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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 09:53

Résumé de la chronique

De nombreux facteurs biologiques, médicaux, psychologiques, socio-économiques et environnementaux sont impliqués dans la survenue et l’évolution d’un déclin cognitif et d’une « démence » chez les personnes âgées. Wilson et al. (2012) ont mis en évidence un autre facteur, à savoir l’hospitalisation de la personne âgée. Les résultats de cette étude conduite auprès de 1'870 personnes âgées de plus de 65 ans et suivies longitudinalement ont montré que le fonctionnement cognitif des personnes âgées décline de façon substantielle après une hospitalisation, et ce après avoir contrôlé la gravité de la maladie et le déclin cognitif préalable à l’hospitalisation. Ces données suggèrent la mise en place de stratégies visant à prévenir ou réduire les effets d’une hospitalisation sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées, via une prévention primaire plus efficace des problèmes médicaux menant à une hospitalisation et/ou via des changements dans les politiques et procédures d’hospitalisation des personnes âgées. 

Les études épidémiologiques ont montré que de très nombreux facteurs (intervenant tout au long de la vie ou plus spécifiquement associés à l’âge) sont impliqués dans la survenue et l’évolution d’un déclin cognitif et d’une « démence » (voir Mangaliasche, Kivipelto, Solomon, & Fratiglioni, 2012). Parmi ces facteurs, on peut citer une vie sédentaire, l’isolement, une vie cognitive peu stimulante, l’exposition à des pesticides, et, plus généralement, à des toxiques environnementaux, le tabagisme, des épisodes dépressifs, un faible niveau scolaire, une enfance défavorisée, des facteurs socio-économiques défavorables, l’absence de buts dans la vie, des troubles respiratoires durant le sommeil, des expériences traumatisantes, une vulnérabilité au stress, la consommation de benzodiazépines, une alimentation inadéquate, le diabète, une maladie cardiaque, l’hypertension, des lésions vasculaires cérébrales, un indice de masse corporelle élevé,  etc.

Dans un travail récent, Wilson et al. (2012) ont mis en évidence un autre facteur, à savoir l'hospitalisation de la personne âgée. Des travaux antérieurs avaient déjà exploré la contribution de cet événement (fréquent chez les personnes âgées), mais ces études ne disposaient pas de données longitudinales suffisantes pour détecter, de façon fiable, une association entre une hospitalisation et l’existence d’un changement cognitif.

Dans le cadre d’une étude longitudinale portant sur une cohorte de personnes âgées issue de la population générale, Wilson et al. ont suivi, tous les 3 ans environ et jusqu’à un maximum de 12 ans, 1’870 personnes âgées vivant au sein d’une communauté urbaine et ayant un âge moyen de 72.7 ans lors de la ligne de base. Ces personnes ont été sélectionnées, au sein d’un échantillon de 10'052 personnes, sur base des critères suivants : être âgées de plus de 65 ans, avoir un dossier à Medicare (système d'assurance santé géré par le gouvernement des Etats-Unis au bénéfice des personnes de plus de 65 ans ou répondant à certains critères) et avoir été soumises à au moins deux visites de suivi.

Chaque phase de suivi incluait l’administration de 4 tests cognitifs, évaluant le mémoire épisodique (rappel immédiat et rappel différé d’un récit), le fonctionnement exécutif (« Symbol Digits Modalities Test ») et le fonctionnement cognitif global (MMSE). Un score cognitif composite a été établi à partir des 4 scores individuels et utilisé comme mesure principale pour les analyses. Des analyses secondaires ont également été entreprises en utilisant plus spécifiquement la mesure du fonctionnement exécutif et une mesure composite (rappel immédiat et rappel différé) de mémoire épisodique.

Par ailleurs, les données relatives à la première hospitalisation s’étant produite entre l’examen de ligne de base et le dernier examen cognitif  pour une personne donnée ont été obtenues via le dossier Medicare. La gravité de la maladie durant l’hospitalisation a été établie à partir d’une mesure prenant en compte le nombre et la sévérité des affections, ainsi que la durée du séjour à l’hôpital (« Charlson Comorbidity Index »).

Enfin, les symptômes dépressifs ont été évalués au moyen de la version à 10 items de la « Center for Epidemiologic Studies Depression Scale » et le niveau d’incapacité a été déterminé via la « Katz Scale », une mesure auto-rapportée de la capacité à réaliser 6 activités de base de la vie quotidienne (p. ex., s’habiller, prendre un bain).

Durant une moyenne de plus de 9 ans de suivi, 1'335 personnes sur les 1'870 (71.4%) ont été hospitalisées au moins une fois. La première hospitalisation s’est produite en moyenne 3.8 ans après le début de l’étude, avec une durée médiane de 5 jours (étendue interquartile : 3-8) et un indice de gravité médian de 1 (étendue interquartile : 0-2). Le suivi après l’hospitalisation initiale est d’une durée moyenne de 5.7 ans. Enfin, les personnes qui ont été hospitalisées sont plus âgées, ont un niveau moindre de scolarité et ont des niveaux plus élevés de difficultés cognitives, d’incapacités dans la vie quotidienne et de dépression que celles qui n’ont pas été hospitalisées.

Les analyses, prenant en compte, l’âge, le genre, l’appartenance ethnique et le niveau scolaire, montrent que le score cognitif global (composite) décline en moyenne de 0.031 unités par année avant la première hospitalisation contre 0.075 unités par année après l’hospitalisation, ce qui constitue une augmentation du déclin de plus de 2.4 fois. L’accélération post-hospitalisation du déclin cognitif est également observée sur les mesures plus spécifiques de la mémoire épisodique (augmentation de 3.3 fois) et du fonctionnement exécutif (augmentation de 1.7 fois).

Le taux de déclin cognitif après l’hospitalisation n’est pas relié au niveau de fonctionnement cognitif à l’entrée dans l’étude, mais est modérément associé au taux de déclin cognitif avant l’hospitalisation. Par ailleurs, une gravité plus importante de la maladie, un plus long séjour à l’hôpital et un âge plus avancé sont associés à un déclin cognitif plus rapide après l’hospitalisation, mais ces facteurs n’éliminent pas l’effet de l’hospitalisation.

En conclusion, le fonctionnement cognitif des personnes âgées décline de façon substantielle après une hospitalisation, et ce après avoir contrôlé la gravité de la maladie et le déclin cognitif préalable à l'hospitalisation. 

La nature de ce lien entre hospitalisation et déclin cognitif accéléré reste incertaine. Un dysfonctionnement cognitif a été identifié comme étant une complication d’une maladie critique et d’une procédure chirurgicale. Par ailleurs, un syndrome confusionnel est fréquent chez les personnes âgées qui ont une maladie critique (75%) ou qui subissent une opération chirurgicale (de 25 à 65 %) et ce syndrome a été associé à la survenue ultérieure d’un déclin cognitif et d’une « démence »  (voir notre chronique « La confusion mentale chez les personnes âgées pour une fracture de hanche : un prédicteur important de « démence »). Cependant, dans l’étude de Wilson et al., seuls 3% des hospitalisations impliquaient une maladie critique. Par contre, on estime que, en général, 15 à 20 % des personnes âgées hospitalisées ont les critères d’un syndrome confusionnel et il est probable qu’un nombre plus important présente des signes sous-cliniques de syndrome confusionnel. Ces données suggèrent donc que le syndrome confusionnel consécutif à un dysfonctionnement cérébral aigu pourrait contribuer au déclin cognitif consécutif à l’hospitalisation. Par ailleurs, l’accélération du déclin cognitif suite à une hospitalisation pourrait également être interprétée en considérant l’état de stress que peut générer une hospitalisation (et le changement de contexte de vie qui y est associé) chez des personnes âgées ayant une réactivité particulière au stress (voir notre chronique «Le stress psychologique : un facteur-clé du vieillissement cérébral/cognitif problématique ?»).

De plus, l’étude de Wilson et al. montre qu’il existe des différences entre les personnes âgées quant à l’importance du déclin cognitif qui suit l’hospitalisation. En effet, les personnes qui ont été hospitalisées pour un problème plus grave, qui étaient plus âgées et qui présentaient un déclin cognitif plus important avant l’hospitalisation manifestaient un déclin post-hospitalisation plus rapide. Ces résultats suggèrent que l’hospitalisation peut contribuer à démasquer des problèmes cognitifs chez des personnes âgées vulnérables et peut-être aussi que l’hospitalisation est associée à une compétence cognitive déclinante. En outre, le fait qu’une maladie plus grave, un âge plus avancé et un trouble cognitif préalable à l’hospitalisation soient également des facteurs de risque de syndrome confusionnel appuie l’hypothèse selon laquelle le syndrome confusionnel constitue un médiateur (au moins partiel) de l’association entre hospitalisation et déclin cognitif subséquent.

La limite principale de cette étude tient à l’intervalle de 3 ans entre les différents moments de suivi, ce qui a limité la capacité d’identifier les changements cognitifs à court terme, c’est-à-dire durant la période proche de l’hospitalisation. Par ailleurs, les participants devaient survivre au moins 6 années (2 périodes de suivi) pour être incluses dans l’étude et les informations concernant l’hospitalisation étaient uniquement disponibles pour les hospitalisations Medicare, ce qui a pu conduire à une sous-estimation de l’association entre hospitalisation et déclin cognitif. Enfin, l’absence de données détaillées concernant le décours de l’hospitalisation a rendu difficile l’identification des mécanismes en jeu dans l’association observée.

Néanmoins, cette étude indique en quoi il est essentiel de mieux comprendre le lien qu’entretient le déclin cognitif avec un événement aussi courant que l’hospitalisation de la personne âgée. Des recherches futures devraient conduire à la mise en place de stratégies visant à prévenir ou réduire les effets d’une hospitalisation sur la cognition, possiblement via une prévention primaire plus efficace des problèmes médicaux menant à une hospitalisation et/ou via des changements dans les politiques et procédures d’hospitalisation des personnes âgées (en particulier, celles présentant des problèmes cognitifs).

hospitalisation.jpg©123rf

 

Mangialasche, F., Kivipelto, M., Solomon, A., & Fratiglioni, L. (2012). Dementia prevention: current epidemiological evidence and future perspective. Alzheimer’s Research & Therapy, 4:6 (http://alzres.com/content/4/1/6).

Wilson, R.S., Hebert, L.E., Scherr, P.A., Dong, X., Leurgens, S.E., & Evans, D.A. (2012). Cognitive decline after hospitalization in a community population of older persons. Neurology, 78, 950-956.

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commentaires

J
<br /> Cette étude est très intéressante car elle prouve la nécessité d'éviter le plus possible l'hospitalisation de la personne âgée. Si elle peut être soignée dans son environnement elle gardera<br /> d'avantage confiance et se remettra plus vite. Les nouvelles technologies doivent aussi permettre d'améliorer les diagnostiques à distance.<br />
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