Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.
D'abord, contre la maladie qui frappe l'un d'entre nous et explique notre silence de plusieurs mois ; mais nous nous battons contre elle avec la même énergie que dans nos autres engagements, soutenus par la force de notre amour et de nombreux amis et amies que nous remercions ici chaleureusement.
Mais aussi et toujours contre le réductionnisme biomédical, qui continue de miser sur la découverte de la pilule miracle qui guérirait de "l'Alzheimer"*, de plaider pour des mécanismes déclencheurs moléculaires qui seraient bien définis et, ce faisant, de négliger la multiplicité des processus et facteurs qui peuvent infléchir le vieillissement cognitif et cérébral.
Cette résistance se retrouvera demain dans un article paru conjointement dans deux quotidiens lémaniques, la "Tribune de Genève" et "24 Heures" (texte intégral disponible en fin de chronique) ; il est publié consécutivement à la prise de position de quinze institutions suisses (dont le centre de la mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, le centre Leenards de la mémoire au Centre hospitalier universitaire vaudois et l'Association Alzheimer [lien], texte disponible en fin de chronique), qui défendent le traitement médicamenteux de la maladie d'Alzheimer.
Cet article de la journaliste Aurélie Toninato présente l'opposition entre ce modèle réductionniste, défendu par une partie du monde médical, et notre position : une position qui prend en compte la complexité des mécanismes neurobiologiques associés au vieillissement cérébral et cognitif problématique, ainsi que les nombreux facteurs de risque et de protection génétiques, psychologiques, environnementaux, en lien avec l'éducation, le style de vie, etc.
S’il nous paraît important que la recherche neurobiologique dans le domaine du vieillissement cérébral et cognitif prenne davantage en compte son caractère plurifactoriel et pluri-mécanismes, ainsi que son importante hétérogénéité, en abandonnant l’illusion du « médicament miracle », nous plaidons aussi pour que l’essentiel des ressources financières ne soient pas consacrées majoritairement à l’exploration de dysfonctionnements affectant des « systèmes neurobiologiques complexes », voire au développement d’une « médecine et pharmacologie de précision », dont les succès à court ou moyen terme sont assez imprévisibles (voir notre chronique « Quand des "expert.e.s en maladie d'Alzheimer" s'obstinent à nier la réalité »).
Car, au-delà des perspectives de recherche, les besoins actuels sur le terrain, pour la qualité de vie des personnes affectées et leurs proches, sont déjà énormes !Il est indispensable d’allouer ici et maintenant des moyens plus importants pour mettre en place :
- des actions communautaires favorisant l’engagement des personnes présentant une « démence » au sein même de la société, dans des activités qui leur permettent d’interagir avec d’autres, de prendre du plaisir, de se développer personnellement et d’avoir un rôle social valorisant ;
- des interventions psychologiques et psychosociales individualisées et focalisées sur les difficultés quotidiennes et la souffrance psychologique de ces personnes, ainsi que celles de leurs proches ;
- des interventions de prévention focalisées sur des facteurs intervenant tout au long de la vie et dont les études épidémiologiques ont montré qu’ils étaient susceptibles de réduire ou de différer les expressions les plus problématiques des difficultés.
- des structures insérées dans les collectivités locales, en lien direct avec les services communaux, les associations, les structures d’hébergement à long terme, les médecins de famille, etc. Ce qui suppose aussi l’installation d’équipes multi- et surtout interdisciplinaires, intervenant de manière concertée et coordonnée.
Il importe également d’œuvrer à un changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme, en passant d’une approche centrée sur la sécurité, les questions médicales et l’uniformité à une approche davantage centrée sur la personne (ses aspirations, sa qualité de vie) et sur ses liens avec la société.
Une nouvelle chronique suivra prochainement ; pour l'heure, nous sommes très heureux de vous retrouver dans ces colonnes et de célébrer avec vous les 9 ans d'existence de ce blog !
Article paru dans le journal "24 Heures" et la "Tribune de Genève" du 8 avril 2019.
Diverses expériences sociales ont récemment été menées dans le but de favoriser l’insertion sociale, la qualité de vie et le bien-être des personnes ayant reçu un diagnostic de démence. Ainsi, dans plusieurs pays, de nombreuses initiatives ont vu le jour, visant à développer des lieux de vie « amis des personnes présentant une démence » (dementia-friendly communities). Par ailleurs, on a vu apparaître un autre discours sur la démence, s’éloignant du discours tragique fait de perte, de déclin et de mort : le discours du « vivre bien avec une démence ». Ces expériences ne sont cependant pas dépourvues d’ambiguïtés. Plus fondamentalement, leur limite majeure est, pour la plupart d’entre elles, de ne pas mettre réellement en question le modèle biomédical de la démence.
En fait, les représentations sociales négatives, voire apocalyptiques, sur la démence sont encore très fortement ancrées dans l’esprit de la population.Il a été maintes fois montré que la conception neurobiologique de la maladie d’Alzheimer (et par extension de la démence) et le langage tragique qu’elle véhicule représentent une construction sociale qui a notamment émergé dans le contexte d’une vision de la société focalisée sur l’efficacité, le rendement, la compétition et l’individualisme, ainsi que de la neuroculture dans laquelle le réductionnisme neurobiologique est devenu une pensée dominante
Une autre conception qui réintègre les manifestations problématiques du vieillissement cérébral et cognitif dans le contexte plus large du vieillissement et qui prend en compte la complexité et la diversité des facteurs et mécanismes en jeu, intervenant tout au long de la vie, peut nous inviter à considérer que nous partageons tous les vulnérabilités liées au vieillissement cérébral et cognitif. Dans cette perspective, Behuniak (2010) propose précisément de considérer les personnes présentant une démence avant tout comme des personnes vulnérables, la vulnérabilité renvoyant à l’incertitude concernant la capacité d’une personne à protéger ses intérêts propres. Ainsi, une personne vulnérable est quelqu’un qui peut, parfois, et pour certaines tâches, avoir besoin de protection ou de soins particuliers, sans que ça la prive de ses droits, de sa dignité, de sa citoyenneté et de son humanité. De plus, cette conception de la vulnérabilité met en avant les liens qui nous relient aux autres, dans la mesure où nous sommes tous susceptibles de devenir vulnérables et nous partageons tous la responsabilité de répondre aux besoins de personnes vulnérables.
Les postulats, concepts et pratiques de l’approche biomédicale dominante de la maladie d’Alzheimer, et plus généralement de la démence, sont de plus en plus mis en doute. Dans un éditorial intitulé Branle-bas (éditorial du numéro de juin 2017 de la revue de presse Actualités Alzheimer réalisée par la Fondation Médéric Alzheimer), Jacques Frémontier souligne les nombreuses incertitudes - ou certitudes ébranlées - qui touchent la « planète Alzheimer » (lien).
Dans ce contexte de « branle-bas généralisé », on voit apparaître une aspiration croissante (que ce soit dans la recherche ou dans la pratique clinique) à une approche qui assume réellement la complexité et les nuances du vieillissement cérébral et cognitif problématique, et qui le réintègre dans le cadre plus général du vieillissement, dans ses multiples expressions, sous l’influence de nombreux facteurs et mécanismes intervenant tout au long de la vie (voir Van der Linden & Juillerat Van der Linden, sous presse ; Leblond, Juillerat Van der Linden & Van der Linden, 2017).
On assiste également à une réflexion humaniste concernant les moyens et actions à mettre en œuvre collectivement pour valoriser et renforcer le potentiel des personnes âgées ayant reçu un diagnostic de démence, pour prendre en compte leur point de vue et leurs souhaits, pour leur donner plus de responsabilités dans les décisions, pour faciliter leur participation citoyenne et leur engagement dans des activités (au sein même des structures destinées à la population tout-venant) qui leur permettront d’interagir avec d’autres, de prendre du plaisir, de se développer personnellement et d’avoir un rôle social valorisant.
Dans cette perspective, diverses expériences sociales ont récemment été menées dans le but de favoriser l’insertion sociale, la qualité de vie et le bien-être des personnes ayant reçu un diagnostic de démence. Nous en montrerons l’intérêt mais aussi les limites.
Une société « amie des personnes présentant une démence » (dementia-friendly community) ou une société « qui rend capables les personnes avec une démence » (dementia enabling community) ?
Dans plusieurs pays (au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Australie, au Japon, aux Pays-Bas, en Belgique), de nombreuses initiatives ont vu le jour visant à développer des lieux de vie « amis des personnes présentant une démence » (dementia-friendly communities ; voir Lin, 2017).
Ainsi, par exemple, l’aéroport de Heathrow, en Angleterre, s’est engagé en août 2016 à devenir le premier aéroport « ami des personnes présentant une démence » (lien). Cette démarche s’est inscrite dans le contexte plus général du Prime Minister’s 2020 Challenge on Dementia incitant, entre autres, les structures publiques et privées à prendre des engagements (sous forme de chartes et de programmes de formation des employé-e-s) dans le but de devenir « amies de la démence » (lien).
Par ailleurs, partant de l’idée que créer une société « amie des personnes avec une démence » implique aussi d’améliorer les connaissances et les attitudes des enfants concernant la démence, Jess Baker a élaboré, en Australie, un programme d’éducation sur la démence destiné aux enfants de 10 à 12 ans, avec des résultats préliminaires positifs (lien). Des programmes d’éducation sur la démence et de soutien à des actions sociales, destinés aux enfants et jeunes adultes (entre 5 et 25 ans), ont également été mis en place par la Société Alzheimer d’Angleterre, d’Irlande du Nord et du Pays de Galles (lien). De plus, aux Etats-Unis, Sun et collaborateurs (2017) ont abordé la question des lieux de vie « amis des personnes avec une démence » en examinant les connaissances des policiers concernant la démence et en insistant sur la nécessité de leur proposer un programme visant à accroître ces connaissances, à réduire leurs stéréotypes et à améliorer leurs compétences dans les interactions avec ces personnes.
Ces expériences, et il y en a bien d’autres, ont clairement le mérite d’amener la société, dans ses différentes composantes, à mieux comprendre, soutenir et respecter les personnes présentant une démence, ainsi qu’à favoriser leur insertion sociale. Cependant, Shakespeare, Zeilig et Mittler (2017) ont indiqué en quoi il ne suffisait pas d’être gentil, compréhensif et accueillant envers les personnes avec une démence, mais qu’il fallait aussi, plus fondamentalement, se pencher sur les obstacles socialement imposés qu’elles rencontrent (et pas uniquement les obstacles en lien avec leurs déficits), sur la dévaluation, la stigmatisation et les inégalités de traitement dont elles font l’objet, sur la non satisfaction de certains de leurs besoins (p. ex., dans le domaine de la santé, des transports, de l’habitat, etc.) et même sur la violation de leurs droits humains. En ce sens, le terme « dementia-friendly communities » leur apparaît inapproprié (et teinté de condescendance charitable), et les auteurs suggèrent de lui préférer celui de « dementia enabling communities » (lieux de vie qui rendent capables les personnes présentant une démence).
Shakespeare, Zeilig et Mittler, ayant chacun vécu l’expérience du handicap (le premier auteur ayant un handicap physique, la deuxième ayant un problème de santé mentale et le troisième ayant reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer ») suggèrent par ailleurs d’envisager la démence dans le contexte du modèle social du handicap, lequel met l’accent sur les obstacles (culturels, sociaux, psychologiques et physiques) érigés par les personnes non handicapées, qui empêchent les personnes handicapées d’être pleinement intégrées à la société, voire même qui les en excluent. Dans ce contexte, les auteurs considèrent que la démence devient aussi une question relevant des droits humains, et plus spécifiquement de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (tout en reconnaissant que cette convention s’inscrit dans une perspective par trop individualiste, négligeant ainsi la réalité complexe et interdépendante de la vie des personnes handicapées).
Dans cette perspective des droits humains appliqués à la démence, plusieurs démarches militantes (dementia activism) ont été entreprises par des personnes présentant une démence afin de faire entendre leur voix et reconnaître leur identité, de résister au déni de pouvoir dont elles font l’objet et de mettre en avant leur statut de citoyen, avec les droits qui y sont associés (Bartlett, 2014). De façon plus spécifique, Charras, Eynard et Viatour (2016) ont montré tout l’intérêt qu’il y avait à analyser la conception des structures d’hébergement à long terme destinées aux personnes présentant une démence et l’utilisation de l’espace dans ces structures à partir de plusieurs principes des droits humains (le respect, la liberté, la dignité et l’égalité).
Behuniak (2010) considère cependant que l’accent mis sur la citoyenneté des personnes présentant une démence et l’égalité des droits qui y est associée comporte des aspects problématiques. Plus spécifiquement, le problème survient quand il existe des différences tellement significatives entre les individus que des différences de traitement se justifient, comme cela peut être le cas chez des personnes présentant des troubles cognitifs ou socio-émotionnels importants. Dans ce contexte, Bartlett et O’Connor (2007) suggèrent d’adopter une perspective plus large, qui intègre la personne (et son identité individuelle) et le citoyen, mais qui reconnaît aussi la complexité de l’expérience humaine. De même, assumant eux-aussi la complexité des expressions de la démence, Shakespeare, Zelig et Mittler proposent finalement d’adopter un modèle stratifié, dans lequel différents niveaux (biologique, psychologique, environnemental, social, légal) interagissent pour produire l’expérience du handicap chez les personnes présentant une démence.
Vivre bien avec une démence, mais aussi prendre en compte la souffrance !
Ces dernières années, on a vu apparaître un autre discours sur la démence, s’éloignant du discours tragique fait de perte, de déclin et de mort : le discours du « vivre bien avec une démence ». Ainsi, selon Woods (2012), il s’agit d’entrer dans une ère nouvelle, dans laquelle, au-delà des préoccupations médicales et de soins, nous apprendrons à vivre bien avec la démence. Woods considère que le défi le plus important est de favoriser l’engagement des personnes âgées présentant une démence, au sein même de la société et des structures (sportives, culturelles, associatives) destinées à la population générale, dans des activités qui leur permettent d’interagir avec d’autres, de prendre du plaisir, de se développer personnellement et d’avoir un rôle social valorisant. Pour Potts (2013), il importe d’essayer de rendre chaque moment de la vie de ces personnes aussi bon que possible, en facilitant leur créativité, leur expression de soi, leur communication, leur compréhension et en rétablissant leur dignité.
A nouveau, cette approche conduit à contrer la représentation apocalyptique dominante de la démence et à encourager l’intégration sociale des personnes qui ont reçu ce diagnostic. Cependant, un regard critique, issu notamment des sciences sociales (voir, p. ex., McParland, Kelly & Innes, 2017), a été porté sur ce discours positif, en considérant qu’il conduisait à exclure et dévaluer les personnes âgées présentant les problèmes les plus importants, ou celles qui, pour des raisons socio-économiques, géographiques ou environnementales, seraient moins à même de « vivre bien » avec leur démence.
En outre, Bartlett, Windemuth-Wolfson, Oliver et Dening (2017) ont indiqué en quoi ce discours consistant à « vivre bien avec la démence » pouvait conduire à dénier la souffrance des personnes âgées présentant une démence et de leurs proches, ainsi qu’à négliger les moyens à mettre en œuvre pour reconnaître, comprendre et réduire cette souffrance. Il paraît donc essentiel de reconnaître la réalité complexe de la vie des personnes présentant une démence et de celle de leurs proches, avec leurs potentiels et leurs limites, leurs plaisirs et leurs souffrances, leurs compétences et leurs vulnérabilités. De ce point de vue, comme le relève justement Linda Clare (2017), il est essentiel, en parallèle avec les démarches communautaires visant à favoriser l’intégration sociale et le « vivre bien » des personnes présentant une démence, de leur proposer, à un niveau plus individuel, des interventions psychologiques focalisées sur leurs difficultés quotidiennes et leur souffrance psychologique, ainsi que celles de leurs proches (voir Van der Linden & Juillerat Van der Linden, 2016, et Juillerat Van der Linden & Van der Linden, 2016, pour une présentation des différents types d’interventions psychologiques et psychosociales pouvant être proposées aux personnes présentant une démence).
Le chemin sera long et difficile…
Nous avons vu que les initiatives ayant pour but d’établir des « communautés ou structures amies des personnes présentant une démence » ou de favoriser le « vivre bien avec la démence » ne sont pas dépourvues d’ambiguïtés. Plus fondamentalement, nous pensons que la limite majeure de ces expériences est de ne pas mettre réellement en question le modèle biomédical de la démence ou de la maladie d’Alzheimer (ces initiatives sont d’ailleurs très souvent issues des Associations / Sociétés/ Ligues Alzheimer).
En fait, les représentations sociales négatives, voire apocalyptique, sur la démence sont encore très fortement ancrées dans l’esprit de la population, même si des images plus positives tentent de s’insérer dans ce tableau tragique. Il est utile de rappeler ici le travail effectué en 2011 par les chercheurs belges Van Gorp et Vercruysse sur la façon dont les médias caractérisent la maladie d’Alzheimer (voir notre chronique). Ces chercheurs avaient alors mis en évidence 6 thèmes dominants :
1. La personne présentant une maladie d’Alzheimer est vue comme un zombie : bien que son corps soit encore en vie, l’être humain qui l’habite peut déjà être tenu pour mort puisqu’il a perdu sa personnalité et son identité
2. La maladie d’Alzheimer est présentée comme un ennemi, un monstre, un mal absolu qui doit être combattu, éradiqué à tout prix.
3. La foi dans la science qui laisse entrevoir un espoir de guérison de cette « maladie », pour autant que l’on continue à consacrer suffisamment d’argent à la recherche biomédicale.
4. Le lien avec la mort : le diagnostic est assimilé à une condamnation à mort, le début d’une catastrophe totale.
5. Les rôles inversés : les personnes présentant une maladie d’Alzheimer redeviennent des enfants, ce qui implique une inversion des rôles (les enfants deviennent les parents de leurs parents).
6. L’accent est mis sur le fardeau que représentent les personnes présentant une maladie d’Alzheimer pour leurs proches
Or, il a été maintes fois montré que cette conception neurobiologique de la maladie d’Alzheimer (de la démence) et le langage tragique qui lui est associé représentent une construction sociale, qui a notamment émergé dans le contexte d’une vision de la société focalisée sur l’efficacité, le rendement, la compétition et l’individualisme, un monde où la fragilité et la finitude n’ont pas leur place, ce qui a dès lors contribué à pathologiser et médicaliser le vieillissement (voir Whitehouse & George, 2009). Par ailleurs, cette représentation biomédicale et négative de la maladie d’Alzheimer a été renforcée par la neuroculture qui gouverne ce début de 21e siècle, dans laquelle le réductionnisme cérébral et, plus largement, neurobiologique, est devenu une pensée dominante et a conduit à réduire les comportements, les croyances, les compétences à leurs seuls déterminants biologiques (voir Williams et al., 2012).
Une autre conception qui réintègre les manifestations problématiques du vieillissement cérébral et cognitif dans le contexte plus large du vieillissement et qui prend en compte la complexité et la diversité des facteurs et mécanismes en jeu, intervenant tout au long de la vie, peut nous inviter à une réflexion sur nous-mêmes, et à plus d’humilité concernant les défis liés à l’âge auxquels nous devons ou devrons faire face. Elle devrait aussi nous amener à ne pas considérer le monde comme étant divisé entre celles et ceux qui ont une démence et celles et ceux qui ne l’ont pas, mais plutôt à penser que nous partageons toutes et tous les vulnérabilités liées au vieillissement cérébral et cognitif, et dès lors à ne pas enfermer les personnes dans des catégories diagnostiques réductrices, pathologisantes et stigmatisantes.
Dans cette perspective, Behuniak (2010) propose de considérer les personnes avec une démence comme des personnes vulnérables. Ce concept de vulnérabilité a été utilisé dans de nombreuses acceptions et a fait l’objet de différentes critiques, mais Behuniak suggère de l’adopter pour renvoyer spécifiquement à l’incertitude concernant la capacité d’une personne de protéger ses intérêts propres. Il ne s’agit donc pas de mettre l’accent sur la dépendance, mais sur un questionnement concernant la capacité de prise de décision d’un individu. Cette manière d’envisager la vulnérabilité évite de l’assimiler à la vieillesse, à la fragilité, ce qui saperait de facto l’autonomie et le pouvoir présumés de nombreux individus compétents. Ainsi, une personne vulnérable est quelqu’un qui peut, parfois, et pour certaines tâches, avoir besoin de protection ou de soins particuliers, sans que cela la prive de ses droits, de sa dignité, de sa citoyenneté et de son humanité. De plus, cette conception de la vulnérabilité met en avant les liens qui nous relient aux autres, dans la mesure où nous sommes tous susceptibles de devenir vulnérables et nous partageons tous la responsabilité de répondre aux besoins de personnes vulnérables.
Tel qu’utilisé par Behuniak, le concept de vulnérabilité met l’accent sur la qualité des relations plutôt que sur l’autonomie, sur la responsabilité plutôt que sur les droits. La vulnérabilité est donc une différence qui doit être intégrée à une théorie de l’identité individuelle plutôt qu’être utilisée comme une raison d’exclure la personne ou de la disqualifier.
Ainsi, la question du regard social qui est posé sur la démence – et des pratiques sociales qui en découlent – renvoie en fait à la question plus générale de la place accordée aux citoyens vulnérables dans notre société.
Défendre une autre manière de penser le vieillissement, c’est dès lors s’engager pour un autre type de société, dans laquelle la vulnérabilité a toute sa place !
Références
Bartlett, R. (2014). The emergent modes of dementia activism. Ageing & Society, 34, 623-644.
Bartlett, R., & O’Connor, D. (2007). From personhood to citizen: Broadening the lens for dementia to practice and research. Journal of Aging Studies, 21, 107-118.
Bartlett, R., Windemuth-Wolfson, L., Oliver, K., & Dening, T. (2017). Suffering with dementia: the other side of « living well ». International Psychogeriatrics, 29, 177-179.
Behuniak, S.M. (2010). Toward a political model of dementia: Power as compassionate care. Journal of Aging Studies, 24, 231-240.
Charras, K., Eynard, C., & Viatour, G. (2016). Use of space and human rights: Planning dementia friendly settings. Journal of Gerontological Social Work, 59, 181-204.
Clare, L. (2017), Rehabilitation for people living with dementia: A practical framework of positive support. PLOS Medicine, 14 (3): e1002245.
Juillerat Van der Linden, A.-C., & Van der Linden, M. (2016). Les interventions psychologiques et psychosociales chez les personnes présentant une démence sévère. In X. Seron & M. Van der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Clinique de l’Adulte (deuxième édition), Tome 2, Revalidation. Paris : De Boeck / Solal.
Leblond, J., Juillerat Van der Linden, A.-C., & Van der Linden, M. (2017). A life-span and plurifactorial approach to Alzheimer’s disease. Journal of Neurology & Neuromedicine, 2, 7-10.
Lin, S.-Y. (2017). ‘Dementia-friendly communities’ and being dementia friendly in healthcare settings. Current Opinion in Psychiatry, 30, 145-150.
Mc Parland, P., Kelly, F., & Innes, A. (2017). Dichotomising dementia: is there another way ? Sociology of Health & Illness, 39, 259-269.
Shakespeare, T., Zelig, H., & Mittler, P. (2017). Rights in mind: Thinking differently about dementia and disability. Dementia, sous presse.
Sun, F., Gao, X., Brown, H., & Winfree Jr, L. Th. (2017). Police officer competencies handling Alzheimer’s cases : The role of knowledge, beliefs, and exposure. Dementia, sous presse.
Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.-C. (2016). Les interventions psychologiques et psychosociales chez les personnes présentant une démence légère à modérée. In X. Seron & M. Van der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Clinique de l’Adulte (deuxième édition), Tome 2, Revalidation. Paris : De Boeck / Solal.
Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.-C. (2017). A life course and multifactorial approach to Alzheimer’s disease: Implications for research, clinical assessment and intervention practices. Dementia, sous presse.
Van Gorp, B., & Vercruysse, T. (2011). Framing et reframing : Communiquer autrement sur la maladie d’Alzheimer. Bruxelles : Fondation Roi Baudouin.
Whitehouse, P., & George, D. (2009). Le mythe de la maladie d’Alzheimer. Ce qu’on ne vous dit pas sur ce diagnostic tant redouté (traduit par A.-C. Juillerat Van der Linden & M. Van der Linden). Paris: DeBoeck/Solal.
Williams, S.J., Higgs, P., & Katz, S. (2012). Neuroculture, active ageing and the “older brain”: problems, promises and prospects. Sociology of Health & Illness, 34, 64-78.
Dans une lettre que nous avions envoyée en août 2009 à la Présidente de l’association France Alzheimer (voir notre chronique « Madame la Présidente, nous vous faisons une lettre... » ), nous nous étions fortement insurgés contre un clip ignoble réalisé à la demande de cette association et qui était destiné à une diffusion à grande échelle en France (voir ce clip ici). Ce clip présentait une vision apocalyptique de la "maladie d'Alzheimer" et, ce faisant, contribuait à déshumaniser et marginaliser plus encore les personnes ayant reçu ce diagnostic. Heureusement, un vaste mouvement d’indignation, exprimé sous la forme d’une pétition relayée par internet, avait conduit à l’abandon du projet.
Une campagne de sensibilisation récemment proposée par l’association Suisse Alzheimer et Pro Senectute, via le site memo-info.ch, s’inscrit malheureusement dans la même perspective, même si elle clairement moins violente.
Cette campagne consiste en de petits clips vidéos qui « … mettent en scène des situations de la vie quotidienne impliquant un élément qui suscite une gêne », telles que ranger des chaussures dans le réfrigérateur, placer des assiettes dans l’armoire à vêtements ou mettre des saucisses de Vienne dans le verre à dents. Voyez donc ici l’extrait de cette campagne en lien avec les saucisses de Vienne (les autres mises en scène, visibles sur ce site, étant du même acabit).
Selon les concepteurs de cette campagne, ces clips « … symbolisent des situations familières à beaucoup de personnes atteintes de démence au stade initial et à leurs proches ». [sic]
Que le vieillissement s’accompagne parfois de distractions consistant à mal placer certaines objets (comme mettre à la poubelle ce qui devrait aller dans le frigo et réciproquement) est un fait bien connu et cela s’observe même chez des personnes âgées ne présentant pas un vieillissement problématique ou une « démence » (cela peut d’ailleurs également arriver chez des personnes jeunes... ). Cependant, mettre à l’avant-plan des erreurs aussi caricaturales et aussi invraisemblables (en particulier, chez des personnes à un stade initial de « démence ») que mettre des saucisses dans un verre à dents ou des chaussures dans le réfrigérateur frise le sensationnalisme et n’est pas acceptable.
Tous les moyens ne sont pas bons pour sensibiliser ! Que des associations prioritairement chargées (et revendiquant) de défendre les personnes âgées présentant des difficultés cognitives véhiculent de telles caricatures auprès du grand public va clairement à l'encontre de la dignité de ces personnes et renforce leur stigmatisation et leur isolement. Il est grand temps de raconter un autre récit de la « maladie d'Alzheimer » et ces associations devraient y contribuer, notamment en mettant en avant le potentiel de développement de ces personnes, leurs capacités préservées et le maintien de leur identité et de leur humanité
Nous vous suggérons aussi de prendre connaissance de la position soutenue par l'association Suisse Alzheimer sur le site memo-info.ch concernant les médicaments « anti-Alzheimer » [lien]. Elle n’a rien à envier à celle adoptée par l’association Alzheimer France et elle laisse profondément songeur en regard des données actuelles sur l’efficacité de ces traitements... (voir nos deux chroniques précédentes « La France va-t-elle arrêter de rembourser les médicaments anti-Alzheimer ? » et « Le courage politique de s'opposer à l'empire Alzheimer et de changer d'approche »). Cette position démontre une fois de plus que la plupart des associations Alzheimer sont inféodées au modèle biomédical dominant et servent de caution à ce modèle vis-à-vis du grand public et des institutions politiques et sociales.
Affichettes de la campagne "S'informer peut tout changer" sur le site memo-info.ch
Comme on pouvait s’y attendre, Marisol Touraine, Ministre des affaires sociales et de la santé du gouvernement français, n’a pas suivi la recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) de ne plus rembourser les quatre médicaments « anti-Alzheimer » (Ebixa®, Aricept®, Exelon®, et Reminyl®), après qu'ils aient été jugés inefficaces et susceptibles de produire des effets indésirables potentiellement graves et pouvant affecter la qualité de vie (voir notre chronique précédente). Selon la ministre, la question du déremboursement ne peut et ne doit pas se poser avant qu’un protocole de soins ne soit élaboré par les scientifiques avec les associations de patients. Il est intéressant de relever que, ce faisant, elle désavoue la HAS, sans aucune justification détaillée à sa décision. En outre, elle ne fait aucune mention de l’importance accordée par la HAS à la prise en charge non médicamenteuse (globale et pluriprofessionnelle), ainsi qu'au soutien aux aidants. Plus spécifiquement, la ministre a chargé le président du comité de suivi du Plan de lutte contre les maladies neurodégénératives, le Pr Michel Clanet, d’organiser la consultation avec les professionnels de santé et les associations de patients qui composent ce comité. À l’issue de cette concertation, il remettra ses recommandations à la ministre (voir la chronique de Jean-Yves Nau, lien). En fait, cette décision est clairement une façon de botter en touche, en refusant de s’opposer à l’empire Alzheimer et en manifestant ainsi un manque évident de courage politique.
En effet, la position de l’association France Alzheimer concernant le déremboursement est claire. Comme l’indique sa vice-présidente, Madame Brigitte Huon (voir l’article de La Croix, pdf), dérembourser aurait été une véritable catastrophe et aurait constitué un aveu d’échec, comme si l’on considérait que « Il n’y a rien à faire contre cette maladie, cela ne sert donc à rien d’aller consulter ni même de faire le diagnostic ». Cette position traduit une fois de plus que l’association France Alzheimer (tout comme d’autres associations Alzheimer d’ailleurs) est inféodée au modèle biomédical dominant et sert de caution à ce modèle vis-à-vis du grand public et des institutions politiques et sociales. Dans la foulée, il faut également signaler les liens d’intérêt étroits que certains médecins « spécialistes de la maladie d’Alzheimer» qui défendent l’utilisation des médicaments anti-Alzheimer entretiennent avec les laboratoires pharmaceutiques (voir notre chronique « Médicaments anti-Alzheimer et conflits d'intérêt : un expert dévoile son jeu. »).
De très nombreuses voix se font pourtant entendre, de par le monde, indiquant qu’une autre approche du vieillissement cérébral et cognitif problématique est non seulement nécessaire, mais aussi possible : une approche prenant réellement en compte la multiplicité des mécanismes et des facteurs (biologiques, médicaux, psychologiques, en lien avec le style de vie, sociaux, culturels, environnementaux) qui influent sur le vieillissement cérébral et cognitif et ce, tout au long de la vie (voir Van der Linden & Van der Linden Juillerat, 2014). Cependant, comme le relèvent Chen, Maleski et Sawmiller (2011), ce changement d’approche ne pourra se mettre en place que si une prise de conscience générale se développe, amenant notamment à des priorités de financement. A ce propos, ils montrent en quoi la recherche scientifique dans le domaine du vieillissement est soumise à une importante pression : la peur aurait infiltré la recherche scientifique, en poussant les chercheurs à trouver un traitement curatif au détriment de la vérité scientifique.
Un changement dans les pratiques d’évaluation et d’intervention
Oui, il est possible de bien aider une personne âgée présentant un vieillissement cérébral et cognitif problématique sans avoir recours à des médicaments (voir l’entretien du Professeur Saint-Jean donné au journal La Croix, pdf). Il est faux de dire qu’un changement d’approche conduirait à susciter une attitude défaitiste chez les personnes âgées présentant un vieillissement problématique et leurs proches. Depuis plusieurs années, nous adoptons, au sein de la Consultation « Vieillir et Bien Vivre » (lien), une pratique clinique qui tient compte de la complexité du vieillissement cérébral et cognitif et de son individualité, qui n’enferme pas la personne présentant des troubles cognitifs et fonctionnels dans des catégories diagnostiques réductrices, pathologisantes et stigmatisantes et qui met l’accent sur les interventions psychosociales, la prévention et l’intégration sociale (pour une description détaillée de cette pratique clinique, voir notre chapitre « L’évaluation neuropsychologique de la démence: un changement d’approche » dans la 2e édition du Traité de Neuropsychologie clinique de l’adulte, Tome 1).
Ce type de pratique clinique peut bien sûr se heurter à certaines résistances liées à l’impact important que l’approche biomédicale dominante a encore sur les croyances et les attitudes des personnes qui consultent et/ou de leurs proches. Toutefois, notre expérience avec ce changement de pratique s’est avérée largement positive, les personnes qui nous consultent, ainsi que leurs proches et, bien souvent, leurs médecins traitants, indiquant combien cela leur avait ouvert de nouvelles perspectives. Les personnes âgées et leurs proches sont bien plus clairvoyants que ne l’insinue l’association France Alzheimer et elles ne sont pas dupes des limites de l’approche strictement biomédicale du vieillissement.
Par ailleurs, on dispose dès à présent de suffisamment de données scientifiques montrant la faisabilité et l’efficacité d’interventions psychologiques et psychosociales permettant d’optimiser le fonctionnement dans la vie quotidienne et d’accroître la qualité de vie et le bien-être des personnes âgées ayant reçu un diagnostic de « démence » ou de « maladie d’Alzheimer », qu’elles vivent à domicile ou dans une structure d’hébergement à long terme. Il en va de même pour les mesures de prévention permettant d’atténuer l’importance de leurs problèmes cognitifs et fonctionnels ou d’en différer la survenue. Une revue de la littérature récente sur ces interventions psychologiques, psychosociales et de prévention peut être trouvée dans les deux chapitres que nous avons écrits dans la 2e édition du Traité de Neuropsychologie de l'adulte, Tome 2, concernant les interventions psychosociales dans la « démence » légère/modérée et dans la « démence » sévère.
Il s’agirait d’ailleurs d’arrêter de parler d’interventions non médicamenteuses, comme si leur intérêt ne pouvait se définir qu’en référence aux médicaments (au demeurant non efficaces). Relevons également que des actions devraient aussi être menées à un niveau social et politique (dans différents domaines : environnements de vie, structures sociales, politique sociale et de la santé), afin de favoriser l’engagement social des personnes âgées, les relations interpersonnelles – en particulier intergénérationnelles –, l’accès pour tous aux mesures de prévention et aux moyens d’aide, la réduction de l’isolement et de la pauvreté, etc.
Inventer de nouvelles structures
Il importe d’inventer de nouvelles structures permettant de mettre en place ce changement d’approche. En effet, les consultations mémoire (ou « cliniques mémoire » ou encore « centres mémoire »), dont le nombre n’a cessé de croître, constituent une structure pivot de l’approche biomédicale de la « démence ». Quand elles ont été ouvertes dans les années 1980, leur but principal était de recruter des patients pour entrer dans des essais cliniques sur les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. Elles ont permis d’accroître la consommation de ces produits, lesquels ont fait l’objet d’une intense promotion indiquant qu’ils constituaient un traitement puissant et efficace, malgré l’absence de données convaincantes appuyant leur utilisation. Plus récemment, elles ont eu pour objectif de diagnostiquer les personnes présentant un MCI (trouble cognitif léger) et, de plus en plus fréquemment, de leur prescrire des médicaments « anti-Alzheimer », en dépit de l’absence de données attestant de l’efficacité de ces substances. Enfin, on voit maintenant apparaître, dans certaines consultations, une activité de diagnostic encore plus précoce, visant à repérer, au moyen de biomarqueurs, des personnes présentant une « maladie d’Alzheimer préclinique » (asymptomatique), avec les risques, les effets négatifs et les coûts financiers qui y sont associés, et sans que des données probantes n’existent quant à l’intérêt d’une telle démarche (voir notre chronique « La détection précoce de la démence : halte à la médicalisation du vieillissement ! »). Ainsi, ces consultations participent à la médicalisation et à la pathologisation croissantes du vieillissement. En outre, la mise en place d’interventions psychosociales ne constitue qu’une part très réduite des activités de la plupart de ces consultations.
Bien que leur utilité soit défendue par certains, il n’existe pas de données solides indiquant que le recours aux consultations mémoire ait des effets bénéfiques. Ainsi, un essai randomisé contrôlé mené aux Pays-Bas par Meeuwsen et collaborateurs (2012) a montré que les consultations mémoire n’étaient pas plus efficaces que les soins standards prodigués par les médecins généralistes. Il faut ajouter que peu d’attention a été prêtée au fait que se rendre dans une consultation mémoire, le plus souvent organisée dans un contexte hospitalier, est susceptible de générer du stress et d’activer les stéréotypes négatifs pour les personnes âgées et leurs proches et contribue à accroître l’utilisation des biomarqueurs et de la neuroimagerie, ce qui, au vu du coût de ces examens, n’est pas sans incidence au niveau des coûts de la santé.
On peut donc légitimement se demander si la création d’un réseau de consultations mémoire spécialisées constitue une stratégie pertinente, ou s’il ne faudrait pas plutôt pas changer de politique afin d’offrir aux personnes âgées présentant un vieillissement cérébral problématique, ainsi qu’à leurs proches, des possibilités d’évaluation, de conseils, d’interventions et de suivi au sein même de leur milieu de vie, c’est-à-dire dans des structures de soins primaires.
Plus spécifiquement, la mise en place de mesures, visant à valoriser et renforcer le potentiel des aînés, à prendre en compte leur point de vue et leurs souhaits, à faciliter leur participation citoyenne, à briser leur isolement et à maintenir le plus longtemps possible leur santé, leur autonomie et leur bien-être, passe par le développement d’interventions et de structures insérées dans les collectivités locales, en lien direct avec les services communaux, les associations, les structures d’hébergement à long terme, les médecins de famille, etc. Cela suppose la mise en place d’équipes multi- et interdisciplinaires (avec des psychologues, des médecins, des travailleurs/euses sociaux/ales, des infirmiers / infirmières, des médiateurs/trices culturel-le-s, etc., aucune profession n’ayant préséance sur l’autre). Il s’agit donc d’envisager la personne dans son cadre de vie élargi, et non plus de la laisser faire face, seule ou presque, à l’annonce d’un diagnostic associé à de terribles perspectives.
Comme l’indique Woods (2012), le défi le plus important est de favoriser l’engagement des personnes âgées présentant une « démence », au sein même de la société et des structures (sportives, culturelles, associatives) destinées à la population générale, dans des activités qui leur permettront d’interagir avec d’autres (en particulier, dans une perspective intergénérationnelle), de prendre du plaisir, de se développer personnellement et d’avoir un rôle social valorisant. Selon Woods, il s’agit d’entrer dans une ère nouvelle, dans laquelle, au-delà des préoccupations médicales et de soins, nous apprendrons à vivre bien avec la « démence », pour le bénéfice de tous.
Chen, M., & Maleski, J., & Sawmiller, D.R. (2011). Scientific truth or false hope? Understanding Alzheimer’s disease from an aging perspective. Journal of Alzheimer’s Disease, 24, 3-10.
Juillerat Van der Linden, A.C., & Van der Linden, M. (2016). Les interventions psychologiques et psychosociales chez les personnes présentant une démence sévère. In X. Seron & M. Van der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Clinique de l’Adulte (deuxième édition), Tome 2. Paris : De Boeck / Solal, sous presse.
Meeuwsen, E. J., Melis, R. J. F., Van der Aa, G., Golüke-Willemse, G., De Leest, B., …Olde Rikkert, M. (2012). Effectiveness of dementia follow-up care by memory clinics or general practitioners: randomised controlled trial. British Medical Journal, 344:e3086.
Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.-C. (2014). Penser autrement le vieillissement. Bruxelles : Mardaga.
Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.C. (2014). L’évaluation neuropsychologique de la démence: un changement d’approche. In X. Seron & M. Van der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Clinique de l’Adulte (deuxième édition), Tome 1. Paris: De Boeck/Solal (pp. 575-598).
Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.C. (2016). Les interventions psychologiques et psychosociales chez les personnes présentant une démence légère à modérée. In X. Seron & M. Van der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Clinique de l’Adulte (deuxième édition), Tome 2. Paris: De Boeck/ Solal, sous presse.
Woods, B., (2012). Well-being and dementia - how can it be achieved? Quality in Ageing and Older Adults, 13, 205-211.
Deux textes (accessibles en pdf ci-dessous) récemment parus dans Alzheimer Actualités (Fondation IPSEN) en disent long sur « l’Alzheimérologie ». Ils montrent notamment en quoi la recherche désespérée et illusoire du « traitement médical miracle » de la « maladie d’Alzheimer » attise les conflits (violents) et comment les essais thérapeutiques se suivent et se ressemblent dans leurs échecs.
Face aux échecs répétés dans l’identification d’une traitement médical efficace de la « maladie d’Alzheimer », deux attitudes sont possibles :
La première attitude est de considérer qu’il faut mettre davantage d’argent dans la recherche neurobiologique, ainsi que dans des mégastructures d’exploration du cerveau, et qu’un jour (dans 10 ans, dans 50 ans, dans 100 ans,….), la cause et un traitement médical de la « maladie d’Alzheimer » seront trouvés.
La deuxième attitude, intrinsèquement scientifique, est de se demander si l'on ne s’est pas trompé d’approche. Il faudrait alors prendre au sérieux la conception selon laquelle la « maladie d’Alzheimer » et, plus généralement, les « maladies démentielles », ne constituent pas des entités homogènes causées par des mécanismes pathogènes (moléculaires) spécifiques et clairement distincts de ceux impliqués dans le vieillissement dit « normal ». Elles représenteraient au contraire des états hétérogènes, déterminés par des facteurs et mécanismes multiples, en interaction, et intervenant durant le vieillissement, mais aussi tout au long de la vie (voir Van der Linden & Juillerat Van der Linden, 2014).
Il ne s’agit en aucun cas de rejeter la recherche biomédicale, mais de plaider pour une recherche qui assume réellement la complexité des processus (y compris biologiques) impliqués dans le vieillissement cérébral et cognitif et qui, dès lors, n’entretient pas l’illusion du « médicament miracle ».
Il importe également de rappeler que le vieillissement cérébral et cognitif fait intrinsèquement partie de l’aventure humaine. Ainsi, Brayne et al. (2006) ont montré que, même si des mesures de prévention sont à même de réduire le risque de démence à un âge donné (soit d’allonger l’espérance de vie en relativement « bonne santé cognitive »), cette réduction conduira à une extension ultérieure de la vie et, donc, le risque cumulatif de développer des difficultés cognitives importantes restera élevé (avec 30 à 40 %, voire plus, de démence à 90 ans), et ce, même pour les populations à risque plus faible de démence à certains âges. En d’autres termes, le vieillissement de la population amènera à un accroissement du nombre de personnes qui mourront avec des troubles cognitifs importants, même en présence de programmes préventifs.
En conséquence, il s’agirait d’allouer de façon plus équilibrée les ressources financières, afin de permettre, non seulement des recherches neurobiologiques, mais aussi le développement et la mise en place :
* d’interventions de prévention, tout au long de la vie, dans le but de différer ou réduire les expressions problématiques du vieillissement cérébral et cognitif ;
* d’interventions psychosociales individualisées, ayant pour but d’optimiser la qualité de vie, la réalisation des activités quotidiennes, la gestion du stress, l’estime de soi, le sentiment de continuité personnelle, etc., des personnes âgées présentant un vieillissement cérébral et cognitif problématique ;
* d’un changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées (EMS, EHPAD, homes), avec pour objectif de passer de pratiques qui se focalisent sur les questions médicales, la sécurité, l’uniformité et les directives bureaucratiques, à une approche dirigée vers le résident en tant que personne singulière (et non pas en tant que patient), vers la promotion de son bien-être (psychologique, physique et social) et de sa qualité de vie.
Enfin, des actions devraient également être menées, et donc financées, à un niveau social (dans différents domaines : environnements de vie, structures sociales, politique sociale et de la santé), afin de favoriser :
* l’engagement social des personnes âgées présentant une "démence", au sein même de la société et des structures (sportives, culturelles, associatives) destinées à la population générale, dans des activités qui leur permettront d’interagir avec d’autres (en particulier, dans une perspective intergénérationnelle), de prendre du plaisir, de se développer personnellement et d’avoir un rôle social valorisant ;
* l’accès pour tous aux mesures de prévention et aux moyens d’aide ;
* la réduction de l’isolement et de la pauvreté, etc.
Cela impliquera d’être au plus proche de l’environnement de vie de la personne et, en ce sens, d’offrir aux personnes âgées, ainsi qu’à leurs proches, des possibilités d’évaluation, de conseils, d’interventions et de suivi au sein même de leur milieu de vie, et non dans des structures spécialisées et médicalisées, telles que les consultations mémoire.
Le développement d’une autre approche du vieillissement cérébral et cognitif, prenant réellement en compte la personne âgée dans toute sa complexité et son individualité, nécessite de contrecarrer des forces multiples, culturelles et idéologiques (avec, profondément ancré, le rêve de la jeunesse éternelle), mais aussi le pouvoir de l’Empire Alzheimer, dans ses composantes médicales, scientifiques, politiques, industrielles et associatives. En particulier, il importe de relever l’inféodation des associations Alzheimer, ou du moins de certaines d’entre elles, au modèle biomédical dominant. Il s’agit là d’un problème important, car ces associations servent très souvent de caution à ce modèle biomédical vis-à-vis du grand public et des institutions politiques et sociales.
Brayne, C., Gao, L., Dewey, M., Matthews, F.E., Medical Research Council Cognitive Function and Aging Study Investigators (2006). Dementia before death in ageing societies. The promise of prevention and the reality. PLoS Medicine, 3, 1922-1929.
Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.-C. (2014). Penser autrement le vieillissement. Bruxelles : Mardaga
2014 a été, pour nous et pour l’approche du vieillissement que nous défendons, très riche en rencontres, événements, projets et écrits, avec en point d’orgue la publication de notre livre « Penser autrement le vieillissement ». Nous remercions vivement celles et ceux qui nous ont exprimé leurs encouragements et qui nous poussent ainsi à poursuivre et amplifier notre lutte pour une conception humaniste du vieillissement et pour une société plus juste et plus solidaire ! En ces derniers jours de janvier, nous vous adressons tous nos vœux pour que cette nouvelle année s’avère très heureuse et riche en avancées et en succès dans vos projets.
Pour cette première chronique de l’année, nous vous proposons, si vous ne l’avez déjà fait, d’écouter l’émission diffusée le dimanche 11 janvier 2015 sur France Inter dans son magazine de grands reportages. Cette émission aborde de manière courageuse les questions de l’efficacité des médicaments « anti-Alzheimer » et des collusions pouvant exister entre les experts – largement reconnus internationalement et consultés par les autorités politiques – et l’industrie pharmaceutique. Vous pouvez écouter ou réécouter cette émission intitulée « Alzheimer : les petits intérêts dans les grands » en allant sur ce lien.
Nous vous invitons en particulier à écouter attentivement un morceau d’anthologie, à savoir le passage de l’émission qui va de 20’15’’ à 23’00’’ dans lequel la journaliste -l'excellente Pascale Pascariello- s’entretient avec le Professeur Bruno Dubois, professeur de neurologie à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où il dirige aussi l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer. La journaliste l’interroge plus particulièrement sur ses conflits d’intérêts avec les entreprises pharmaceutiques.
La journaliste prend la parole (dans la retranscription de l’entretien, nous avons éliminé certaines latences, hésitations et répétitions dans le discours de B. Dubois) :
Comme à chacun de mes interlocuteurs, je vais vous demander la liste de vos conflits d’intérêt.
B.D. : Mes conflits d’intérêt, ils sont liés aux médicaments qu’on étudie et qu’on développe dans cette maladie, donc actuellement c’est Roche, Lilly et Affiris.
Et est-ce qu’on peut connaître l’ordre des budgets dans ces cas-là ?
B.D. : L’ordre des budgets de… vous vous renseignez pour les laboratoires, pour les médicaments, vous vous renseignez pour les études cliniques, je ne sais pas combien c’est.
Et est-ce que vous avez fait du travail de consultant aussi pour des laboratoires ?
B.D. : Non, mais c’est qu’on développe ces médicaments-là pour ces laboratoires.
Non non, je vous demandais ça parce que j’avais vu une de vos interventions en mars 2012 où vous aviez fait la liste [de vos conflits d’intérêt, ndlr], en fait, et il y avait des séances de consultant.
B.D. : Mais c’est ce que je viens de vous dire.
Non, non, il y a une différence entre faire des expérimentations et être consultant, c’est pas pareil.
(On entend que le professeur Dubois tourne des feuilles de papier, puis il reprend la parole)
B.D. : Alors… Affiris, Roche, voilà… et Eli Lilly.
Et quand on est consultant, en quoi consiste le travail d’un professeur pour un laboratoire, quand c’est un travail de consultant ?
B.D. : C’est la consultance, c’est... je sais plus… c’est, par exemple, c’est participer à un advisory board… un scientific advisory board, là où on se réunit pendant quelques heures pour… ils nous montrent le médicament et ils nous demandent un peu notre avis sur l’intérêt de ce médicament, advisory, un conseil, board, un board de conseil… scientifique.
Donc vous conseillez en termes de stratégie aussi ?
B.D. : Oui, conseil stratégique, exactement !
D’accord.
B.D. : [le début de sa phrase est inaudible à la radio] Vous me demandez de parler des labos, or, moi j’ai… enfin…
Où est le problème ?
B. D. : Mais il n’y a pas de problème… alors… c’est, c’est…
Vous voulez que je coupe.
B. D. : Vous arrêtez ?
Vous voulez que j’arrête le…?
Là c’est fini, on a fini ou pas ? Alors vous arrêtez.
Alors j’arrête. J’arrête le micro.
[Grésillements de l’appareil]
Toc, toc, toc, je rallume, je rallume.
B. D. : Ce que je veux dire c’est que si vous voulez… il faut… C’est dommage qu’on soit…, il y a tellement de choses plus importantes que de parler des médicaments qui ne servent à rien, je le sais bien qu’ils ne servent à rien, mais… mais non seulement je sais bien qu’ils ne servent à rien, mais je suis obligé de dire qu’ils servent un peu parce que sinon ça désespère les malades qui les prennent, parce que dans vos auditeurs vous avez effectivement 2 ou 3 personnes qui vont dire « Ah, Dubois… là on sent, il palpe » et puis il y en a 1 million qui écoutent le truc en disant « Putain, mais le médicament que je prends ça ne sert à rien ! », donc on est bien obligé de leur dire qu’il sert un peu c’est pas parce que je suis… voilà…
Parce que vous êtes quoi ?
B. D. : Rien.
Vous voulez que j’arrête.
[Fin de l’extrait].
Sans commentaires….
En écho à cet entretien, la journaliste mentionne :
« Nous avons demandé à plusieurs reprises le montant de ses contrats au Professeur Dubois, sans succès. Pas de trace également de déclarations d’intérêt du professeur sur le site dédié du Ministère de la Santé. Ah oui, à l’exception de quelques déjeuners de 10 à 30 euros. Bruno Dubois n’est pas le seul bien sûr à prescrire des médicaments qu’il juge pourtant lui-même inefficaces ».
Et la journaliste de présenter le cas de Françoise Forette1, ainsi que les conflits d’intérêt qui minent la Haute Autorité de Santé (HAS), organisme public français dont une des fonctions est d’évaluer l’efficacité d’un médicament, son jugement conditionnant le taux de remboursement de ce médicament.
Nous avions, à l’époque, consacré une chronique au conflit d’intérêt de la HAS concernant l’évaluation des médicaments « anti-Alzheimer », mis en évidence par l’association FormIndep (« Pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes ») [lien].
De façon très surprenante, en 2007, la Haute Autorité de Santé (HAS) française affirmait que, « [Malgré des effets modestes], le service médical rendu (SMR) reste important, du fait notamment de la gravité de la maladie et de la place du traitement médicamenteux dans la prise en charge des patients.» Et cependant, en mai 2011, elle retirait « spontanément » ses recommandations élaborées en 2008…
En fait, ce retrait des recommandations avait été demandé devant le Conseil d’Etat depuis 2009 par l’association FormIndep. Cette association considérait que les recommandations avaient été élaborées en dépit de la législation et des règles internes de la gestion d’intérêts de la HAS. Elle avait en effet relevé des liens étroits que bon nombre des expert(e)s chargés de l’élaboration de ces recommandations entretenaient avec les laboratoires chargés de la fabrication et de la commercialisation des produits médicamenteux qui faisaient l’objet de ces recommandations de traitement.
Enfin, dans ce blog, nous avons à plusieurs reprises dénoncé la prescription des médicaments « anti-Alzheimer » (Aricept [donépézil], Exelon [rivastigmine], Reminyl [galantamine] et Ebixa ou Axura [mémantine]), en raison de leur inefficacité et de leurs effets secondaires,dont certains graves, suite à une consommation à long terme (voir, p. ex., cette chronique [lien]) ...
1 La Pre Françoise Forette est médecin, ancienne cheffe du service de gériatrie à l'hôpital Broca, à Paris. Ella a également longtemps été membre du Comité scientifique de l'association France Alzheimer.
Dans une chronique de juin 2012 ("L'implantation d'un diagnostic erroné de maladie d'Alzheimer dans l'esprit d'une personne", lien),nous avions déjà abordé la question des erreurs de diagnostic, dont nous suspections qu'elles étaient en grand nombre.
Les médias en diffusent largement depuis hier un autre exemple, avec les conséquences catastrophiques qui ont découlé de cette annonce erronée.
La personnedont on parle de façon répétée dans les médias a reçule diagnostic de "maladie d'Alzheimer" alors qu'elle était dans la quarantaine.Elle se décrit comme ayant à l'époque de brèves pertes de mémoire et des vertiges, et comme étant fortement déprimée par ces problèmes. Elle mentionne également avoir eu, parmi ses antécédents, plusieurs traumatismes crâniens. C'est en voyant que ses problèmes ne s'aggravaient pas que son médecin a mis le diagnostic en question, mais que de souffrances inutiles dans l'intervalle, pour la personne et son épouse (voir l'article du Républicain Lorrain [lien]et écouter aussi le journal Inter Soir de France Inter, qui rapporte l'histoire et diffuse la réaction très appropriée de la Dre Marie-Laure Alby, médecin généraliste parisienne [lien] ).
Plus que jamais, il importe de défendre une conception scientifique humaniste du vieillissement cérébral et cognitif, qui en assume toute la complexité et les nuances !
Vous êtes de plus en plus nombreux à nous suivre sur ce blog et nous vous en remercions chaleureusement. Votre présence et vos retours nous encouragent à continuer de nous engager pour une autre approche du vieillissement, et tout particulièrement du vieillissement cérébral et cognitif.
Aujourd’hui, cet engagement prend la forme d’un ouvrage élaboré à partir des thèmes du blog (en sélectionnant les chroniques les plus pertinentes, en les synthétisant, en les retravaillant, en les regroupant par thèmes et en les complétant par des données plus récentes). Dans ce livre, nous avons conservé les principes qui ont guidé nos contributions au blog, à savoir un regard scientifique ainsi qu’une description détaillée, critique et, espérons-le, claire, des études et prises de position importantes.
Nous glissons au passage nos chaleureux remerciements à l’équipe des éditions Mardaga –et notamment Anne Wuilleret– pour leur soutien dans la finalisation de cet ouvrage, ainsi qu’à Marc Richelle et Xavier Seron qui ont permis la publication de ce livre dans la collection qu’ils dirigent*.
S’inscrivant dans une perspective à bien des égards proche de celle que nous défendons dans ce blog, plusieurs voix ont réagi, de façon nette, à la contradiction étonnante que constitue, d’une part, le constat effectué par la Haute Autorité de Santé en France d’un Service Médical Rendu faible (en réalité, d’une inefficacité) des médicaments anti-Alzheimer et, d’autre part, le maintien du remboursement de ces produits (voir notre chronique « La Haute Autorité de Santé en France conclut à l’inefficacité des médicaments contre la « maladie d’Alzheimer » : cela mènera-t-il à un changement d’approche ?»).
Ainsi, dans un entretien publié dans le journal Libération du 8 novembre 2011 (http://www.liberation.fr/vieillesse-dependance,100097), le professeur Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie à l’hôpital européen Georges-Pompidou indique en quoi il s’agit là d’« un très bel exemple de surmédicalisation, faute de pouvoir penser une médecine différente pour les personnes âgées ». Il ajoute que la multiplication des examens et analyses à la recherche de marqueurs biologiques ne change rien à prise en charge de ces malades. Selon lui : « Tout cela n’a pas de sens, sauf celui de satisfaire cette logique biomédicale sur la vieillesse qui cherche à s’imposer ». Il montre bien en quoi, pendant longtemps, les vieux qui perdaient la tête étaient considérés comme séniles ou gâteux, mais « restaient dans la logique du monde des vivants ». A partir des années 70, on a enfermé les vieux « déments » dans des services de long séjour et, plus récemment, on a cherché « à transformer la vieillesse en la saucissonnant, en la faisant entrer dans des catégories médicales »; ainsi, « être vieux serait la dernière des maladies ».
Il reconnaît que cette évolution médicalisante a pu avoir des effets positifs en induisant un intérêt plus important de la part des médecins pour les difficultés rencontrées par les personnes âgées, mais, ajoute-t-il, « une partie du corps médical n’a pas pu s’arrêter ». Les personnes âgées ont ainsi accès à tous les soins, y compris les techniques les plus lourdes comme la réanimation, mais cela s’est fait sans conscience, sans recul, avec « une pertinence moindre, en tout cas incertaine », et, le plus souvent, sans prendre l’avis des personnes. Olivier Saint-Jean conclut en disant que, précédemment, on expliquait tout par le vieillissement, en considérant qu’il n’y avait rien à faire, et que maintenant on pense que la vieillesse est une maladie qu’il faut traiter. Il indique en quoi une médicalisation peut être utile (« comme dans les pathologies cardiaques »), mais, pour le reste, il s’interroge… Il termine l’entretien par ces mots: « J’en viens même à penser qu’aujourd’hui, un des enjeux majeurs serait de démédicaliser la maladie d’Alzheimer ».
Dans son introduction (« Des individus à 100% ») à la Revue de Presse nationale et internationale de Novembre 2011 proposée par la Fondation Médéric Alzheimer (http://www.alzheimer-fr.org/presse), Jacques Frémontier s’interroge lui aussi sur le maintien du remboursement de médicaments considérés comme ayant une efficacité faible, « alors que les thérapies non médicamenteuses ne seront pas elles-mêmes remboursées…. ».
Nous serions ainsi placés devant la contradiction insoluble de « dépenser deux cent soixante-dix millions d’euros pour des médicaments aussi incertains, ou se condamner à un effondrement du secteur médical consacré à la maladie d’Alzheimer ». En effet, « s’il n’y a plus de médicaments, que dire désormais aux malades ? » (voir l’intervention du professeur Bruno Dubois, relatée dans notre chronique « Déclin cognitif chez les personnes âgées, style de vie contemporain et accumulation de médicaments »).
Selon Jacques Frémontier, pour sortir de cette contradiction, nous pourrions peut-être « à titre d’hypothèse provisoire, tenter l’aventure d’une logique différente : et si nous décidions qu’il n’existe plus de « personnes malades », ni d’ « aidant », ni même de « soignant », mais juste des individus, des cas uniques, chacun relevant d’un regard spécifique ».
Renvoyant à Peter Whitehouse et Daniel George dans leur livre « Le mythe de la maladie d’Alzheimer » et à d’autres personnes à leur suite qui ont montré en quoi « l’on aurait arbitrairement regroupé sous un même vocable un certain nombre de symptômes qui auraient leur étiologie propre », Jacques Frémontier indique qu’ « une même logique pourrait nous amener à considérer qu’il existe avant tout des individus souffrant de déficits cognitifs variés, irréductibles à un modèle unique ». Il poursuit: « Et tout le secret d’une bonne approche thérapeutique résiderait justement dans la reconnaissance claire de cette affirmation ».
Il s’agirait, dès lors, de décrypter les besoins ou attentes de la personne, porteuse d’une histoire unique. Jacques Frémontier ajoute que la personne définie « comme individu et non comme figure anonyme d’une catégorie médicale, reste donc pleinement sujet de droit jusqu’à l’ultime moment de son existence ». Selon lui, ce changement de regard restera cependant inopérant « si une telle révolution culturelle ne concernait pas aussi les aidants et même certains soignants ».
Manifestement, les choses bougent… et la conception biomédicale dominante est de plus en plus contestée. Néanmoins, la mise en place d’une autre approche du vieillissement, prenant réellement en compte la personne âgée dans toute sa complexité et son individualité, nécessitera de contrecarrer des forces multiples, culturelles et idéologiques (avec, profondément ancré, le rêve de la jeunesse éternelle), mais aussi le pouvoir de l’ « empire Alzheimer » (dans ses composantes scientifiques, politiques, industrielles et associatives) et la désinformation qui y est reliée.
Ainsi, par exemple, dans leur livre « Menacessur nos neurones. Alzheimer, Parkinson…. Et ceux qui en profitent », Marie Grosman et Roger Lenglet (2011) consacrent un chapitre (chapitre III, « Le grand consensus ») au « Train pour Tout savoir sur la Maladie (d’Alzheimer)» qui, en septembre 2010, s’est arrêté dans toutes les grandes villes de France, et dans lequel, selon la SNCF et France Télévision -qui se présentent comme les organisateurs-, des spécialistes ont « prévenu, informé et donné des précisions concrètes sur la maladie, mais également fait le point sur les recherches en cours ». Les auteurs montrent en quoi ce projet de train (en réalité initié par un conseiller direct de Nicolas Sarkozy) a été conçu en lien étroit avec les laboratoires pharmaceutiques et d’autres entreprises ayant des intérêts économiques clairs dans la « maladie d’Alzheimer » (ainsi qu’avec l’Association France Alzheimer), le tout avec une contribution massive de spécialistes en communication commerciale. Il s’agit donc d’une exposition « sous influence », et ce avec la présence d’hommes et de femmes politiques, de stars et d’experts/professeurs/chercheurs très liés aux laboratoires pharmaceutiques, sous l’œil de nombreux medias qui n’ont eu aucun regard critique et qui n’ont posé aucune question dérangeante ou imprévue. On peut ainsi comprendre que les informations transmises ont été taillées sur mesure en fonction de la conception biomédicale et réductionniste dominante, avec notamment une marginalisation de la prévention.
Ce projet a culminé par le 6ème gala de l’« International Foundation for Research on Alzheimer Disease » (Ifrad) réunissant le gratin parisien sous la haut patronage de Nicolas Sarkozy, l’argent récolté à cette occasion (dons, repas, loterie) étant destiné à l'Ifrad. Les auteurs nous apprennent que cette fondation a pour projet prioritaire d’associer des responsables des principaux laboratoires de recherche sur la maladie d’Alzheimer, afin de « centraliser en un même lieu, le Centre National d’Information et de Recherche sur la maladie d’Alzheimer (CNIR-MA), l’ensemble de leurs résultats » (un des objectifs de l’Ifrad étant de créer un registre national des patients). Comme l’indiquent Marie Grosman et Roger Lenglet, il paraît « choquant qu’une association privée devienne responsable d’une structure d’utilité publique aussi sensible ».
Pour conclure, et en reprenant une phrase de Grosman et Lengelt, « la maladie d’Alzheimer ne fait pas que des malheureux. Elle offre un " effet d’aubaine " non seulement pour l’industrie pharmaceutique et d’innombrables laboratoires de recherche génétique, mais également pour les conseillers politiques en quête d’opportunités médiatiques pour leur mentor. ».
Grosman, M., & Lenglet, R. (2011).Menacessur nos neurones. Alzheimer, Parkinson… Et ceux qui en profitent. Arles : Actes Sud.
Comme nous l’annoncions dans notre chronique « Déclin cognitif chez les personnes âgées, style de vie contemporain et accumulation de médicaments », la Commission de Transparence, en charge de l’évaluation des médicaments au sein de la Haute Autorité de Santé en France, a conclu, dans un communiqué de presse daté du 27 octobre 2011, que les médicaments de la « maladie d’Alzheimer » (Ebixa, Aricept, Exelon et Reminyl) ont un intérêt thérapeutique (un Service Médical Rendu, SMR) faible. En attestent :
* des effets au mieux modestes : une efficacité versus placebo principalement établie sur la cognition à court terme et dont la pertinence clinique reste discutable ;
* un risque de survenue d’effets indésirables pouvant nécessiter l’arrêt du traitement (principalement des troubles digestifs, cardiovasculaires et neuropsychiatriques) ;
* un risque accru d’interactions médicamenteuses du fait de la polymédication habituelle chez les patients âgés.
La Commission considère en outre qu’il n’y a pas de différence de tolérance et d’efficacité entre les quatre médicaments et qu’ils n’apportent pas d’amélioration du Service Médical Rendu. Il est intéressant de noter que, lors du vote initial du projet d’avis par les membres de la Commission de la Transparence (à savoir le vote précédant l’adoption du projet d’avis, l’audition des laboratoires pharmaceutiques et l’adoption de l’avis définitif ; voir la vidéo de cette réunion du 20 juillet 2011 surhttp://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1107984/vote-du-projet-davis-par-les-membres-la-commission-de-la-transparence), 9 membres de la Commission de Transparence ont voté pour un Service Médical Rendu faible, mais 7 ont voté pour un Service Médical Rendu insuffisant (et ce pour les 4 médicaments)……
Comme l’indique Jean-Yves Nau dans une chronique publiée sur Slate.fr (http://www.slate.fr/story/45621/alzheimer-medicaments-inefficaces-prescrits), il s’agit d’une dégradation claire de l’intérêt thérapeutique de ces médicaments puisque, en 2007, cet intérêt avait été qualifié d’ « important » par la Commission de Transparence de la HAS (en considérant le "rôle structurant" de ces médicaments pour la prise en charge des patients) et, en réalité, il s’agit d’un constat d’inefficacité. Il faut relever que les membres de la Commission de Transparence réunis en 2011, ainsi que les experts recrutés sur appel à candidature pour fournir un rapport d’expertise, n’avaient, cette fois, pas de lien d’intérêt avec les firmes qui commercialisent ces médicaments. Par contre, en 2007, plusieurs experts entretenaient des liens majeurs avec les firmes concernées (voir le commentaire du Vice-président du Formindep, Philippe Masquelier, publié à la suite de cette chronique) .
La Commission de Transparence n’a pas clairement mis en question la prescription de ces médicaments, mais a uniquement recommandé des conditions de prescription plus strictes. Ainsi, les traitements sont prescrits pour une durée d’un an. Au bout de six mois, la poursuite du traitement doit faire l’objet d’une réévaluation attentive du médecin prescripteur. En effet, si le patient répond au traitement en atteignant les objectifs fixés (stabilisation ou ralentissement du déclin cognitif, par exemple) et s’il n’a pas subi d’effet indésirable grave et/ou altérant sa qualité de vie, le traitement pourra être poursuivi jusqu’à un an. Au-delà d’un an, la Commission recommande que le renouvellement du traitement soit décidé en réunion de concertation pluridisciplinaire réunissant le patient (si son état de permet), son aidant, le médecin traitant, le gériatre et le neurologue ou le psychiatre. Si ce groupe donne son accord et si l’efficacité a été maintenue, alors le traitement pourra être reconduit.
Comme le relève Jean-Yves Nau, laisser sur la marché français et continuer à prescrire et à prendre en charge par la collectivité des médicaments inefficaces et au caractère potentiellement toxique constitue « une première, à la fois pharmaceutique et compassionnelle ». Il ajoute que la mise au point de la Haute Autorité de Santé ne devrait guère modifier les pratiques. D’ailleurs, le ministre français de la Santé, Xavier Bertrand, a annoncé dès le 23 octobre 2011 (anticipant les conclusions de la Haute Autorité de Santé) que les médicaments ne seraient pas déremboursés, même si des baisses de tarif pourraient être envisagées. Jean-Yves Nau considère ainsi que « Tout se passe comme si, brutalement, il ne restait rien (hormis la mise en ligne de vidéos de réunions techniques) de la somme des enseignements que l’on croyait tirés (à grand renfort de publicité médiatique) de l’affaire du Médiator ».
Dans ce contexte, il faut rappeler la prise de position du Docteur Claude Leicher, président du syndicat de la médecine générale (déjà mentionnée dans notre chronique «Le vieillissement cérébral/ cognitif dans une société solidaire») : « […] quand nous commençons à voir une personne commençant à avoir un déclin dans ses capacités cognitives et relationnelles, la famille nous interroge. Nous souhaitons que l’on ne mette pas ces patients sous traitement. Mais que se passe-t-il ? On fait un « bilan de mémoire » et on entre dans une chaîne dont nous, médecins généralistes traitants, n’arrivons plus à sortir. Car mettre en route un traitement, c’est lourd ; mais l’arrêter, c’est encore plus lourd. Nous avons des patients qui reviennent de l’hôpital avec des prescriptions de médicaments. Nous disons que ce n’est pas utile, pas efficace, et que cela peut même être dangereux. Mais il est très difficile de convaincre que le rapport bénéfice/risque n’est pas en faveur de la prescription faite par un spécialiste […]. Nous devenons prisonniers de la prescription des spécialistes parce que les patients eux-mêmes sont devenus prisonniers de ces prescriptions. Il faut retirer ces médicaments du marché. » Et il ajoute : « Il y a beaucoup plus besoin d’un accompagnement des patients que d’une prescription médicamenteuse. »
La Haute Autorité de Santé publiera d’ici la fin de l’année 2011 une actualisation des recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge de la prétendue « maladie d'Alzheimer ». Dans la ligne de ce qu’elle précise dans son communiqué de presse du 27 octobre 2011 (à savoir que « la prise en charge de cette maladie ne doit pas se limiter à une prescription médicamenteuse, mais doit être globale »), on pourrait espérer que la Haute Autorité de Santé recommande de façon précise et argumentée la mise en place d’interventions psychosociales (avec les structures et personnes formées que cela implique).
En effet, il existe à ce jour de nombreuses données empiriques, montrant l’intérêt des interventions psychosociales individualisées, adressées aux personnes âgées et à leurs proches et appliquées au sein de la communauté de vie des personnes. Il faudrait encore pour cela que la Haute Autorité de Santé s’appuie sur celles ou ceux (en particulier les psychologues spécialisés dans le domaine) qui sont les plus aptes à décrire les fondements méthodologiques et théoriques de ces interventions et les données qui les appuient. A ce propos, il est utile de rappeler combien les psychologues sont sous-représentés, particulièrement dans les pays francophones, dans les organes de réflexion concernant le vieillissement (voir notre chronique « Pas d’Alzheimérologues, mais des personnes, et notamment des psychologues, capables de prendre en compte la complexité du vieillissement cérébral, dans ses différentes dimensions »).
Il faudrait aussi que la Haute Autorité de Santé considère l’intérêt des interventions psychosociales individualisées, non pas uniquement en termes d’amélioration du fonctionnement cognitif et de l’autonomie, mais aussi en examinant leurs effets sur le sentiment d’identité et de continuité personnelle, le sentiment d’être respecté dans son individualité et ses motivations plus ou moins explicites, le sentiment d’appartenance à une communauté, le sentiment de contrôle et d’autodétermination, le sentiment de pouvoir réaliser des activités qui ont un sens et qui procurent du plaisir, la possibilité d’établir des relations signifiantes avec autrui, la réduction des stéréotypes, etc.Une telle démarche nécessite de s’affranchir du dictat des études randomisées contrôlées et de considérer que d’autres types d’études sont également à même de fournir des informations pertinentes (études qualitatives, en cas unique, etc., tout en intégrant la composante d’intersubjectivité impliquée dans la situation d’évaluation).
Parallèlement aux interventions psychosociales destinées à aider et soutenir les personnes âgées présentant un vieillissement cérébral et cognitif problématique, ainsi que leurs proches, on aimerait aussi voir la Haute Autorité de Santé mettre un accent tout particulier sur les mesures de prévention visantà différer ou réduire les expressions problématiques du vieillissement cérébral, et focalisées sur divers des facteurs de risque liés notamment au style de vie et aux neurotoxiques environnementaux.
En ce qui concerne les neurotoxiques environnementaux (plomb, mercure, biocides et pesticides, PCB, anti-feu au brome, certains médicaments donnés depuis le plus jeune âge, etc.), Marie Grosman et Roger Lenglet (2011) montrent, dans un livre très documenté et écrit après une longue enquête, en quoi ces molécules saturent les aliments industrialisés, les médicaments, l’eau, la terre et l’air et constituent un cocktail funeste qui agresse notre cerveau, contribuant, entre beaucoup d’autres problèmes neurologiques, au développement de la « maladie d’Alzheimer » (voir aussi le livre « Le mythe de la maladie d’Alzheimer », notre chronique « Menaces environnementales sur la santé cérébrale» et le rapport« Environmental Threats to Healthy Aging »).
Marie Grosman et Roger Lenglet révèlent également en quoi les collusions entre des industriels/laboratoires pharmaceutiques, des politiques (au plus haut niveau de l’état français) et des experts/chercheurs/professeurs conditionnent les politiques de santé publique et d’information sanitaire, et influent sur l’allocation des ressources de recherche, tout en paralysant la prévention, et ce notamment dans le domaine de la « maladie d’Alzheimer ».
Grosman, M., & Lenglet, R. (2011).Menacessur nos neurones. Alzheimer, Parkinson…. Et ceux qui en profitent. Arles : Actes Sud.