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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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4 octobre 2015 7 04 /10 /octobre /2015 06:58

Deux textes (accessibles en pdf ci-dessous) récemment parus dans Alzheimer Actualités (Fondation IPSEN) en disent long sur « l’Alzheimérologie ». Ils montrent notamment en quoi la recherche désespérée et illusoire du « traitement médical miracle » de la « maladie d’Alzheimer » attise les conflits (violents) et comment les essais thérapeutiques se suivent et se ressemblent dans leurs échecs.

 

Face aux échecs répétés dans l’identification d’une traitement médical efficace de la « maladie d’Alzheimer », deux attitudes sont possibles :

La première attitude est de considérer qu’il faut mettre davantage d’argent dans la recherche neurobiologique, ainsi que dans des mégastructures d’exploration du cerveau, et qu’un jour (dans 10 ans, dans 50 ans, dans 100 ans,….), la cause et un traitement médical de la « maladie d’Alzheimer » seront trouvés.

La deuxième attitude, intrinsèquement scientifique, est de se demander si l'on ne s’est pas trompé d’approche. Il faudrait alors prendre au sérieux la conception selon laquelle la « maladie d’Alzheimer » et, plus généralement, les « maladies démentielles », ne constituent pas des entités homogènes causées par des mécanismes pathogènes (moléculaires) spécifiques et clairement distincts de ceux impliqués dans le vieillissement dit « normal ». Elles représenteraient au contraire des états hétérogènes, déterminés par des facteurs et mécanismes multiples, en interaction, et intervenant durant le vieillissement, mais aussi tout au long de la vie (voir Van der Linden & Juillerat Van der Linden, 2014).

 

Il ne s’agit en aucun cas de rejeter la recherche biomédicale, mais de plaider pour une recherche qui assume réellement la complexité des processus (y compris biologiques) impliqués dans le vieillissement cérébral et cognitif et qui, dès lors, n’entretient pas l’illusion du « médicament miracle ».

 

Il importe également de rappeler que le vieillissement cérébral et cognitif fait intrinsèquement partie de l’aventure humaine. Ainsi, Brayne et al. (2006) ont montré que, même si des mesures de prévention sont à même de réduire le risque de démence à un âge donné (soit d’allonger l’espérance de vie en relativement « bonne santé cognitive »), cette réduction conduira à une extension ultérieure de la vie et, donc, le risque cumulatif de développer des difficultés cognitives importantes restera élevé (avec 30 à 40 %, voire plus, de démence à 90 ans), et ce, même pour les populations à risque plus faible de démence à certains âges. En d’autres termes, le vieillissement de la population amènera à un accroissement du nombre de personnes qui mourront avec des troubles cognitifs importants, même en présence de programmes préventifs.

 

En conséquence, il s’agirait d’allouer de façon plus équilibrée les ressources financières, afin de permettre, non seulement des recherches neurobiologiques, mais aussi le développement et la mise en place :

* d’interventions de prévention, tout au long de la vie, dans le but de différer ou réduire les expressions problématiques du vieillissement cérébral et cognitif ;

* d’interventions psychosociales individualisées, ayant pour but d’optimiser la qualité de vie, la réalisation des activités quotidiennes, la gestion du stress, l’estime de soi, le sentiment de continuité personnelle, etc., des personnes âgées présentant un vieillissement cérébral et cognitif problématique ;

* d’un changement de culture dans les structures d’hébergement à long terme des personnes âgées (EMS, EHPAD, homes), avec pour objectif de passer de pratiques qui se focalisent sur les questions médicales, la sécurité, l’uniformité et les directives bureaucratiques, à une approche dirigée vers le résident en tant que personne singulière (et non pas en tant que patient), vers la promotion de son bien-être (psychologique, physique et social) et de sa qualité de vie.

 

Enfin, des actions devraient également être menées, et donc financées, à un niveau social (dans différents domaines : environnements de vie, structures sociales, politique sociale et de la santé), afin de favoriser :

* l’engagement social des personnes âgées présentant une "démence", au sein même de la société et des structures (sportives, culturelles, associatives) destinées à la population générale, dans des activités qui leur permettront d’interagir avec d’autres (en particulier, dans une perspective intergénérationnelle), de prendre du plaisir, de se développer personnellement et d’avoir un rôle social valorisant ;

* l’accès pour tous aux mesures de prévention et aux moyens d’aide ;

* la réduction de l’isolement et de la pauvreté, etc.  

Cela impliquera d’être au plus proche de l’environnement de vie de la personne et, en ce sens, d’offrir aux personnes âgées, ainsi qu’à leurs proches, des possibilités d’évaluation, de conseils, d’interventions et de suivi au sein même de leur milieu de vie, et non dans des structures spécialisées et médicalisées, telles que les consultations mémoire.

 

Le développement d’une autre approche du vieillissement cérébral et cognitif, prenant réellement en compte la personne âgée dans toute sa complexité et son individualité, nécessite de contrecarrer des forces multiples, culturelles et idéologiques (avec, profondément ancré, le rêve de la jeunesse éternelle), mais aussi le pouvoir de l’Empire Alzheimer, dans ses composantes médicales, scientifiques, politiques, industrielles et associatives. En particulier, il importe de relever l’inféodation des associations Alzheimer, ou du moins de certaines d’entre elles, au modèle biomédical dominant. Il s’agit là d’un problème important, car ces associations servent très souvent de caution à ce modèle biomédical vis-à-vis du grand public et des institutions politiques et sociales.

Il faut enfin mentionner les liens d’intérêt étroits que certains spécialistes de la « maladie d’Alzheimer » entretiennent avec les laboratoires pharmaceutiques (voir notre chronique « Médicaments anti-Alzheimer et conflits d’intérêts : un expert dévoile son jeu »).

Bataille de gros sous chez les « Alzheimérologues »  ?

Brayne, C., Gao, L., Dewey, M., Matthews, F.E., Medical Research Council Cognitive Function and Aging Study Investigators (2006). Dementia before death in ageing societies. The promise of prevention and the reality. PLoS Medicine, 3, 1922-1929.

Van der Linden, M., & Juillerat Van der Linden, A.-C. (2014). Penser autrement le vieillissement. Bruxelles : Mardaga

Extrait de Alzheimer Actualités - Septembre-Octobre 2015 - No 242

Extrait de Alzheimer Actualités - Septembre-Octobre 2015 - No 242

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