir la récurrence de symptômes dépressifs.

Dans un éditorial commentant les études que nous venons de résumer, Geda (2010) indique en quoi des recherches ultérieures s’imposent dans le but de tenter d’identifier la nature des mécanismes spécifiques qui relient dépression et risque de « démence ». Il s’agit de déterminer si la dépression constitue réellement un facteur causal direct du déclin cognitif, si elle agit en synergie avec d’autres facteurs ou encore si un facteur causal commun induit à la fois dépression et déclin cognitif. Il s’agirait notamment d’explorer dans quelle mesure la dépression augmente le risque de « démence » via la contribution de facteurs tels que la diminution de l’activité physique ou un moindre engagement social, autant de facteurs qui sont associés à un risque accru de « démence ». Il importe également d’exclure complètement l’hypothèse selon laquelle la dépression ne serait en fait qu’une réponse émotionnelle au trouble cognitif évolutif (même si, dans l’étude de Saczynski et al., l’association entre dépression et risque de « démence » se maintient quand les personnes ayant un possible « trouble cognitif léger » en début de suivi ont été retirées de l’analyse).


depression-age.jpg 

Dotson, V.M., Beydoun, M.A., & Zonderman, A.B. (2010). Recurrent depressive symptoms and the incidence of dementia and mild cognitive impairment. Neurology, 75, 27-34.

Geda, Y. E. (2010). Blowing hot and cold over depression and cognitive impairment. Neurology, 75, 12-14.

Saczynski, J.S., Beiser, A., Seshadri, S., Auerbach, S., Wolf, P.A., & Au, R. (2010). Depressive symptoms and risk of dementia. The Framingham Heart Study. Neurology, 75, 35-41.

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9 juillet 2010 5 09 /07 /juillet /2010 23:43

Des anomalies ophtalmologiques ont fréquemment été décrites chez des personnes présentent un vieillissement cérébral problématique (une « démence »). Par contre, on connaît mal l’influence d’une vision défectueuse et non traitée sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées.

 

Une étude rétrospective et en cohorte menée par Rogers et Langa (2010) a examiné les données issues du suivi de 625 personnes âgées de 85 ans et plus et ne présentant pas de « démence » lors de l’évaluation initiale. La vision des participants a été évaluée au début du suivi (sur une échelle à 6 niveaux : excellente, très bonne, bonne, passable, mauvaise, aveugle) et la réalisation d’une d’opération de l’œil (du type implant cornéen, cataracte, détachement rétinien, etc,) a également été identifiée. Les personnes portant des lunettes ont été évaluées avec leurs lunettes. L’influence possible des facteurs suivants a été contrôlée : âge, genre, ethnicité, éducation, nombre d’allèles E4 du gène de l’apolipoprotéine E (ApoE), traumatisme crânien antérieur, diabète, accident vasculaire, hypertension et maladie cardiaque.  

 

La présence d’une mauvaise vision est significativement associée au risque de développer une démence. Seulement 9.7% des personnes ayant développé une « démence » avaient une vision excellente lors de l’évaluation initiale alors que 30.7% des personnes ayant conservé un bon fonctionnement cognitif avaient une excellente vision. Le risque de « démence » augmentait de 52% à chaque accroissement d’une unité de l’échelle d’évaluation de la vision (de excellent à aveugle). Les personnes ayant une vision excellente ou très bonne lors de l’évaluation initiale ont présenté un risque réduit de 63% de développer ultérieurement une « démence », sur une période moyenne de suivi de 8.5 ans. Les participants avec une vision plus mauvaise (les évaluations « bonne, passable, mauvaise et aveugle ») et qui n’ont pas consulté un ophtalmologiste avaient un risque accru de 9 fois et demie de développer une « maladie d’Alzheimer » et un risque augmenté de 5 fois de recevoir le diagnostic de troubles cognitifs sans « démence ». De plus, une mauvaise vision sans opération oculaire antérieure augmentait le risque de « maladie d’Alzheimer » de 5 fois. Il faut enfin relever qu’il n’existait pas de différences entre les statuts cognitifs dans l’utilisation de lunettes ou de lentilles de contact lors de l’évaluation initiale, alors que, comme nous l’avons vu, des différences nettes de vision étaient observées. Ce résultat suggère soit que les lunettes ou lentilles ne pouvaient pas corriger les déficits de vision, soit qu’elles n’étaient pas ou plus adaptées.

 

Les résultats de cette étude indiquent donc que les personnes ayant reçu le diagnostic de « démence » (en particulier celui de « maladie d’Alzheimer ») ont une vision plus mauvaise et ont reçu moins de soins ophtalmologiques, avant le diagnostic, que les personnes ayant vieilli avec un fonctionnement cognitif plus satisfaisant. Ces données suggèrent dès lors que le traitement des problèmes visuels pourrait différer l’apparition d’un vieillissement cognitif problématique.

 

Il faut relever qu’une mauvaise vision peut entraver la mobilité et affecter la réalisation d’activités telles que la lecture ou la pratique d’un instrument de musique. Elle peut également affecter les interactions sociales et réduire le réseau social de la personne. Des études futures devraient ainsi se pencher sur les interactions entre les difficultés visuelles et d’autres facteurs pouvant contribuer à un vieillissement cérébral et cognitif problématique (activité physique, engagement dans des activités, interactions sociales). Enfin, il s’agirait également d’examiner dans quelle mesure les troubles de vision et le vieillissement cognitif/cérébral problématique partagent des mécanismes communs.

 

lunettes.jpg 

 

Rogers, M.A.M., & Langa, K.M. (2010). Untreated poor vision: A contributing factor for late-life dementia. American Journal of Epidemiology, 171, 728-735.

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 20:45

Nous avons régulièrement mentionné l’intrication de divers facteurs dans le vieillissement cérébral. Ainsi, plusieurs études épidémiologiques ont déjà montré que les personnes de 50 à 80 ans ayant une activité physique régulière ont un risque diminué de présenter des difficultés cognitives dans leur vieillesse. En outre, les personnes conservant une activité physique alors qu’elles vieillissent présentent un déclin cognitif moindre que celles qui restent inactives.

 

Une étude récente de Middleton et al. (2010), qui a porté sur 9554 femmes âgées de 65 ans et plus, a pris en considération la pratique d’une activité physique (auto-rapportée) à divers âges de la vie (à l’adolescence, à la trentaine, à la cinquantaine et durant la période de l’étude) et l’a mise en relation avec le statut cognitif à l’âge avancé (apprécié par le biais d’une version modifiée du MMSE). Il est apparu que le score au MMSE était corrélé au degré d’exercice physique pratiqué à tous les âges, mais plus particulièrement durant l’adolescence : les femmes actives durant leur adolescence présentaient un risque diminué presque de moitié de développer des troubles cognitifs durant leur vieillesse (8,5% vs. 16,7%, AOR =0.65 ; IC 95%=0.53-0.85). Toutefois, les femmes inactives physiquement durant l’adolescence, mais devenues actives par la suite, tirent également profit de ce changement de comportement. Ces résultats restent significatifs après prise en compte du niveau éducatif, du statut marital, de facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, diabète, hypertension, indice de masse corporelle), ainsi que de la présence de signes dépressifs ou de signes parkinsoniens.

 

Ces données soulignent l’importance de mettre en œuvre des mesures de prévention destinées à favoriser l’activité physique et à lutter contre la sédentarité, et ce dès les premières périodes de la vie.

 

activite-femmes.jpg 

Middleton, L.E., Barnes, D.E., Lui, L.-Y., & Yaffe, C. (2010). Physical activity over the life course and its association with cognitive performance and impairment in old age. Journal of the American Geriatrics Society, 58, 1322-1326.

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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 23:09

Nous avons rapporté, dans une chronique précédente (« Etat de stress post-traumatique et risque de vieillissement cérébral problématique»), les résultats d’une étude suggérant un lien entre la présence d’un état de stress post-traumatique chez des anciens combattants des Etats-Unis et le risque de développer ultérieurement un vieillissement cérébral problématique (Yaffe et al., 2010).

Un travail récent, mené en Allemagne, a exploré la fréquence des expériences traumatiques vécues par des personnes âgées de 60 ans et plus durant leur vie ainsi que la prévalence d’un état de stress post-traumatique (Glaesmer et al., 2010). Cette recherche a examiné 814 personnes âgées de 60 ans et plus, aléatoirement sélectionnées au sein de la population allemande générale.

Il apparaît que le pourcentage de personnes âgées ayant vécu au moins un traumatisme durant leur vie s’accroît avec l’âge et que ce pourcentage atteint 64.3% chez les personnes âgées de 75 ans et plus. Par ailleurs, l’avancée en âge est associée à une fréquence accrue d’expériences traumatiques en lien avec la Seconde Guerre Mondiale (59.7% des personnes âgées de 75 ans et plus rapportent au moins un événement traumatique en lien avec la guerre). La fréquence d’expériences de violence physique et liées au fait d’être témoin d’un événement traumatique s’accroît également avec l’âge.

De plus, les expériences traumatiques en lien avec la guerre sont évaluées comme les pires expériences traumatiques vécues, bien que les événements se soient produits plusieurs dizaines d’années auparavant. Les événements menaçant la vie sont aussi rapportés parmi les expériences les plus traumatisantes

Les symptômes individuels, constituant les conséquences actuelles des événements traumatiques vécus durant la Seconde Guerre Mondiale (bombardements, déplacements, participation aux combats, captivité), sont l’évitement des pensées et des sentiments, des troubles du sommeil, des rêves perturbants et des pensées intrusives.

Enfin, la présence d’un état de stress post-traumatique (sur base de l’ensemble des critères du DSM-IV) endéans les 4 semaines précédant l’évaluation est identifiée dans 3.4% de l’échantillon. Quand on inclut les personnes montrant un état de stress post-traumatique partiel, ce pourcentage monte à 7.2%. Ces résultats sont globalement comparables avec ceux obtenus dans des études menées notamment en France et aux Pays-Bas (pays qui ont aussi été impliqués dans la Seconde Guerre Mondiale). Les auteurs relèvent que les symptômes actuels de stress post-traumatique n’ont pas nécessairement un lien direct avec les expériences de guerre, mais ces expériences pourraient accroître l’incidence de symptômes consécutifs à un traumatisme ultérieur. Dans cette perspective, Maercker et al. (2008) rapportent un taux nettement moins important d’état de stress post-traumatique chez les personnes âgées en Suisse (0.7%), lesquelles ont largement échappé aux traumatismes liés à la guerre. Ces résultats s’accordent ainsi avec l’idée selon laquelle avoir vécu un traumatisme en lien avec la Seconde Guerre Mondiale en tant qu’enfant ou jeune adulte conduit à une prévalence plus élevée d’état de stress post-traumatique chez la personne âgée. 

De manière générale, ces résultats montrent en quoi il est essentiel de prendre en compte l’histoire des personnes âgées quand on essaie de comprendre les difficultés psychologiques qu’elles rencontrent, et notamment leurs difficultés cognitives. En effet, la présence d’un état de stress post-traumatique ou d’une symptomatologie post-traumatique est, de manière plus ou moins directe, associée à des difficultés affectant différentes aspects du fonctionnement cognitif (voir Ceschi & Van der Linden, 2008). Il apparaît également important d’explorer davantage, dans la ligne de l’étude de Yaffe et al. (2010), la contribution des expériences traumatiques, en particulier celles en lien avec la guerre (y compris quand elles ont été vécues durant l’enfance et au début de l’âge adulte), à la survenue d’un vieillissement problématique. 

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La bombardement de Londres durant la IIe Guerre mondiale

 

Ceschi, G. & Van der Linden, M. (2008). L’état de stress post-traumatique (ESPT): une perspective cognitive. In M. Van der Linden & G. Ceschi (Eds.), Traité de psychopathologie cognitive, tome 2 (pp. 55-107). Marseille: Solal

Glaesmer, H., Gunzelmann, Th., Braelher, E., Forstmeier, S., & Maercker, A. (2010). Traumatic experiences and post-traumatic disorder among elderly Germans: results of a representative population-based survey. International Psychogeriatrics, à paraître.

Maercker, A., Forstmeier, S., Enzler, A., Krüsi, G., Hörler, E., Maier, Ch., & Ehlert, U. (2008). Adjustment disorders, posttraumatic stress disorder, and depressive disorders in old age: Findings from a community survey. Comprehensive Psychiatry, 49, 113-120.

Yaffe, K., Vittinghof, E., Lindquist, K., Barnes, D., Covinsky, K.E., Neylan, Th., Kluse, M., & Marmar, Ch. (2010). Posttraumatic stress disorder and risk of dementia among US veterans. Archives of General Psychiatry, 67, 608-613.

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 23:43

 

Les benzodiazépines sont communément utilisées pour le traitement de l’anxiété et des troubles du sommeil. En outre, elles constituent les médicaments psychotropes les plus fréquemment administrés aux personnes âgées, avec souvent même une  utilisation à long terme. Les effets négatifs des benzodiazépines sur la mémoire sont bien documentés. Par contre, relativement peu d’études ont examiné, sur d’importants échantillons, si l’utilisation à long terme de benzodiazépines provoquait un déclin cognitif permanent ou était associée à un risque accru de vieillissement cérébral problématique (de « démence »).

Dans une étude menée à Taiwan, Wu et al. (2009) ont suivi pendant un minimum de 4 ans une cohorte de personnes âgées de 45 ans et plus. Le suivi se terminait à la fin de la période d’observation, ou quand les personnes quittaient l’étude, ou encore quand elles développaient une « démence ». Les personnes (n= 779 personnes ; âge moyen : 75.6 ans) qui ont, durant le suivi, développé une «  démence » ont été individuellement appariées à 6 personnes du même âge et genre qui n’avaient, elles, pas présenté de « démence ».

Les résultats montrent qu’une dose cumulée plus importante et une durée plus longue d’utilisation de benzodiazépines sont associées à un risque plus élevé de « démence ». En outre, les personnes « démentes » sont plus fréquemment des utilisatrices à long terme de benzodiazépines (utilisation pendant plus de 180 jours durant une période d’une année). Ces résultats se maintiennent après avoir contrôlé l’influence de possibles facteurs de co-morbidité (notamment cardiovasculaire et psychiatriques).

La mise en évidence d’une association n’implique évidemment pas l’existence d’un lien de causalité. Par ailleurs, les mécanismes biologiques qui relieraient benzodiazépines et vieillissement cérébral problématique ne sont pas clairs. Les auteurs reconnaissent en outre certaines limites à leur travail, et notamment  la non prise en compte d’autres facteurs confondants (comme le niveau d’éducation, l’indice de masse corporelle ou le tabagisme), le possible manque de sensibilité du diagnostic de « démence » et le fait que la prescription de benzodiazépines pourrait être la conséquence plutôt que la cause des symptômes débutants de la « démence » (même si la durée moyenne entre la prescription initiale des benzodiazépines et le diagnostic de « démence » était de 4.6 ans). De plus, les troubles du sommeil et les troubles émotionnels peuvent interagir de façon complexe avec les problèmes vasculaires, et cela pourrait rendre compte, dans une certaine mesure, de l’association entre benzodiazépines et « démence » (même si l’influence possible de certains facteurs vasculaires et psychiatriques a été contrôlée).    

Plus récemment, Wu et al. (2010) ont examiné dans quelle mesure l’arrêt dans l’utilisation de benzodiazépines diminue le risque de « démence ». Utilisant une méthodologie globalement analogue à celle de l’étude précédente, ils ont montré que le risque de « démence » diminuait chez des anciens utilisateurs de benzodiazépines à mesure que la durée de l’interruption augmentait. De façon plus spécifique, ils ont également observé que les utilisateurs légers de benzodiazépines (en termes de doses cumulées quotidiennes) qui avaient arrêté l’utilisation pendant plus d’un an n’étaient plus à risque de « démence ». Par contre, le risque de démence demeurait élevé chez les gros utilisateurs, même après 3 ans d’arrêt, bien que le nombre de personnes avec utilisation élevée et longue période d’arrêt soit trop réduit pour pouvoir tirer des conclusions fermes. En dépit de plusieurs limites, dont certaines partagée avec l’étude précédente et d’autres plus spécifiques (comme l’absence de contrôle de l’adhérence au traitement et du caractère continu ou intermittent de l’utilisation durant la période de traitement), ces données sont encourageantes en ce qu’elles montrent que l’arrêt de l’utilisation de benzodiazépines peut réduire le risque de vieillissement cérébral problématique.   

Même s’il subsiste de nombreuses questions à explorer concernant les relations entre benzodiazépines et risque de vieillissement cérébral problématique, les données existantes suggèrent dès à présent de limiter la prévalence d’utilisation à long terme de ces substances, notamment chez les personnes âgées. Il existe d’ailleurs des interventions non pharmacologiques (psychologiques) qui ont montré leur efficacité dans les troubles du sommeil et les troubles anxieux, De plus, certaines interventions psychologiques peuvent faciliter l’arrêt d’un traitement par benzodiazépines chez les personnes âgées (Morin et al., 2004).

benzos

Morin, Ch. M., Bastien, C., Guay, B., Radouco-Thomas, M., Leblanc, J., & Vallières, A. (2004). Randomized clinical trial of supervised tapering and cognitive behavior therapy to facilitate benzodiazepine discontinuation in older adults with chronic insomnia. The American Journal of Psychiatry, 161, 332-342.

Wu, C.-S., Ting, T.-T., Wang, S.-C., Chang, I.-S., & Lin, K.-M. (2009). The association between dementia and long-term use of benzodiazepine in the elderly: Nested case-control study using claims data. American Journal of Geriatric Psychiatry, 17, 614-620.

Wu, C.-S., Ting, T.-T., Wang, S.-C., Chang, I.-S., & Lin, K.-M. (2010). Effect of benzodiazepine discontinuation on dementia risk. American Journal of Geriatric Psychiatry, à paraître.

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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 23:27

Reichstadt et al. (2010) ont entrepris une recherche qualitative dont le but était de recueillir le point de vue des personnes âgées sur ce qui constitue, selon elles, un vieillissement réussi, ainsi que sur ce que pourraient être des activités et des interventions susceptibles de le favoriser.

 

Des entretiens qualitatifs ont été menés auprès de 22 personnes âgées dont l’âge moyen état de 80 ans (avec 59% de femmes) et qui ont été recrutées dans des maisons de retraites, une résidence pour personnes âgées à faible revenu, ainsi qu’un centre de formation continue dans la région de San Diego. Les entretiens étaient initiés par des questions générales préétablies, avec si nécessaire des questions  supplémentaires. Le contenu des entretiens et la structure des informations recueillies ont été analysés au moyen d’une méthode standardisée.

 

Les analyses montrent que deux thèmes principaux et apparemment opposés sont mis en évidence par les personnes âgées : d’une part l’acceptation de soi et le fait d’être satisfait de ce que l’on est et d’autre part le développement personnel et l’engagement. L’acceptation de soi renvoie au fait d’être à l’aise avec soi-même et ses expériences passées, et en même temps à une évaluation réaliste de soi. L’engagement est quant à lui décrit en termes de développement personnel, incluant la sélection d’activités qui contribuent au développement individuel, au plaisir et à l’épanouissement personnels, ainsi qu’à l’amélioration du bien-être des autres. Un équilibre entre ces deux thèmes semble donc constituer un élément essentiel du vieillissement réussi.

 

De manière générale, les personnes âgées insistent plus sur les adaptations psychologiques et comportementales à mettre en place face aux changements et handicaps qui surviennent dans la vie que sur le fait d’être épargné des handicaps.

 

En ce qui concerne les activités et interventions susceptibles de promouvoir un vieillissement « réussi », les personnes âgées mentionnent la nécessité d’interventions permettant :

* d’aider à trouver des soutiens sociaux et environnementaux (en particulier pour les personnes isolées) ;

* de s’engager dans des activités nouvelles et signifiantes, et notamment celles qui facilitent les relations intergénérationnelles et un sentiment d’utilité.

 

Est également mentionnée la nécessité de recevoir des informations « taillées sur mesure » afin de mieux comprendre les défis du vieillissement  et ainsi d’aider à prendre des décisions en étant mieux informé et à adopter les stratégies psychologiques et comportementales les plus adaptées.

 

On voit donc là deux axes principaux d’intervention à mettre en place : celles qui visent à promouvoir un engagement dans des activités permettant de donner un sens à sa vie (voir notre chronique précédente «Des buts dans la vie et une existence qui a un sens réduisent le risque de vieillissement problématique») et d’autres qui favorisent la mise en place de stratégies adaptées permettant de faire face aux défis du vieillissement.     

 

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Reichstadt, J., Sengupta, G., Depp, C.A., Palinkas, L.A., & Jeste, D.V. (2010). Older adults’perspectives on successful aging: Qualitative interviews. American Journal of Geriatric Psychiatry, à paraître.

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