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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 07:49

  kirschIrving Kirsch, professeur de psychologie à l’Université de Hull en Angleterre et spécialiste, entre autres, de la suggestion, de l’effet placebo, de la perception de la douleur ou encore des distorsions mnésiques, s’est attelé à démonter le mythe de l’efficacité des antidépresseurs dans un livre particulièrement rigoureux, clair et accessible (mais malheureusement non encore traduit en français) : « The emperor’s new drugs. Exploding the antidepressant myth. » (Ed. The Bodley Head, London, 2009).

 

S’appuyant sur la loi états-unienne sur la liberté d’information (Freedom of Information Act), Irving Kirsch a eu accès à de nombreux essais cliniques sur l’efficacité des antidépresseurs, y compris ceux qui n’ont pas été publiés et transmis au public et aux médecins. On estime en effet qu’environ 40 % des essais cliniques sur les antidépresseurs ne sont pas publiés, du fait d’un biais de publication qui fait que ce sont surtout les essais cliniques qui ont montré des effets bénéfiques qui sont soumis pour publication par les firmes pharmaceutiques, alors que les études non fructueuses sont retirées…

 

Sur base de l’ensemble des données disponibles, d’une analyse critique de la méthodologie utilisée dans les essais cliniques et de sa connaissances des mécanismes impliqués dans l’effet placebo, Irving Kirsch montre en quoi les antidépresseurs ne sont pas efficaces : ils n’apportent pas plus de bénéfice (ou alors très marginalement) qu’un placebo et ils sont significativement plus dangereux que d’autres formes de traitement.

 

A partir de la littérature scientifique, il met également en question la théorie biomédicale dominante sur la dépression, selon laquelle cet état est la conséquence d’un déséquilibre au niveau de certains neurotransmetteurs (« chemical-imbalance theory »). Tout comme pour le mythe de la maladie d’Alzheimer, on voit à nouveau dans ce livre le poids de l’approche biomédicale réductrice et de « Big Pharma ».

 

Irving Kirsch montre également qu’il y a bien d’autres moyens, psychologiques et sociaux, d’aider les personnes qui présentent des manifestations dépressives. Il s’interroge aussi sur le statut même de « maladie » qui est attribué à la dépression, tout comme le font d’ailleurs Allan Horwitz et Jerome Wakefield, deux professeurs états-uniens renommés, dans un livre qui mérite d’être lu en parallèle avec celui de Irving Kirsch : « The loss of sadness : How psychiatry transformed normal sorrow into depressive disorder » (« La perte de la tristesse. Comment la psychiatrie a transformé le chagrin normal en trouble dépressif », Ed. Oxford Press, 2007, dont une traduction en langue française est prévue sous peu aux éditions Mardaga). Il ne s’agit pas de nier la souffrance psychologique, qui est inhérente à la condition humaine, ni que cette souffrance peut être extrêmement intense. Ce qui est défendu dans le livre de Kirsch, ainsi que celui de Horwitz et Wakefield, c’est que, dans la majorité des cas, cette souffrance psychologique n’est pas le reflet d’une soi-disant « maladie » spécifique, mais qu’elle est une réaction normale à des situations personnelles et sociales difficiles.

 

Cette façon d’aborder la dépression et les antidépresseurs a une pertinence toute particulière pour les personnes âgées. En effet, l’accroissement considérable de la consommation d’antidépresseurs observé depuis les années 1990 se manifeste globalement, mais tout particulièrement chez les enfants, adolescents et personnes âgées (y compris celles qui ont des problèmes cognitifs importants). De façon récurrente, les études insistent sur la nécessité de distinguer la soi-disant « maladie dépressive » de la soi-disant « maladie d’Alzheimer » et de mener davantage de recherches qui permettraient de déterminer quels sont les antidépresseurs les plus adaptés aux personnes dites « démentes ». Nous pensons qu’il faudrait plutôt mettre l’accent sur les dimensions personnelles et sociales qui induisent tristesse, perte d’intérêt et de motivation, souffrance psychologique, perte d’estime de soi, problèmes de sommeil, etc.

 

PS : Tant que nous en sommes au démontage des mythes, nous vous suggérons également de vous intéresser à un autre mythe biomédical et réducteur, celui du THADA (Troubles Hyperactifs avec Déficit d’Attention ; en anglais ADHD ou Attention-Deficit Hyperactivity Disorder) en lisant le livre « Rethinking ADHD, from brain to culture », Ed. Palgrave Macmillan, 2009 (Un autre regard sur le « THADA », du cerveau à la culture) dirigé par Sami Timizeus.jpgmi et Jonathan Leo (et malheureusement pas encore traduit en français). Comme vous l’avez lu ou vous le lirez dans « Le mythe de la maladie d’Alzheimer », prévenir (ralentir ou différer) les aspects problématiques du vieillissement cérébral commence dès l’enfance. Dans cette perspective, le livre de Timimi et Leo montre la toxicité pour le développement (notamment cérébral) du traitement pharmacologique le plus souvent administré aux enfants ayant le soi-disant « THADA ». Plus généralement, tout comme Peter Whitehouse et Daniel George l’ont montré pour la soi-disant « maladie d’Alzheimer », il s’agit de prendre en compte la multiplicité et la complexité des facteurs en jeu dans les comportements regroupés abusivement sur l’étiquette « THADA ». Il s’agit en particulier de donner aux dimensions et interventions psychologiques, communautaires, sociales, environnementales et culturelles, toute l’importance qu’elles méritent. 

 

Kirsch, I. (2009). The emperor’s new drugs. Exploding the antidepressant myth. London : The Bodley Head.

Timimi, S. & Leo, J., Eds. (2009). Rethinking ADD, from brain to culture. New-York : Palgrave Macmillan.

 

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