Cette chronique a été élaborée à partir de la conférence donnée le 13 septembre 2010 à Lancy par la Professeure Natalie Rigaux.
Comment envisager l’aide aux personnes dépendantes afin qu’elle se passe le mieux possible, pour le proche comme pour la personne aidée ?
Le plus souvent, cette aide est présentée comme un fardeau, qui pèse de tout son poids sur le proche. Comme s’il était seul à être actif dans la relation d’aide, comme si cette aide n’apportait que du négatif (de la fatigue, du stress, de l’épuisement). A cette façon de voir correspond la crainte de la personne aidée : « Je ne veux pas être une charge ! ».
Cette conception s'inscrit dans une vision de l'homme - actuellement dominante dans les sociétés occidentales - qui voit la personne humaine comme la somme de ses performances, en particulier au plan cognitif ou intellectuel (le «Je pense, donc je suis» de Descartes imprègne encore profondément notre pensée).
Il est pourtant possible – et nécessaire – de penser autrement l'accompagnement, et d'en montrer le sens, à la fois pour la personne aidée, mais aussi pour la personne aidante (qu'elle soit un aidant naturel ou un aidant professionnel).
Pour la personne aidante également, cette relation d'aide peut apporter des choses importantes pour sa vie : une qualité affective, une occasion de rendre ce qu’elle a reçu et de poursuivre l’échange, une opportunité de se sentir utile et, aussi, de prendre profondément conscience de sa condition d'être humain et de la mortalité qui l'accompagne (cette finitude rendant les échanges encore plus précieux).
Dans cette perspective, il faut non seulement s'attacher aux tâches accomplies par l’aidant, mais aussi à la qualité de l'attention qu'elle porte aux besoins particuliers de la personne aidée, à ce qui compte vraiment pour elle, au respect de son autonomie. Ainsi, la place de la personne dépendante peut être reconnue dans la relation : ce qu’elle y apporte – une expérience de vie qui peut transformer celle des autres – mais aussi sa façon de vivre l’aide qu'elle reçoit.
Comme l'a mentionné J. Cartwright, il s'agit, à la manière des alchimistes cherchant à transmuter la pierre en or, de créer des moments de plaisir et de sens, tant pour la personne aidante que pour la personne aidée, à partir des « métaux ordinaires » que sont les instants du quotidien : regarder ensemble une émission télévisée, préparer un dîner de fête, profiter d'une balade, peuvent être des moments d'exception.
Le propos est cependant sans angélisme : il faut reconnaître que la réciprocité de la relation aidant/aidé ne suffit plus nécessairement dans les situations les plus difficiles. En outre, il faut souligner un paradoxe : nous vivons dans une société qui considère comme évidente la responsabilité des familles (en particulier des femmes) à l’égard des personnes âgées dépendantes, mais nous sommes imprégnés d’une culture qui dévalorise la dépendance.
Il y a donc là des enjeux politiques et sociaux majeurs : Comment répartir l’aide aux personnes dépendantes entre les proches et les professionnels, entre les hommes et les femmes ? Comment mieux prendre en compte l'importance de cette aide pour la consolidation de la cohésion sociale ?
Autant de points sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir dans de prochaines chroniques...
Cartwright, J.C., Miller, L., & Volpin, M. (2009). Hospice in assisted living : Promoting good quality of care at end of life. The Gerontologist, 49(4), 508-516.
Rigaux, N. (2009). L'aide informelle aux personnes âgées démentes : fardeau ou expérience significative? Psychologie et Neuropsychiatrie du vieillissement, 7 (1), pp. 57-63 [lien]
Pour voir le reportage réalisé par Lancy TV sur cette conférence, cliquer ici.
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